Dossier publié dans le n° 206 des Dossiers de l'alalitement, septembre 2024.
Alimentation infantile : nouveaux concepts dans la prévention de la transmission verticale du VIH
D'après : Infant feeding : emerging concepts to prevent HIV transmission. Bamford A et al. Curr Opin Infect Dis 2024 ; 37(1) : 8-16.
L’objectif de l’OMS concernant la transmission verticale du VIH est de l’abaisser à < 2 % chez les enfants non allaités et à < 5 % chez les enfants allaités. Toutefois, son taux est déjà < 0,4 % dans la plupart des pays développés. Dans une étude française, sur plus de 5 000 dyades dont la mère était sous antirétroviraux et avait une charge virale indétectable, aucune contamination infantile n’a été constatée lorsque l’enfant était nourri au lait industriel. Cette suppression du risque de transmission pendant la grossesse amène de plus en plus de mères à souhaiter allaiter. Toutefois, nous ignorons toujours beaucoup de choses concernant les facteurs maternels et infantiles corrélés à la transmission via l’allaitement, y compris lorsque la mère est sous antirétroviraux. Quasiment toutes les études cliniques sur le risque de transmission via l’allaitement lorsque la mère est traitée ont été menées dans des pays à revenus bas ou moyens, et elles concluent que ce risque est bas mais pas nul. Il est donc nécessaire de prendre en compte le faible risque potentiel de transmission du VIH lié à l’allaitement versus les bénéfices de l’allaitement. Les recommandations de l’OMS concernant l’allaitement chez les mères séropositives pour le VIH sont les mêmes que celles faites aux mères partout dans le monde, avec un traitement antirétroviral chez ces mères, un suivi régulier de leur charge virale pendant la grossesse et l’allaitement, une prophylaxie de nature et de durée variables chez le nourrisson allaité et un suivi régulier du statut du bébé pour le VIH jusqu’après la fin de l’allaitement. Les recommandations faites par les services de santé publique des divers pays sont hétérogènes, et de plus en plus de pays les réactualisent afin de prendre en compte l’amélioration de nos connaissances, ainsi que les souhaits d’un nombre croissant de mères séropositives pour le VIH d’allaiter.
Mécanismes de la transmission du VIH via l’allaitement
De nombreux facteurs maternels, infantiles et liés au virus influencent la transmission verticale du VIH via l’allaitement. Le risque de transmission est le plus élevé pendant l’infection primaire maternelle, qui induit une virémie élevée. L’inflammation mammaire, incluant la mastite clinique ou subclinique, augmente également ce risque. La contamination peut être induite par les virus intracellulaires ou libres. L’intégrité de la muqueuse intestinale du nourrisson est un facteur important. Elle sera altérée en cas d’infection et/ou lorsqu’il reçoit d’autres aliments que le lait maternel. Le VIH et/ou le traitement antirétroviral peuvent avoir un impact sur la composition du lait maternel et/ou sur le microbiote infantile, avec des implications pour la santé de l’enfant, sa croissance et son développement, et un impact sur le risque de contamination par le VIH qui reste à déterminer.
L’impact des mutations induisant une résistance aux antirétroviraux chez la mère sur le risque de transmission via l’allaitement est mal connu. Toutefois, une étude cas-témoin comparant l’impact de divers protocoles antirétroviraux chez la mère pendant la grossesse et de protocoles antirétroviraux chez la mère et l’enfant pendant l’allaitement a constaté que les mutations induisant une résistance (majoritairement aux inhibiteurs de la transcriptase inverse - ITI) étaient un facteur de risque. Les enfants contaminés avaient un taux plus élevé de résistance aux ITI, ce qui compromettait l’efficacité d’un futur traitement chez eux. Ces résistances ont également des implications pour le choix des produits utilisés pour la prophylaxie infantile néonatale.
La pharmacocinétique des antirétroviraux dans le lait maternel a d’importantes implications pour le risque de transmission, la toxicité des produits chez l’enfant allaité et la survenue de résistances chez lui. Les études sur leur excrétion lactée ont constaté des rapports lait/plasma très variés suivant les produits. Certains sont fortement excrétés dans le lait maternel (rilpivirine, efavirenz, névirapine, abacavir, lamivudine, emtricitabine, ténofovir, alafénamide et raltégravir) tandis que d’autres le sont faiblement (ténofovir disoproxil, dolutégravir, bictégravir ou darunavir/ritonavir). Le taux plasmatique infantile restait < 10 % du taux maternel, et il n’était pas toujours corrélé au taux lacté.
Le statut immunitaire maternel et infantile joue également un rôle. Une étude a par exemple constaté qu’en l’absence de traitement antirétroviral maternel, le fait que la mère soit porteuse d’une souche de VIH plus sensible à la cytotoxicité des anticorps spécifiques combinée à un taux plus élevé de ces mêmes anticorps chez l’enfant allaité était corrélé à un risque plus bas de transmission à l’enfant. Une autre étude a constaté que les anticorps neutralisants spécifiques du VIH, tant ceux à activité multispécifique étendue que ceux spécifiques à un épitope rare, semblaient protéger vis-à-vis de la transmission. Une étude menée auprès de mères ne prenant pas d’antirétroviraux a constaté que la survenue d’une mastite subclinique (dépistée à partir du rapport sodium/potassium dans le lait maternel) était corrélée à une augmentation significative de la charge virale lactée. Tous les nourrissons ont reçu un traitement prophylactique et le taux de transmission du VIH est resté bas (1,5 %). Il n’a donc pas été possible d’établir un lien fiable entre la mastite subclinique et le risque de transmission du VIH. La charge virale maternelle semble être le principal facteur de transmission via le lait maternel, mais d’autres études sont nécessaires pour déterminer les facteurs en cause, tant sur le plan des caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du virus que des réponses immunitaires et inflammatoires chez la mère et l’enfant.
Études cliniques dans les pays à revenus bas/moyens
Une contamination maternelle survenant pendant l’allaitement est à l’origine d’un pourcentage important des contaminations infantiles. L’OMS recommande de tester à nouveau en post-partum les mères qui vivent dans une région où le VIH est endémique. Un suivi régulier des mères en post-partum avec recherche de la charge virale permettra de dépister rapidement une primo-infection et de démarrer le traitement. Les études cliniques sur la mise en œuvre d’une prophylaxie avant toute exposition pendant la grossesse et l’allaitement suggèrent que cette stratégie ne pose pas de problème significatif de sécurité. Un mauvais respect du traitement est sa principale limite, et il pourrait être utile de mettre au point des produits injectables à longue durée d’action pour cette prophylaxie.
