Publié dans le n° 202 des Dossiers de l'allaitement, mars 2024
D'après : Pregnancy and lactation-associated osteoporosis successfully treated with romosozumab : a case report. Kaneuchi Y et al. Medicina 2023 ; 59 : 19.
L’ostéoporose liée à la grossesse et à la lactation est une forme rare d’ostéoporose prémé-nopausale (4-8 cas pour 1 million de naissances). Elle débute le plus souvent pendant le 3e trimestre de la grossesse ou en post-partum précoce. Sa pathogenèse reste mal connue et il n’existe pas de consensus général concernant son traitement optimal. On recommande en premier lieu l’arrêt de l’allaitement et la prise de suppléments de calcium avec ou sans vita-mine D. Les divers produits utilisés sont les biphosphonates, le strontium ranélate, le déno-sumab et le tériparatide. Le romosozumab est un anticorps monoclonal inhibiteur de la sclé-rostine, qui est autorisé pour le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique sévère. Les auteurs présentent le 1er cas d’une femme allaitante traitée par romosozumab pour une os-téoporose liée à la grossesse et à l’allaitement.
Cette femme de 34 ans avait accouché par césarienne. Elle est allée consulter 1 mois après son accouchement en raison de douleurs lombaires. Elle allaitait son bébé. Elle n’avait aucun antécédent traumatique. Elle a été traitée sans prescription d’antalgiques, mais la douleur a augmenté progressivement, et elle était devenue sévère lorsqu’elle s’est présentée à la consultation hospitalière des auteurs à 3 mois post-partum. Elle ne fumait pas, ne consommait pas d’alcool et n’avait aucun antécédent de fracture. Sa mère présentait une ostéoporose isolée. Elle avait subi une ovariectomie partielle dans le cadre du traitement d’une endométriose. Son indice de masse corporelle (IMC) était de 19,6 kg/m². La radiographie lombaire montrait un écrasement des vertèbres L1 à L4, et on a diagnostiqué des fractures au niveau de ces vertèbres. Le bilan biologique a constaté un taux inférieur à la normale de TSH et un taux très bas de 25(OH)D (13,6 ng/ml, normale : > 30 ng/ml). La densité osseuse a été mesurée par absorptiométrie biphotonique à rayons X, et on a constaté une baisse de cette densité au niveau des lombaires, du col du fémur et de l’ensemble de la hanche.
On lui a recommandé d’arrêter l’allaitement, et on lui a prescrit des injections sous-cutanées de tériparatide 2 fois par semaine (56,4 µg/semaine) et la prise orale de vitamine D3 (0,75 µg/jour). Après une semaine de ce traitement, elle présentait une hyperphosphatémie et l’administration de vitamine D3 a été arrêtée. On lui a également prescrit du loxoprofène pour la douleur, ainsi qu’une orthèse lombaire pendant 3 mois, ce qui a progressivement soulagé la douleur. Toutefois, après 4 mois de traitement, les douleurs lombaires intenses ont brutalement récidivé alors qu’elle portait son bébé. Une nouvelle radiographie lombaire a été effectuée, qui a constaté un léger écrasement de la vertèbre T11 et l’absence d’augmentation de la densité osseuse, et l’IRM a constaté de nouvelles fractures au niveau de T11 et L5. Un syndrome de Cushing a été suspecté, mais les taux de cortisol et d’ACTH étaient dans les limites de la normale. Par ailleurs, cette femme a rapporté souffrir de nausées après chaque injection de tériparatide. On a donc décidé d’arrêter ces injections. Après discussion avec cette femme, un traitement par romosozumab, calcium et vitamine D3 a été mis en place. 2 mois plus tard, l’état clinique de la patiente s’était significativement amélioré, et la densité osseuse au niveau des vertèbres lombaires et de la hanche avait augmenté. Après 12 mois de traitement et par rapport aux valeurs constatées au démarrage du traitement, la densité osseuse avait augmenté de 23,6 % au niveau lombaire, de 6,2 % au niveau du col du fémur et de 11,2 % au niveau de l’ensemble de la hanche.
La grossesse et la lactation induisent des modifications du métabolisme osseux afin de répondre aux besoins du fœtus et du bébé allaité, et de nombreuses études ont constaté une baisse de la densité osseuse transitoire chez les femmes allaitantes. La survenue d’une réelle ostéoporose avec fractures est toutefois rare, et ce problème semble favorisé par un IMC bas, une carence en vitamine D, le tabagisme, une consommation excessive d’alcool, et probablement certaines mutations génétiques. L’objectif est de traiter la douleur, de prévenir la survenue de nouvelles fractures et d’augmenter la densité osseuse maternelle. Souvent, le sevrage allié à la prise de calcium et de vitamine D permet une augmentation significative de la densité osseuse. Le romosozumab est un produit récent normalement utilisé en cas d’ostéoporose post-ménopausale sévère, et l’incidence de ses effets secondaires reste mal évaluée. Toutefois, les traitements institués en 1er lieu n’avaient pas empêché la survenue de nouvelles fractures, et le tériparatide induisait de plus d’importantes nausées, raisons pour lesquelles un traitement par romosozumab a été tenté. Sa prise pendant 12 mois s’est avérée efficace et la patiente n’a présenté aucun effet secondaire. Cette molécule pourrait donc être une alternative intéressante pour le traitement de l’ostéoporose associée à la grossesse et à l’allaitement.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci