Publié dans le n° 200 des Dossiers de l'allaitement, janvier 2024.
D'après : Vitamin D supplementation leading to hypervitaminosis D in a breastfed infant : a case report. Twanabasu S et al. Clin Case Rep 2023 ; 11 : e7635.
La vitamine D est une hormone stéroïdienne liposoluble qui joue un rôle majeur entre autres dans l’homéostasie du calcium et du phosphore. L’ergocalciférol (D2, présent dans certaines plantes) et le cholécalciférol (D3, apporté par les produits animaux) sont les sources alimentaires de vitamine D. La vitamine D3 est aussi synthétisée à partir de l’exposition aux UV. Les D2 et D3 seront converties en 1,25(OH)D. Les apports recommandés chez les enfants pendant la première année sont de 400 UI/jour. Le taux de vitamine D du lait humain est fonction du statut maternel pour cette vitamine, et il est très souvent insuffisant pour couvrir les besoins du bébé exclusivement allaité. Par ailleurs, un apport excessif en vitamine D peut induire une toxicité, avec hypercalcémie, hyperphosphatémie, hypercalciurie et chute du taux de PTH, avec dépôts de calcium dans les artères et les reins. Les auteurs présentent un cas d’hypervitaminose D chez un bébé allaité suite à une supplémentation en vitamine D trop importante.
La mère a amené son bébé de 9 mois en consultation en raison de pleurs importants et d’une baisse de l’appétit depuis 2 jours. Il n’avait pas de fièvre, de cyanose, de troubles respiratoires ou cutanés. L’enfant avait des urines abondantes et des selles dures. Il était l’un des deux enfants nés suite à une grossesse induite par FIV. La mère était primipare et avait accouché à 36 semaines de gestation, ce bébé pesant 2 050 g (son jumeau pesait 2 000 g). Les deux enfants étaient exclusivement allaités, en bonne santé jusque-là, et leur développement était parfaitement normal. À la sortie de maternité, on avait prescrit aux jumeaux une supplémentation en vitamine D de 800 UI/jour, ce qui correspondait à 216 000 UI en 9 mois (la mère n’avait pas gardé l’ordonnance). On a suspecté une hypervitaminose D, effectué un bilan biologique adéquat et hospitalisé l’enfant. Le taux sérique de vitamine D était de 120 µg/l (normale : 30 à 100 µg/l), et on a constaté une hypercalcémie, une augmentation du taux sérique de créatinine et un taux abaissé de PTH. L’échographie abdominale a constaté des anomalies du parenchyme au niveau des deux reins. Le don de vitamine D a été immédiatement arrêté. L’enfant a été placé sous perfusion de sérum physiologique pour augmenter l’excrétion urinaire de calcium. Une scintigraphie au DMSA a été planifiée pour rechercher la présence d’éventuelles séquelles rénales. L’enfant est sorti après 10 jours, le bilan biologique s’étant normalisé. On a prescrit aux parents l’arrêt de la supplémentation en vitamine D, remplacée par le don d’aliments de sevrage enrichis en calcium et en vitamine D, ainsi qu’un rendez-vous de suivi 2 mois plus tard. À l’occasion de ce suivi, un bilan approfondi a été effectué, qui était parfaitement normal. La scintigraphie au DMSA était également parfaitement normale. L’autre jumeau, qui recevait lui aussi 800 UI/jour de vitamine D, ne présentait aucun symptôme, et le bilan clinique effectué chez lui était normal. On a toutefois recommandé aux parents d’arrêter la supplémentation en vitamine D chez lui aussi.
D’après l’Académie Américaine de Pédiatrie, la posologie maximale à ne pas dépasser pour la supplémentation en vitamine D est de 1 000 UI/jour chez les bébés de 0 à 6 mois et de 1 500 UI/jour entre 6 et 12 mois. La posologie recommandée de 400 UI/jour permet habituellement d’obtenir un taux sérique moyen de 25(OH)D > 30 ng/ml, et une posologie plus élevée ne semble pas justifiée et fait courir un risque de surdosage. Les signes cliniques d’une hypervitaminose D chez un bébé ne sont pas spécifiques, et il faudra y penser devant un manque d’appétit, une constipation, une polyurie, une léthargie… Le principal objectif du traitement est de réhydrater l’enfant avec du sérum physiologique, afin d’aider son organisme à éliminer le calcium en évitant la formation de calculs urinaires. Si cela n’est pas suffisant pour abaisser la calcémie, la prise de prednisolone (qui abaisse l’absorption du calcium) sera utile. Des produits tels que la calcitonine, les biphosphonates ou le pamidronate seront réservés aux cas sévères n’ayant pas répondu aux premiers traitements. Si les hypervitaminoses D sont significativement plus rares que les carences en vitamine D, il est nécessaire d’éviter un excès de zèle concernant la posologie de vitamine D chez les nourrissons pendant une longue période. Il sera également utile de prendre en compte la situation spécifique de l’enfant : prévalence de la carence en vitamine D dans la population, pratiques d’allaitement, autres aliments consommés, pratiques socioculturelles… afin d’adapter la prescription de vitamine D si nécessaire.
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