La transmission via l’allaitement est rare lorsque la mère a une charge virale indétectable. Une étude menée auprès de 2 431 femmes a fait état d’un taux de 0,6 % à 12 mois. Dans cette étude, 2 nourrissons ont été contaminés alors que leur mère avait une charge virale indétectable (contamination constatée à respectivement 13 et 38 semaines post-partum). Dans une autre étude incluant 268 femmes, 1 enfant a été testé positif à 72 semaines alors que sa mère avait eu une charge virale négative à tous les suivis. L’enfant avait été exclusivement allaité jusqu’à 24 semaines, puis allaité partiellement, la mère n’avait pas présenté de mastite, et aucune autre cause de contamination n’a été trouvée. Les facteurs qui favorisent une transmission en dépit d’une charge virale maternelle indétectable peuvent être : des rebonds transitoires de la charge virale liés à un respect intermittent du traitement par la mère, une mastite subclinique (et donc non visible), une altération de l’intégrité de la muqueuse intestinale infantile, ou même le fait que l’exposition in utero aux antirétroviraux pris par la mère ait masqué la contamination infantile in utero, l’arrêt de cette exposition induisant une augmentation de la charge virale infantile.
Études dans les pays à revenus élevés
Pendant longtemps, l’allaitement a été activement déconseillé aux mères séropositives pour le VIH vivant dans ces pays. L’augmentation du nombre de ces femmes qui souhaitent allaiter a toutefois amené à modifier cette approche, et à soutenir l’allaitement chez les femmes sous antirétroviraux qui ont une charge virale indétectable. La prévalence du VIH est basse dans ces pays, et plus encore celle des femmes qui souhaitent allaiter, et les données restent donc succinctes.
En Angleterre et depuis 2012, 111 enfants ont été allaités par une mère séropositive pour le VIH, soit environ 1,3 % des enfants nés de ces mères, aucune contamination infantile n’ayant été constatée. Des problèmes au niveau du suivi médical ont été rapportés chez 25 mères sur le plan de la recherche mensuelle de la charge virale, et 10 femmes ont cessé l’allaitement suite à la constatation d’une charge virale détectable. Par ailleurs, les protocoles pour la prophylaxie antirétrovirale chez les nourrissons varient fortement d’un pays à l’autre. La Suisse ne recommande aucune prophylaxie, et les pratiques dans les autres pays incluent des durées variées de traitement antirétroviral, faisant appel à un ou plusieurs produits. Il n’existe guère de consensus concernant la fréquence recommandée de la recherche de la charge virale maternelle pendant l’allaitement, du dépistage chez le nourrisson allaité, ou sur la mise en œuvre d’une prophylaxie infantile en cas de rebond de la charge virale maternelle pendant l’allaitement, les recommandations variant là encore suivant les pays. En Suisse et entre 2019 et 2021, 41 femmes séropositives pour le VIH ont accouché et 25 d’entre elles ont allaité pendant 2,5 à 11,1 mois. Les mères pouvaient donner des suppléments de lait industriel, mais aucun solide avant 6 mois. La charge virale est redevenue détectable chez 2 femmes, à 2 mois chez une femme qui a immédiatement arrêté l’allaitement, et à 5 et 8 mois avec retour à la normale dans les 2 semaines suivantes chez l’autre femme. Aucun des 2 enfants n’a été contaminé. Dans une petite présentation de cas en Europe, un rebond dans la charge virale maternelle a induit un arrêt immédiat de l’allaitement de 2 enfants à 4 semaines post-partum. Un 3e enfant âgé de 3 ans toujours allaité a reçu une prophylaxie suite à la constatation d’une infection maternelle par le VIH, avec une charge virale très élevée. Aucun de ces 3 enfants n’a été contaminé, mais le 3 cas souligne l’intérêt d’une recherche en routine de la charge virale maternelle chez toutes les femmes enceintes et allaitantes à haut risque de contamination par le VIH.
Études en cours
La majorité des études menées dans les pays à revenus bas ou moyens se focalisent sur les moyens d’augmenter le respect du traitement antirétroviral par les mères, ainsi que leur suivi régulier pendant l’allaitement, et sur l’optimisation des prophylaxies infantiles en période néonatale. Celles menées dans les pays à revenus élevés se focalisent surtout sur la pharmacocinétique des antirétroviraux, sur le suivi qualitatif des dyades, et sur le risque de transmission verticale du VIH via l’allaitement chez les femmes ayant une charge virale indétectable. Les données obtenues dans les pays à revenus bas ou moyens ne sont pas extrapolables aux pays à revenus élevés en raison d’un contexte environnemental différent (entre autres la prévalence significativement plus élevée des diverses infections pédiatriques), avec une probable surestimation du risque de transmission.
La protection passive via les anticorps neutralisants spécifiques du VIH s’est avérée efficace dans des études sur des primates non humains, et les données sur les humains sont encourageantes. Une étude a évalué l’impact de l’administration de ces anticorps en sous-cutané à raison d’une injection à J5, puis tous les mois, et celle d’une autre formulation également en sous-cutané à J5, puis toutes les semaines pendant 12 semaines, et a constaté que l’impact protecteur persistait pendant 8 semaines chez la majorité des enfants. Des modélisations mathématiques suggèrent que l’administration de ces anticorps pourrait avoir un bon rapport efficacité/coût chez les enfants à haut risque de contamination. Toutefois, leur production reste difficile, et le maintien de la chaîne du froid sera problématique pour certains pays. Des études pharmacocinétiques de phase 1 et 2 sont planifiées pour ces produits.
Considérations éthiques et légales
Les données sur le risque de transmission du VIH via l’allaitement dans les pays développés restant succinctes, et même si les données actuellement disponibles montrent que ce risque est très faible lorsque les conditions optimales sont réunies chez la mère, la détermination de ce qu’on peut considérer comme un risque acceptable de transmission du point de vue des parents et des professionnels de santé reste un sujet débattu. L’alimentation exclusive avec un lait industriel est corrélée à un risque nul de transmission du VIH, mais il a un coût financier, émotionnel, et un impact négatif sur la santé infantile et maternelle. Ce coût lié au non-allaitement sera significativement plus élevé pour les familles défavorisées. Dans certains pays et certaines cultures, l’allaitement est la norme, et le fait de ne pas allaiter induira une stigmatisation de la mère, car le non-allaitement est lié au SIDA, et ce même pour les immigrées vivant dans les pays développés. Une enquête aux États-Unis a constaté qu’environ 1 femme sur 10 s’est sentie obligée de donner un lait industriel. Quelle conduite avoir lorsque le père exige le don d’un lait industriel empêchant la contamination et que la mère souhaite allaiter alors qu’elle est sous antirétroviraux et a une charge virale indétectable ? Ou si, au contraire, la mère préfère donner un lait industriel mais se sent obligée d’allaiter par son entourage ? Davantage d’études sont nécessaires pour mieux évaluer le vécu des familles sur le sujet (il est bien entendu impossible de déterminer le point de vue du nourrisson). La décision nécessite une approche multidisciplinaire, avec présentation objective des diverses options aux parents, et prise commune d’une décision minimisant les risques et les préjudices. Et les professionnels de santé doivent apprendre à gérer leur propre anxiété par rapport au très faible risque de transmission du VIH via l’allaitement versus le risque zéro de transmission via les laits industriels.
