Publié dans le n° 197 des Dossiers de l'alalitement, octobre 2023.
D'après : Breastfeeding and respiratory, ear and gastro-intestinal infections, in children, under the age of one year, admitted through the paediatric emergency departments of five hospitals. Branger B et al. Front Pediatr 2023 ; 10 : 1053473.
La prévalence et la durée de l’allaitement sont basses en France (57,8 % dans une enquête en 2019, pendant 15 semaines en moyenne en 2012). De nombreuses études ont constaté que l’allaitement abaissait le risque de diverses infections, en particulier les otites, les infections respiratoires et les infections gastro-intestinales, ainsi que leur sévérité et le risque d’hospitalisation pour ces infections. Le but de cette étude française multicentrique était d’estimer le pourcentage d’enfants exclusivement allaités présentant ces infections et de le comparer au pourcentage d’enfants allaités ayant d’autres pathologies non corrélées à l’allaitement.
Elle a été menée entre 2018 et 2020 (sauf en été pendant ces années) auprès d’enfants vus dans les services d’urgences pédiatriques du CHU d’Angers, et de CH situés à Saint-Nazaire, Cholet, La Roche-sur-Yon et Le Mans. On a sélectionné les enfants qui avaient 0 à 52 semaines et qui étaient nés à terme. Les enfants ont été répartis en groupes : enfants amenés aux urgences pédiatriques pour une infection aiguë respiratoire, ORL ou gastro-intestinale (groupe A : bronchite, bronchiolite, pneumonie, otite, angine ou gastro-entérite…), et enfants amenés aux urgences ou hospitalisés en pédiatrie pour d’autres problèmes (groupe B : lésions traumatiques, autres infections respiratoires…). Les enfants ont également été répartis en groupes suivant leur alimentation au moment de leur consultation : allaitement exclusif (AE, l’enfant pouvant recevoir des médicaments, des suppléments vitaminiques et/ou minéraux ou du liquide de réhydratation), allaitement partiel (AP), ou don exclusif d’un lait industriel (LIE). On a également pris en compte la diversification et l’utilisation d’une sucette. À noter que les enfants ont été considérés comme exclusivement allaités si le lait maternel était le seul lait qu’ils recevaient même s’ils consommaient par ailleurs des solides (différent de la définition de l’allaitement exclusif par l’OMS : aucun aliment autre que le LM). La durée de l’allaitement (exclusif + partiel) a été calculée en semaines pour chaque enfant. Des données démographiques, socioéconomiques… ainsi que diverses données infantiles ont également été documentées. Les données ont été analysées à l’aide du test du khi carré, du test de Student, et par régression logistique multiple.
Les données concernaient 741 enfants. 303 avaient < 3 mois, 178 avaient 3 à < 6 mois, 139 avaient 6 à < 9 mois et 121 avaient 9 à < 12 mois. Le groupe A comptait 266 enfants (35,9 %) : 168 souffrant de bronchiolite, 12 de pneumonie, 66 de gastro-entérite, 27 d’otite et 7 de plusieurs infections. Le groupe B comptait 475 enfants souffrant de problèmes variés (fièvre, éruption cutanée, infection urinaire, traumatisme crânien, RGO, rhinopharyngite…). Les enfants du groupe A étaient moins souvent allaités au moment de leur consultation que ceux du groupe B (20,7 versus 32,4 %) alors que le taux d’allaitement à la naissance était similaire dans les 2 groupes. Les enfants du groupe A étaient plus âgés (5,5 versus 4,2 mois), avaient un poids plus élevé, avaient plus souvent des antécédents familiaux d’allergie, étaient plus nombreux à utiliser une sucette et à fréquenter une crèche. Leurs parents travaillaient plus souvent à temps plein, dans un travail administratif, ces facteurs pouvant tous jouer un rôle dans le risque d’infection. Avant 3 mois, les enfants du groupe A étaient moins souvent exclusivement allaités que ceux du groupe B. Les bénéfices de l’allaitement apparaissaient à partir de 6 mois chez les enfants toujours allaités ou exclusivement allaités, mais pas chez les enfants déjà sevrés. Après analyse multivariable, l’impact de l’allaitement n’était plus statistiquement significatif à 6 et 9 mois, mais il restait significatif à 12 mois. Les facteurs limitant l’impact bénéfique de l’allaitement étaient les antécédents familiaux d’allergie, un niveau socioprofessionnel élevé et l’utilisation d’une sucette.
Cette étude présente des points faibles. On n’a pas inclus les enfants vus en été (période où le taux d’infections est bas). Tous les enfants avaient été amenés aux urgences pédiatriques par leurs parents (aucun enfant vu hors de l’hôpital), ce qui pourrait expliquer le pourcentage élevé de familles ayant un niveau socioprofessionnel élevé, dont les enfants sont plus souvent allaités, mais sont également plus souvent mis en crèche à plein temps en raison du travail de leurs parents. Les résultats de cette étude montrent toutefois que, dans un pays comme la France et en dépit des mauvaises statistiques d’allaitement, l’allaitement abaisse le risque des otites et des infections respiratoires et gastro-intestinales entre 6 et 12 mois. C’était essentiellement le cas des enfants exclusivement allaités, mais également des enfants partiellement allaités même si l’impact était moindre. Il serait utile de recommander aux parents un allaitement d’au moins 6 mois, exclusif si possible. Des mesures devraient être prises pour arrêter progressivement l’utilisation d’une sucette et pour faciliter la poursuite de l’allaitement chez les enfants séjournant en crèche.
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