Publié dans le n° 197 des Dossiers de l'allaitement, octobre 2023.
D'après : Establishing breast feeding in infants with Down syndrome : the FADES cohort experience. Williams GM et al. BMJ Pediatr Open 2022 ; 6 : e001547.
Le syndrome de Down est la conséquence de la trisomie 21. Elle est diagnostiquée en période prénatale ou pendant les premiers jours post-partum. Ce syndrome peut s’accompagner de diverses pathologies (malformations cardiaques, complications intestinales…). Le lait maternel sera particulièrement utile chez ces enfants qui ont un risque plus élevé de pathologies variées, et l’OMS recommande l’allaitement exclusif de ces enfants pendant les 6 premiers mois. Toutefois, l’allaitement directement au sein sera rendu plus difficile en raison de leurs caractéristiques : ils sont hypotoniques, leur langue est plus volumineuse que la moyenne, et ils ont donc du mal à prendre le sein et à le garder en bouche (cela rend également plus difficile leur alimentation avec un biberon). Le but de cette étude était d’évaluer la prévalence de l’allaitement chez ces enfants et le vécu de leurs mères pendant les 6 premiers mois.
Les auteurs ont utilisé les données d’une étude prospective anglaise toujours en cours (étude FADES), menée auprès de mères recrutées auprès des services de santé, des médias sociaux et des associations de soutien aux parents d’enfants présentant un syndrome de Down (SD), incluses pendant leur grossesse, les dyades étant suivies en post-partum. Les familles ont complété un premier questionnaire à leur entrée dans l’étude, puis d’autres questionnaires pendant leur suivi, avec collecte de données démographiques, socioéconomiques, médicales… ainsi que sur l’alimentation de l’enfant et son suivi médical.
Parmi les 70 mères incluses au départ, toutes les données nécessaires ont été collectées pour 61 dyades en moyenne à 20 semaines post-partum. Le SD avait été diagnostiqué avant la naissance chez 15 enfants. 38 enfants étaient nés par voie basse, en moyenne à 38 semaines, avec un poids de 3 ± 0,5 kg. 3 enfants étaient nés à domicile, les autres étant nés en milieu hospitalier. Les mères ont séjourné en moyenne 5 jours en maternité. 34 nouveau-nés ont été transférés en pédiatrie pendant en moyenne 2 jours, essentiellement en raison des difficultés d’alimentation, d’une hypoxie ou d’un suivi cardiaque. 31 d’entre eux ont été nourris par sonde nasogastrique, essentiellement avec du lait maternel exprimé (LME). Les mères pour qui le SD avait été diagnostiqué pendant la grossesse ont reçu des informations sur les difficultés de l’alimentation de ces enfants, mais seulement 3 ont reçu des informations sur l’allaitement de ces enfants. 61 mères ont commencé à allaiter. 47 mères ont pu mettre leur bébé en peau à peau pendant les premières 24 heures post-partum. Les principaux problèmes rencontrés par les mères allaitantes étaient ceux couramment rencontrés chez ces enfants, à savoir l’hypotonie et la léthargie. Toutefois, une seule mère a décrit cela comme un réel problème. 39 mères ont allaité pendant > 6 semaines et 22 % ont allaité pendant > 6 mois (dont 2 mères qui allaitaient toujours exclusivement). 44 mères ont introduit un lait industriel avant 6 semaines et 9 % l’ont fait à > 6 mois. 20 mères ont dit avoir allaité moins longtemps que ce qu’elles souhaitaient au départ. Les principales raisons d’introduction d’un lait industriel ou de l’arrêt de l’allaitement étaient la conviction de ne pas avoir assez de lait, les difficultés pour exprimer son lait et une perte de poids du bébé (3 nourrissons ont été réhospitalisés en raison de leur faible prise de poids). Les souhaits exprimés par les mères concernant ce qui les aurait aidées à allaiter plus longtemps étaient d’améliorer la "normalité" de leur vécu de l’allaitement (ne plus avoir besoin de tirer son lait, qu’il soit plus facile de nourrir leur enfant…). Certaines mères ont exprimé leur frustration lorsqu’on les avait poussées à introduire un autre mode d’alimentation chez leur enfant, trop tôt à leur avis, ou contre leurs souhaits. S’il n’est guère possible de modifier les caractéristiques du bébé souffrant de SD, ces mères auraient vraiment besoin d’être écoutées et soutenues.
Globalement, la prévalence et la durée de l’allaitement de ces enfants étaient satisfaisantes. Les raisons de l’introduction d’un lait industriel ou du sevrage étaient similaires à celles constatées dans la population générale. Si les dyades étaient relativement peu nombreuses, elles étaient représentatives de la population générale des familles ayant un enfant présentant un SD. Les résultats de cette étude fournissent des données importantes sur l’allaitement de ces enfants. Ils démontrent que ces enfants peuvent être allaités, y compris exclusivement, dans certains cas exclusivement directement au sein, la mère devant exprimer son lait et le donner autrement qu’au sein dans d’autres cas. Dans tous les cas, les mères devraient être informées sur l’allaitement de leur bébé présentant un SD, savoir que cela sera plus difficile et demandera de la persévérance, mais que c’est possible, en particulier si elles bénéficient d’un soutien individualisé.
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