En conclusion
De plus en plus de protocoles de gestion de l’alimentation infantile dans le cadre du VIH sont publiés, et ils constituent de bonnes sources d’informations, même si les recommandations diffèrent entre les pays à revenus bas ou moyens et les pays à revenus élevés. Globalement, la transmission du VIH via l’allaitement chez une femme sous antirétroviraux et dont la charge lactée est indétectable est très rare, et elle deviendra certainement encore plus rare avec l’amélioration des protocoles antirétroviraux et du suivi des mères, y compris dans les pays à revenus bas et moyens.
En l’absence d’études cliniques randomisées, il est essentiel de mener des études observationnelles à grande échelle pour mieux évaluer la sécurité de l’allaitement. Les études de cas actuellement publiées dans les pays développés incluent trop peu de mères pour qu’il soit possible de conclure de façon vraiment fiable. Un suivi à long terme est nécessaire pour mieux connaître les bénéfices et les risques de l’allaitement. Un respect strict du traitement antirétroviral par la mère et le nourrisson est difficile au long cours, et des études incluant des stratégies non pharmacologiques sont essentielles, ainsi que sur la pharmacocinétique et l’efficacité de produits à longue durée d’action tels que les anticorps spécifiques neutralisants, le cabotégravir et le lénacapavir. On peut espérer la mise au point un jour d’un vaccin efficace contre le VIH, et si cela finit par arriver, l’évaluation de son efficacité chez la mère allaitante et/ou l’enfant allaité sera une priorité. Le développement de tests simples et peu coûteux pour le suivi de la charge virale pendant l’allaitement rendrait ce dernier beaucoup plus acceptable, ainsi que la détermination des stratégies les plus efficaces en cas d’augmentation transitoire de la charge virale, afin de réduire encore plus le risque potentiel de transmission déjà très bas. Cela permettrait également de dépister rapidement les contaminations par le VIH survenant chez les femmes à haut risque en cours d’allaitement, qui sont corrélées à un risque élevé de transmission à l’enfant. Dans tous les cas, il est important pour les professionnels de santé de prendre en compte les familles, et de s’informer régulièrement des avancées dans le domaine de l’allaitement dans le cadre du VIH.
Facteurs maternels liés au risque de transmission verticale du VIH
Traitement antirétroviral
Charge virale sérique et lactée (virus cellulaire et/ou libre)
Inflammation mammaire (mastite)
Survenue d’une résistance génétique du VIH maternel
Immunodéficience maternelle (taux bas de CD4+)
Séroconversion maternelle pendant la grossesse ou l’allaitement
Co-infection maternelle avec d’autres virus (CMV, EBV…)
Facteurs infantiles liés au risque de transmission verticale du VIH
Prophylaxie post-natale (courte ou pendant tout l’allaitement)
Prophylaxie après survenue d’une virémie maternelle
Excrétion lactée des antirétroviraux pris par la mère
Durée de l’allaitement
Intégrité ou inflammation de la muqueuse intestinale (surtout avant 6 mois)
Immunité infantile transférée pendant la grossesse ou endogène, via les anticorps ou à médiation cellulaire
Introduction d’un lait industriel ou des solides avant 6 mois post-partum
POINTS CLÉS - Suite à la prise en compte des risques et des bénéfices des diverses options d’alimentation infantile lorsque la mère est séropositive pour le VIH, l’allaitement est encouragé dans les pays à revenus bas ou moyens, et il est de plus en plus accepté dans les pays à revenus élevés. - Le risque de transmission du VIH via le lait maternel est extrêmement bas lorsque la mère est sous antirétroviraux. Toutefois, de rares cas de transmission ont été constatés, même avec une charge virale maternelle indétectable. - Les mécanismes et les facteurs de risque de transmission via l’allaitement restent encore mal compris, y compris dans le cadre d’un traitement antirétroviral maternel efficace. - Les bénéfices potentiels des antirétroviraux à longue durée d’action pour la prophylaxie pré-exposition maternelle ou pour le traitement de la contamination, ainsi que pour la prophylaxie infantile pendant l’allaitement, commencent juste à être évalués. |
Recommandations sur l’allaitement chez les mères séropositives pour le VIH et pratiques de ces mères en Europe
D'après : Guidelines and practice of breastfeeding in women living with HIV – Results from the European INSURE survey. Keane A et al. HIV Med 2024 ; 25(3) : 391-7.
Les traitements antirétroviraux ont transformé la vie des personnes séropositives pour le VIH. Ces traitements permettent également une prévention efficace de la transmission verticale du VIH. Toutefois, il existe encore des controverses concernant le risque très faible mais non nul de transmission via l’allaitement lorsque la mère séropositive est traitée efficacement dans les pays où les nourrissons peuvent être nourris dans de bonnes conditions avec un substitut du lait maternel. L’OMS recommande aux mères séropositives pour le VIH d’allaiter pendant au moins 12 mois, mais elles peuvent poursuivre l’allaitement jusqu’à 24 mois ou plus (mêmes recommandations que pour l’ensemble de la population) tout en étant soutenues dans le suivi du traitement antirétroviral. L’OMS recommande l’allaitement exclusif, mais précise qu’un allaitement partiel n’oblige pas à arrêter l’allaitement si la mère suit un traitement antirétroviral. Si les consignes sur l’alimentation des enfants nés de mères séropositives pour le VIH dans les pays développés ont longtemps contre-indiqué l’allaitement, de plus en plus de mères séropositives pour le VIH vivant dans ces pays manifestent le désir d’allaiter.
