Publié dans le n° 202 des Dossiers de l'allaitement, mars 2024.
D'après : Pregnancy- and lactation-associated osteoporosis in the mother after the first and second children : a case report. Nagai T et al. Int J Surg Case Rep 2023 ; 109 : 108464.
Pendant la grossesse et la lactation, le métabolisme osseux de la femme présentera des modifications significatives afin de fournir au fœtus et au nourrisson le calcium dont il a besoin. En particulier, on a constaté pendant la lactation une baisse de la densité osseuse modeste qui se corrige spontanément. Il existe toutefois de rares cas d’ostéoporose liée à la grossesse et à la lactation, qui se caractérisent par une baisse importante de la densité osseuse avec survenue de fractures. La prévalence de ce problème au Japon est estimée entre 0,03 à 0,3 %. Le fait que ce problème se répète lors de plusieurs grossesse est encore plus rare. Les auteurs présentent un tel cas.
Cette femme de 31 ans s’est présentée en consultation en raison de douleurs lombaires. Elle n’avait pas d’antécédents personnels de problèmes osseux, ni d’antécédents familiaux spécifiques. Elle avait accouché 4 mois plus tôt de son 1er enfant par voie basse, et elle l’allaitait. 3 mois après la naissance, elle a présenté un épisode de douleurs lombaires sévères. La radiologie a constaté des fractures de compression des 4e et 5e vertèbres lombaires. Elle a été référée à la consultation spécialisée des auteurs. Elle mesurait 161 cm, pesait 49,4 kg, et son indice de masse corporelle était de 19,1 kg/m². Sa musculature était normale. Le bilan biologique a constaté un taux élevé de phosphatases alcalines et de phosphatase acide 5 tartrate-résistante. La radiologie a constaté des déformations vertébrales multiples, et l’IRM a constaté des anomalies vertébrales au niveau de T1, T2, T4, T5, T7, T8 et T9, et de L1, L4 et L5. La densité osseuse a été recherchée par absorptiométrie biphotonique à rayons X. Elle était de seulement 49 % de la moyenne pour une femme de son âge au niveau des vertèbres lombaires, et de 63 % de la moyenne au niveau de la hanche.
Cette femme ainsi que son compagnon ne souhaitaient pas de traitement médical agressif car ils ne voulaient pas que leur enfant y soit exposé via le lait maternel. On a donc conseillé à la mère une alimentation riche en calcium et en vitamine D, des bains de soleil, et de l’exercice physique régulier, afin de respecter son choix de poursuivre l’allaitement. 5 mois plus tard, un nouveau bilan a été effectué, qui a constaté une densité osseuse à 44 % de la moyenne pour son âge au niveau lombaire, et de 57 % de la moyenne au niveau de la hanche. Après consultation avec le gynécologue, cette femme a décidé de sevrer son bébé. On lui a prescrit de la cabergoline pour arrêter la production lactée. Après ce sevrage, la densité osseuse a commencé à augmenter. Lorsqu’elle a atteint 60 % de la moyenne au niveau lombaire, on a dit à cette femme qu’elle pouvait programmer une nouvelle grossesse si elle le souhaitait. Elle a accouché de son 2e enfant 3 ans après son 1er accouchement. Au moment de cette naissance, la densité osseuse lombaire était de 62 % de la moyenne au niveau lombaire et de 71 % de la moyenne au niveau de la hanche. Elle a de nouveau décidé d’allaiter. Toutefois, après 6 mois d’allaitement, la densité osseuse avait baissé à 55 % de la moyenne au niveau lombaire et à 63 % au niveau de la hanche. Elle a donc décidé d’arrêter l’allaitement, là encore en prenant de la cabergoline. Comme elle ne souhaitait pas avoir d’autres enfants, on lui a prescrit de l’alendronate et de l’eldécalcitriol (un analogue du calcitriol commercialisé au Japon). Aucune nouvelle fracture n’est survenue pendant les 9 années suivantes.
Au Japon, une ostéoporose chez une personne jeune est diagnostiquée en présence d’une densité osseuse < 70 % de la moyenne pour l’âge. En cas d’ostéoporose liée à la grossesse et à la lactation chez une mère allaitante, on conseille le sevrage. Dans le cas présenté plus haut, la mère a attendu 14 jours après avoir reçu la prescription de cabergoline avant de commencer à la prendre, car il était difficile pour elle d’arrêter l’allaitement. En pareil cas, la mère pourra avoir besoin d’un soutien émotionnel pour l’aider à faire le deuil de l’allaitement. Dans la mesure où l’ostéoporose liée à la grossesse et à l’allaitement récidive rarement avec l’enfant suivant, on a dit à la mère qu’elle pouvait planifier une nouvelle grossesse si elle le souhaitait lorsque sa densité osseuse a réaugmenté à un niveau jugé acceptable. L’allaitement de son 2e enfant jusqu’à 6 mois a permis à ce dernier de bénéficier des bienfaits de l’allaitement pour sa santé, la mère décidant ensuite de sevrer.
Un point faible de cette présentation de cas est l’absence de données sur la densité osseuse de cette femme avant sa 1re grossesse (on ne pouvait donc pas savoir dans quelle mesure elle était déjà basse), ni même avant son 1er accouchement. L’ostéoporose liée à la grossesse et à la lactation semble être une maladie systémique multifactorielle, et il n’y a pas de consensus quant à son traitement. Il serait nécessaire de mener des études sur le sujet, afin de pouvoir établir des critères concernant le pourcentage de densité osseuse par rapport à la moyenne à atteindre avant de démarrer une nouvelle grossesse, et l’efficacité des divers protocoles de traitement. Un bilan osseux peu de temps après l’accouchement pourrait être efficace pour détecter un risque d’ostéoporose liée à la grossesse et à la lactation, et prévenir la survenue de fractures.
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