L’organisation Women Against Viruses in Europe (Femmes contre les virus en Europe – WAVE) a été créée en 2014 pour promouvoir le bien-être des femmes séropositives pour le VIH en Europe. Dans ce cadre, elle souhaite développer un réseau de partage d’expériences et de documentation sur les pratiques d’allaitement de ces femmes, et fournir des opportunités de recherches destinées à améliorer nos connaissances, ainsi que les informations visant les professionnels de santé. Le but de cette étude, menée par le comité sur l’allaitement de WAVE, était d’analyser les recommandations concernant l’allaitement dans le cadre du VIH édictées en Europe, de déterminer leurs similitudes et leurs différences, afin d’établir un réseau de soutien pour les professionnels de santé qui suivent des femmes séropositives pour le VIH souhaitant allaiter. Pour cela, le comité a constitué un groupe de réflexion incluant des professionnels de santé, des représentants d’organisations non gouvernementales et des chercheurs pour mettre au point le protocole de cette étude, et pour analyser les recommandations officielles de tous les pays européens. On a demandé à tous les pays des données nationales sur l’allaitement, les études en cours sur l’allaitement et s’ils souhaitaient participer à l’étude INSURE. Pour celle-ci, un questionnaire en 38 questions a été mis au point pour évaluer les pratiques d’allaitement chez les mères séropositives pour le VIH du pays, incluant des questions à choix multiples et la possibilité d’ajouter des commentaires. Une personne contact a été recherchée dans chaque pays (essentiellement via le réseau WAVE), à qui le questionnaire a été envoyé (31 personnes au total). Au total, 25 responsables ont répondu au questionnaire, quelques-uns ayant omis de répondre à certaines questions.
Recommandations générales
Parmi les 23 pays qui ont des recommandations à l’échelle nationale, ces recommandations déconseillent l’allaitement dans 12 pays, 11 pays proposent l’allaitement si certaines conditions cliniques sont respectées, et aucun pays ne propose l’allaitement à toutes les femmes séropositives pour le VIH. Bien que cela n’ait pas été explicitement demandé dans le questionnaire qui a été soumis aux responsables, ceux de 3 pays ont spécifié que même si leurs recommandations officielles déconseillaient l’allaitement, une femme qui déciderait d’allaiter serait soutenue si sa décision était médicalement appropriée. Dans 12 pays, les responsables ont rapporté que le nombre de femmes séropositives pour le VIH qui souhaitaient allaiter augmentait, 12 estimaient qu’il était stable et 1 qu’il était en baisse.
Conditions dans lesquelles l’allaitement était perçu comme acceptable
Dans 17 pays, une charge virale indétectable pendant les 4 semaines précédant la date présumée de l’accouchement était exigée pour que la mère puisse allaiter. Dans 10 pays, la suppression de la charge virale devait être obtenue pendant au moins une partie de la grossesse, et dans 1 pays elle devait déjà être indétectable avant la conception afin que l’allaitement soit autorisé. Dans 5 pays, les recommandations incluaient des consignes sur la durée de l’allaitement. Dans 11 pays, elles incluaient des consignes sur l’âge minimum de l’introduction des solides. Dans 16 pays, les recommandations officielles précisaient que tous les enfants nés d’une mère séropositive pour le VIH devaient recevoir une prophylaxie post-natale contre le VIH. Dans 12 pays, cette prophylaxie infantile post-natale n’était pas prolongée pendant l’allaitement chez les enfants allaités, tandis qu’elle était prolongée chez certains enfants dans 3 pays et chez tous les enfants dans 1 pays.
Informations sur l’allaitement
Dans 6 pays, des professionnels de santé compétents étaient chargés du don d’informations sur l’allaitement aux mères séropositives pour le VIH qui souhaitaient allaiter. Dans 13 pays, le suivi de ces femmes était effectué selon une approche multidisciplinaire. La composition de l’équipe multidisciplinaire variait suivant les pays, et pouvait inclure des sages-femmes, des pédiatres, des gynécologues, des spécialistes des pathologies infectieuses, des infirmières cliniciennes spécialisées, des travailleurs sociaux et des gestionnaires / travailleurs pairs d’organisations non gouvernementales.
Législation concernant le VIH et l’allaitement
Les responsables de 22 pays ont dit qu’ils ne connaissaient aucun cas de femme séropositive pour le VIH ayant allaité qui avait fait l’objet d’un signalement à la police ou aux services sociaux, ou qui avait été poursuivie ou condamnée parce qu’elle avait allaité. Ceux de 3 pays ont dit que cela s’était produit dans leur pays, les services sociaux ayant été informés dans 2 pays.
Recherches sur l’allaitement dans le cadre du VIH
De telles recherches avaient été menées dans 8 pays, et certains pays faisaient état de plusieurs études. À l’échelle nationale, 5 études étaient en cours, 2 étaient terminées et 2 avaient été publiées. À l’échelle locale, 3 études étaient en cours et le responsable d’un pays a dit que leurs études avaient été publiées. Un responsable a précisé que leur pays avait une biobanque de lait humain (le lait collecté étant consacré aux études scientifiques). Les responsables de 24 pays seraient d’accord pour collaborer à la collecte de données sur l’allaitement chez les femmes séropositives pour le VIH en coordination avec WAVE.
En conclusion
Les résultats de cette enquête montrent une augmentation globale de femmes séropositives pour le VIH souhaitant allaiter. Elle permet également de constater l’hétérogénéité des recommandations officielles sur l’allaitement dans le cadre du VIH dans les pays européens. Il existe suffisamment de données ayant démontré que, sur le plan de la transmission sexuelle dans les couples sérodiscordants, charge virale indétectable = absence de transmission au partenaire, démontrant l’efficacité du traitement antirétroviral pour la prévention de la transmission sexuelle du VIH. Les données concernant l’allaitement sont moins nettes. Le risque de transmission via l’allaitement est très faible si la charge virale maternelle est indétectable, mais des cas ont été rapportés.
Il est clair que certaines femmes décideront d’allaiter même si on le leur déconseille fortement, et les réponses de certains responsables montrent que les pratiques cliniques diffèrent des recommandations officielles. Afin de minimiser au maximum le risque de transmission, de nombreux pays dont les recommandations officielles déconseillent l’allaitement apportent quand même un soutien aux femmes qui décident d’allaiter. Il est nécessaire de prendre en compte tous les facteurs impliqués dans le choix d’allaiter fait par des mères séropositives pour le VIH. Certes, l’alimentation avec un lait industriel supprime totalement le risque de contamination infantile via l’allaitement, et ce fait doit être discuté avec la mère. Toutefois, interdire l’allaitement à la mère pourra l’amener à allaiter en secret, ce qui fera perdre aux soignants des opportunités pour l’informer, la soutenir et assurer un suivi régulier limitant les risques. Une discussion ouverte avec la mère (les parents) permettra le don d’informations sur les risques et les bénéfices des diverses options, incluant l’allaitement, et sur les mesures limitant le risque de contamination de l’enfant.
En Angleterre, une étude est en cours pour explorer le vécu des mères et des parents concernant l’alimentation de leur bébé lorsque la mère est séropositive pour le VIH (étude NOURISH-UK – voir plus bas). L’objectif de cette étude est de collecter des informations qui permettront de mieux soutenir les familles concernées. Le tiers des pays européens mène des études sur les mères séropositives pour le VIH de leur pays qui allaitent, et la grande majorité des responsables de programmes sur le sujet souhaitent rejoindre un réseau européen afin de mettre en commun leurs expériences et apporter leur soutien. La mise en place d’un tel réseau permettra d’acquérir plus rapidement des données et de démarrer des discussions sur l’allaitement chez les mères séropositives pour le VIH au niveau européen, afin de permettre à ces mères d’allaiter avec un niveau de sécurité aussi élevé que possible.
Pays |
Existence de |
Existence de recommandations sur le VIH et l’allaitement ? |
Recommandations sur l’allaitement : déconseillé, proposé dans certaines conditions, proposé à toutes les femmes concernées ? |
Existe-t-il une recommandation pour la fréquence de la recherche de la charge virale maternelle pendant la grossesse ? |
Existe-t-il une recommandation pour la fréquence de la recherche de la charge virale infantile pendant l’allaitement ? |
Existe-t-il une recommandation pour la fréquence de la recherche de la charge virale infantile après l’arrêt total de l’allaitement ? |
Existe-t-il des ressources (documentation…) sur l’allaitement chez les femmes séropositives pour le VIH ? |
Autriche | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | non |
Belgique (a) | non | oui | non documenté | non | non | non | non |
Danemark | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | oui |
Finlande (b,c) | oui | oui | déconseillé | oui | oui | oui | non |
France (d) | oui | oui | déconseillé | oui | oui | oui | oui |
Allemagne | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | non |
Grèce (e) | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | non |
Irlande (f) | oui | oui | déconseillé | non | non | non | oui |
Israël | non | non documenté | non | non | non | non | |
Italie | oui | oui | déconseillé | ||||
Kirghizistan | oui | oui | dans certaines conditions | non | oui | non | oui |
Lettonie | oui | oui | déconseillé | non | non | non | non |
Norvège (c) | oui | oui | déconseillé | oui | oui | oui | oui |
Pologne | oui | oui | dans certaines conditions | non | non | non | non |
Portugal | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | non |
Tchéquie | oui | oui | déconseillé | non | non | non | non |
Roumanie | oui | oui | déconseillé | non | non | non | non |
Russie | oui | oui | déconseillé | ||||
Espagne | oui | oui | déconseillé | non | non | non | oui |
Suède | oui | oui | déconseillé | non | non | non | non |
Suisse | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | non |
Hollande (g) | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | oui |
Turquie | oui | oui | déconseillé | oui | oui | oui | oui |
Ukraine | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | oui |
Royaume-Uni | oui | oui | dans certaines conditions | oui | oui | oui | oui |
a. Un groupe de travail a été établi en Belgique en novembre 2021 pour développer des recommandations sur le VIH et la grossesse, qui abordera également l’allaitement.
b. En Finlande, il existe des recommandations non officielles, mais disponibles et suivies dans tout le pays.
c. La Norvège et la Finlande précisent que, bien que leurs recommandations déconseillent l’allaitement, les femmes qui ont une charge virale indétectable et qui souhaitent allaiter sont soutenues dans leur choix.
d. Les recommandations en France ont été actualisées en mai 2024 (voir https://www.has-sante.fr/jcms/p_3518878/fr/grossesse-et-vih-desir-d-enfant-soins-de-la-femme-enceinte-et-prevention-de-la-transmission-mere-enfant).
e. L’allaitement est globalement déconseillé, mais la mère qui souhaite allaiter sera étroitement suivie, et l’allaitement sera arrêté si sa charge virale est > 50 copies/ml.
f. Les recommandations en Irlande sont actuellement en cours d’actualisation afin d’inclure les critères de suivi à mettre en œuvre si une femme choisit d’allaiter.
g. Les recommandations hollandaises sont que le don d’un lait industriel est l’option la plus sûre, mais les femmes qui souhaitent allaiter sont soutenues si certains critères sont respectés.
Mise à jour 2023 des recommandations sur l’alimentation infantile et le VIH aux États-Unis
D'après : 2023 updated guidelines on infant feeding and HIV in the United States : what are they and why have recommendations changed. Pollokc L, Levison J. Top Antivir Med 2023 ; 31(5) : 576-86.
L’Académie Américaine de Pédiatrie (AAP) recommande l’allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois en raison de ses nombreux bénéfices pour l’enfant et sa mère. Toutefois, pendant des décennies, on a dit aux femmes séropositives pour le VIH vivant dans les pays développés que le don exclusif d’un lait industriel était la seule option possible pour l’alimentation de leur bébé. Progressivement, des études menées dans ces pays ont constaté que le risque de transmission verticale du VIH via l’allaitement était très bas lorsque la mère avait une charge virale indétectable, et qu’interdire à ces femmes d’allaiter augmentait les inégalités dont souffraient déjà nombre d’entre elles. En janvier 2023, les recommandations officielles aux États-Unis ont été modifiées pour tenir compte de ces faits. Les auteurs font le point sur le sujet.
VIH, droits reproductifs, recommandations et coercition
Les personnes séropositives pour le VIH ont dû pendant longtemps se battre pour leurs droits reproductifs. Le premier avis émis par les CDC (Centers of Disease Control) en 1985 était que les femmes contaminées par le VIH devraient se voir conseiller d’éviter les grossesses tant qu’on n’en savait pas davantage sur sa transmission verticale. Cet avis a été reconduit en 1987, et il reconnaissait que cela impliquait une certaine coercition. D’autres agences gouvernementales ont repris ce discours jusqu’à dire que les femmes séropositives devaient être fortement encouragées à ne pas avoir d’enfants. Ce discours était beaucoup plus directif que celui fait aux parents porteurs d’anomalies génétiques transmissibles. D’autres spécialistes ont en revanche toujours été partisans d’une approche non coercitive, et de l’implication des personnes concernées dans les décisions qui les concernent. Ces spécialistes étaient partisans du don d’informations d’une façon culturellement adaptée aux personnes concernées et dépourvue de jugements.
Les premières recommandations officielles ont donc contribué à stigmatiser les femmes séropositives pour le VIH, même lorsque des stratégies de prévention de la transmission verticale du VIH ont été mises en œuvre. Toutefois, le CDC et les autres agences gouvernementales américaines ont progressivement cessé de décourager les grossesses pour privilégier les prophylaxies du VIH, le dépistage universel, les traitements antirétroviraux chez les femmes enceintes séropositives, ainsi que la prophylaxie antirétrovirale chez leurs nouveau-nés. Un point sur lequel les recommandations successives n’ont toutefois jamais évolué était la prohibition absolue de l’allaitement pour les femmes séropositives. Certes, avec le temps, on a fini par renoncer aux mesures drastiques prises envers les femmes qui décidaient d’allaiter en dépit des conseils intensifs contre l’allaitement qui leur avaient été donnés, mais on a continué à affirmer que le non-allaitement était recommandé chez ces mères.
2023 : modification des recommandations officielles
Les recommandations sur l’alimentation des nourrissons nés de mères séropositives pour le VIH ont évolué, pour conseiller le don à ces femmes d’informations fondées sur les besoins de ces femmes et sur les données scientifiques existantes. Les femmes qui ne prenaient pas d’antirétroviraux et/ou qui avaient une charge virale détectable malgré le traitement devraient donner un lait industriel ou du lait humain fourni par un lactarium pour éliminer le risque de transmission verticale du VIH via l’allaitement. Les femmes sous traitement et dont la charge virale était indétectable (au moins pendant le dernier trimestre de la grossesse et au moment de la naissance) devaient être informées sur la possibilité de donner un lait industriel, d’allaiter ou de donner du lait humain fourni par un lactarium.
Même avant ces modifications, des femmes séropositives ont souhaité allaiter et ont réussi à le faire, dans certains cas avec le soutien de professionnels de santé, et dans d’autres cas en cachette. Une étude publiée en 2019 constatait que, parmi les 93 cliniciens qui avaient suivi des femmes séropositives, 29 % savaient que certaines d’entre elles avaient allaité. Ce fait était également constaté par une étude publiée en 2021. Si l’allaitement peut transmettre le VIH et si les parents ont les moyens de nourrir leur enfant avec un lait industriel dans de bonnes conditions, pourquoi ces parents voulaient-ils que leur enfant soit allaité ? Cela montre qu’il faut voir plus loin que le risque de transmission du VIH au nourrisson et prendre en compte la stigmatisation, le caractère intrusif de certaines recommandations et leur impact négatif, les divers bénéfices de l’allaitement, les priorités des familles dans leur contexte socioculturel et l’importance d’avoir les mêmes droits et les mêmes choix que les personnes séronégatives.
En l’absence de traitement antirétroviral, on estime que le risque de transmission du VIH est d’environ 16 % pour 2 ans d’allaitement. Aucune étude poussée n’a été effectuée auprès de femmes chez qui le traitement antirétroviral avait été débuté avant la grossesse ou pendant le premier trimestre de celle-ci, les seules études sur le sujet ayant été effectuées auprès de femmes vivant dans des pays à revenus faibles ou moyens chez qui les antirétroviraux avaient été débutés à divers moments pendant la grossesse. Dans une méta-analyse incluant 6 de ces études, auprès de femmes chez qui le traitement avait été débuté à divers moments de la grossesse et poursuivi pendant au moins 6 mois après la naissance, la transmission post-natale à 6 mois était estimée entre 0,2 et 3,1 % suivant les études. L’étude la plus importante sur le sujet avait comparé l’impact d’un traitement maternel versus celui d’une prophylaxie infantile prolongée, et rapportait un taux de contamination infantile de 0,3 % à 6 mois et 0,6 % à 12 mois dans les 2 groupes.
Quelques cas de contamination infantile par le VIH ont été rapportés même si la charge virale maternelle était < 50 copies/ml au moment présumé de la transmission. Deux cas ont été constatés dans une étude menée au Malawi. Dans le premier cas, la mère avait débuté le traitement antirétroviral 8 semaines avant la naissance et la charge virale lactée maternelle était < 37 copies/ml à tous les suivis entre 1 et 12 mois. Elle a allaité jusqu’à 9 mois et le bébé a été testé positif à 12 mois alors qu’il était négatif auparavant. La mère avait eu une charge virale lactée de 293 copies/ml à 1 mois post-partum, qui était par la suite revenue à 37 copies/ml. Dans le deuxième cas, la mère avait commencé le traitement 14 semaines avant l’accouchement et sa charge virale était < 37 copies/ml à 1 et 3 mois post-partum. Le bébé était négatif à 1 mois et positif à 3 mois. La charge virale lactée était < 37 copies/ml à 1 mois et de 90 copies/ml à 3 mois. Une étude menée au Botswana a constaté deux cas de transmission dans lesquels les charges virales plasmatique et lactée étaient < 50 copies/ml à 1 et 3 mois. Dans une autre étude, un enfant a été testé positif à 16 mois alors que la charge virale maternelle avait été < 50 copies/ml à 12, 24, 48 semaines et 16 mois. Même en cas de charge virale très basse ou indétectable, le risque de transmission via l’allaitement n’est donc pas totalement nul, au moins lorsque le traitement antirétroviral a été débuté pendant le troisième trimestre de la grossesse, même s’il est < 1 %. Quelques études de cas ont été menées dans des pays développés (Allemagne, Italie, États-Unis, Canada), mais elles incluaient peu de femmes (13 à 72 femmes suivant les études), et aucun cas de contamination de l’enfant n’a été rapporté, bien que 4 enfants aient été perdus de vue.
Autonomie, équité et justice en matière de reproduction
De nombreux activistes estiment que le choix de l’alimentation infantile fait partie de la justice en matière de reproduction, un domaine qui va bien plus loin que le choix de l’IVG. Ces activistes analysent les structures sociétales qui ont un impact sur les divers aspects de la reproduction. Des études qualitatives menées en Grande-Bretagne, au Canada et aux États-Unis ont analysé les diverses considérations prises en compte par les femmes séropositives pour le VIH qui doivent choisir comment nourrir leur enfant, ou à qui on dit que les laits industriels sont la seule option, sans aucune prise en compte des aspects sociaux, culturels, émotionnels… de l’allaitement, ni de l’impact sur la mère de l’affirmation que si elle allaite, elle contaminera son bébé.
Dans certains pays, l’allaitement est la norme, une composante majeure de la maternité, et l’interdire aux femmes aura pour elles un coût émotionnel majeur. Si une mère n’allaite pas, toutes les personnes de sa communauté voudront savoir pourquoi. Dans ces pays, le fait de ne pas allaiter est devenu le signe que la mère est séropositive pour le VIH, avec la stigmatisation que cela induit. À l’échelle mondiale, l’allaitement exclusif est recommandé jusqu’à environ 6 mois, les autres aliments étant alors introduits parallèlement à la poursuite de l’allaitement aussi longtemps que souhaité par l’enfant et la mère. Ces recommandations sont fondées sur les nombreux bénéfices de l’allaitement pour l’enfant et la mère, et elles sont également entendues par les mères séropositives pour le VIH. Si certaines accepteront de ne pas allaiter parce qu’on leur a dit que les risques de transmission du VIH étaient supérieurs aux bénéfices de l’allaitement, d’autres pourront avoir du mal à comprendre pourquoi leur lait est mauvais pour leur bébé dans un pays, mais pas dans un autre. Dans la mesure où l’allaitement par une mère sous antirétroviraux qui a une charge virale indétectable est corrélé à un taux de transmission très bas du VIH, certains experts estiment qu’en pareil cas le risque de transmission et les bénéfices de l’allaitement s’équilibrent.
Les femmes des minorités ethniques, bien souvent défavorisées et ayant peu accès à des soins médicaux de bonne qualité, sont également celles qui sont les plus susceptibles d’être séropositives pour le VIH. Même dans les pays développés, certaines femmes pourront ne pas avoir facilement accès à de l’eau potable ou n’auront pas les moyens de donner à leur bébé des biberons de lait industriel dans de bonnes conditions de sécurité. L’allaitement pourrait être le meilleur choix pour ces femmes, même si elles sont séropositives, même s’il serait préférable qu’elles puissent vivre dans de meilleures conditions. Le contexte socio-culturel et économique dans lequel vit la femme devrait être pris en compte de façon individualisée.
Informations aux mères et gestion de l’allaitement
Les diverses options d’alimentation infantile devraient être discutées avec les femmes séropositives pour le VIH dès qu’elles envisagent une grossesse ou dès le début de cette grossesse. La meilleure stratégie est de commencer à discuter avec la femme de ce qu’elle souhaite, puis de l’informer sur les diverses options (alimentation au lait industriel, don de lait humain fourni par un lactarium et allaitement). Si la femme souhaite allaiter, elle devra être informée sur l’importance de respecter son traitement, de l’obtention d’une charge virale indétectable pendant la grossesse et l’allaitement, et d’un suivi régulier pour elle et pour son bébé après la naissance. On discutera avec elle des points suivants :
• Les options qui éliminent totalement le risque de transmission du VIH lié à l’allaitement sont le don d’un lait industriel ou le don de lait humain pasteurisé.
• L’allaitement est corrélé à de multiples bénéfices pour la santé infantile et maternelle.
• Si la mère souhaite allaiter, il est recommandé d’allaiter exclusivement jusqu’à 6 mois dans la mesure où on a constaté qu’un allaitement partiel augmentait le risque de transmission. À noter que, dans certaines situations, le don de suppléments de lait industriel pourra être nécessaire.
• L’obtention d’une charge virale indétectable pendant la grossesse et l’allaitement est liée à un risque de transmission à l’enfant < 1 %, mais ce risque n’est pas nul. Si la charge virale devient détectable, on conseillera à la mère de suspendre l’allaitement, la recherche de la charge virale étant répétée, et l’allaitement repris lorsqu’elle redevient indétectable. Pendant cette suspension, le bébé pourra recevoir un lait industriel, du lait maternel exprimé alors que la charge virale maternelle était indétectable, du lait maternel exprimé et pasteurisé (pasteurisation flash par exemple) ou du lait humain fourni par un lactarium si cette option est possible. Si la charge virale reste détectable, on discutera avec la mère de l’arrêt de l’allaitement.
• Le post-partum est une période fatigante, et il pourra devenir difficile pour la mère de bien respecter son traitement et son suivi médical, en particulier si elle souffre de dépression (situation plus fréquente chez les femmes séropositives). La mère devrait être bien soutenue, y compris par des personnes compétentes en matière d’allaitement dans le cadre du VIH, pour l’aider à surmonter les éventuels problèmes.
• La grande majorité des études sur la transmission verticale du VIH ont été menées dans des pays à faible niveau économique. Il serait nécessaire de mener des études sur cette transmission dans les pays à hauts revenus chez les femmes ayant une charge virale indétectable dès le début de la grossesse.
Il n’existe aucune étude sur la fréquence optimale de la recherche de la charge virale plasmatique chez les mères allaitantes. On peut envisager un tel suivi tous les 1 à 2 mois pendant l’allaitement. Si la charge virale devient détectable, la mère devrait immédiatement consulter un expert en matière d’allaitement et de VIH, et envisager une suspension de l’allaitement ou un sevrage. Si des études menées dans les pays en voie de développement ont constaté que l’allaitement partiel augmentait le risque de contamination infantile, on ignore si c’est également le cas dans les pays développés lorsque la mère allaitante est sous antirétroviraux, en particulier si elle a une charge virale indétectable. La mère devrait être suivie régulièrement sur le plan de l’allaitement afin de prévenir ou de résoudre au plus vite les éventuels problèmes tels que les mastites ou les lésions des mamelons, qui pourraient augmenter le risque de transmission du VIH au bébé allaité. À noter qu’on ignore en fait l’impact de ces problèmes dans le contexte d’une mère sous antirétroviraux et dont la charge virale est indétectable. Le statut de l’enfant pour le VIH sera régulièrement recherché : à la naissance, entre J14 et J21, entre 1 et 2 mois, 2 à 4 mois, 4 à 6 mois, puis tous les 3 mois jusqu’à la fin de l’allaitement, puis 4-6 semaines, 3 mois et 6 mois après la fin de l’allaitement.
Les recommandations actuelles stipulent explicitement que signaler aux services de protec-tion de l’enfance une mère séropositive pour le VIH parce qu’elle a choisi d’allaiter, voire qu’elle a juste posé des questions sur l’allaitement, n’est pas un comportement approprié. Pas plus que le fait, pour des professionnels de santé, de dire aux femmes séropositives pour le VIH qu’ils refuseront de les suivre sur le plan médical si elles décident ou souhaitent allaiter, dans le but de les intimider et de les contraindre à renoncer à l’allaitement. De tels comportements sont néfastes pour les familles concernées et ne font que renforcer leur stigmatisation et leur marginalisation. De plus, certaines mères pourront décider d’allaiter quand même, alors qu’elles ne bénéficieront pas du suivi qui leur permettrait de le faire avec un bon niveau de sécurité.
Prophylaxie infantile
Il n’y a pas de consensus concernant la prophylaxie infantile optimale lorsque le bébé est allaité par une mère séropositive pour le VIH. La majorité des spécialistes estiment que si le risque de transmission est faible, un traitement de 2 semaines par zidovudine est suffisant. D’autres estiment qu’une durée de 4 à 6 semaines de traitement par zidovudine est préférable, d’autres recommandent la prise de névirapine pendant 6 semaines et d’autres la prise de névirapine pendant toute la durée de l’allaitement. Il est important d’être conscient qu’aucune étude n’a été menée pour évaluer l’intérêt de cette prophylaxie infantile lorsque la mère est sous antirétroviraux et qu’elle a une charge virale indétectable. L’analyse des données d’une étude randomisée, menée dans 4 pays d’Afrique sub-saharienne et publiée en 2012, incluant un groupe névirapine et un groupe placebo, concluait que la prophylaxie infantile n’avait pas d’impact significatif sur le risque de transmission pendant l’allaitement lorsque la mère était sous traitement antirétroviral. En conséquence, l’objectif de base est l’efficacité du traitement maternel, et la mise en œuvre d’une prophylaxie infantile pourrait être discutée avec les parents.
En conclusion
Les mères séropositives pour le VIH, comme toutes les mères, veulent avoir des enfants en bonne santé et heureux. Le risque de transmission verticale du VIH via l’allaitement n’est pas le seul facteur à prendre en compte dans la décision des pratiques optimales d’alimentation pour un enfant donné et sa famille. Les recommandations actuelles ont évolué vers la prise en compte des souhaits des familles dans le cadre d’une discussion avec les professionnels de santé afin de permettre aux parents de faire des choix informés en sachant qu’ils seront soutenus.
Il serait toutefois utile d’en savoir davantage sur le risque de transmission via l’allaitement lorsque la mère est sous antirétroviraux et qu’elle a une charge virale indétectable déjà pendant la grossesse, sur l’intérêt d’une prophylaxie antirétrovirale chez le nourrisson et sur le choix des produits à privilégier, et sur le risque d’un allaitement partiel dans le contexte d’une charge virale indétectable. Dans la mesure où de plus en plus de mères séropositives pour le VIH pourront décider d’allaiter, de telles études devraient devenir plus faciles. Une mère pourra décider de donner exclusivement un lait industriel car elle estime que même un risque infime de transmission est inacceptable. D’autres pourront parfois avoir accès à du lait humain provenant de donneuses. Certaines pourront commencer à allaiter, et passer rapidiment au don d’un lait industriel. Toutes ces femmes devraient être soutenues. Il serait également nécessaire que, quel que soit leur choix, toutes les femmes puissent avoir accès à un suivi médical optimal, à un suivi de leur allaitement par une personne compétente, ou avoir la possibilité de nourrir leur bébé au lait industriel dans des conditions optimales de sécurité.
Pour les recommandations en France, vous pouvez consulter :
https://www.has-sante.fr/jcms/p_3518878/fr/grossesse-et-vih-desir-d-enfant-soins-de-la-femme-enceinte-et-prevention-de-la-transmission-mere-enfant
Grossesse et VIH : désir d’enfant, soins de la femme enceinte et prévention de la transmis-sion mère-enfant. RECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE - LABEL - Mis en ligne le 31 mai 2024
"Nous avons décidé ensemble" : décisions parentales concernant l’alimentation infantile lorsque la mère est séropositive pour le VIH
D'après : "We decided together" : a qualitative study about women with HIV navigating infant-feeding decisions with the father of their children. Kasadha B et al. BMC Pregnancy Childbirth 2024 ; 24 : 41.
600 à 1 000 grossesses chez des femmes séropositives pour le VIH surviennent tous les ans en Grande-Bretagne, avec un taux de transmission à l’enfant de 0,22 %. Environ 65 % de ces femmes sont des immigrées originaires d’un pays africain, dans lequel l’allaitement est la norme. Dans ces pays, une mère qui n’allaite pas est perçue soit comme une mauvaise mère, soit comme une mère séropositive pour le VIH qui sera stigmatisée en conséquence. De plus en plus de femmes séropositives pour le VIH vivant dans les pays industrialisés souhaitent allaiter, même si leur nombre reste faible, et elles sont de plus en plus souvent soutenues par les professionnels de santé qui les suivent. De nombreuses études ont évalué le rôle des pères dans les décisions maternelles concernant l’alimentation infantile, mais très peu ont été menées dans le cadre de la séropositivité maternelle pour le VIH. Le but de cette étude était d’explorer le rôle du père dans ces décisions.
Les auteurs ont utilisé les données collectées dans le cadre d’une étude sur les décisions en matière d’alimentation infantile dans le cadre du VIH en Angleterre (NOURISH-UK, toujours en cours). Des entretiens semi-structurés ont été organisés avec des femmes séropositives enceintes ou ayant accouché, ainsi qu’avec quelques-uns des compagnons de ces femmes. Outre la collecte de quelques données démographiques et socioéconomiques, l’entretien couvrait le vécu des femmes chez qui une contamination par le VIH avait été diagnostiquée, leur impact sur leur relation de couple et leurs relations avec leur entourage, leurs sentiments concernant le parentage, leur point de vue sur les options d’alimentation infantile, les recommandations officielles et les relations avec les soignants, le rôle du père sur les décisions en matière d’alimentation infantile, et si elles connaissaient le statut du père pour le VIH. Les points abordés avec les pères étaient globalement les mêmes ; on leur a demandé leur propre statut s’ils le connaissaient, leur point de vue sur la séropositivité de leur compagne, et leurs connaissances sur l’allaitement dans le cadre du VIH. Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscrits pour analyse des thèmes abordés.
Les données ont été obtenues pour 36 femmes séropositives (8 femmes enceintes et 28 ayant un enfant de moins de 12 mois), ainsi que 2 des pères. 28 femmes vivaient en couple avec le père de l’enfant. 10 femmes avaient 35 à 39 ans et 10 avaient 40 à 44 ans. 22 étaient d’origine africaine et 2 étaient originaires des Caraïbes. 22 avaient été dépistées séropositives depuis 1 à 10 ans, et 9 depuis 11 à 25 ans. 26 mères avaient une charge virale indétectable au moment de la naissance. 20 femmes avaient décidé de donner exclusivement un lait industriel. Aucun enfant n’a été contaminé. Parmi les 8 femmes enceintes, 4 souhaitaient allaiter, 2 souhaitaient donner un lait industriel, les 2 autres n’ayant pas encore décidé. L’une des femmes, qui avait un bébé de 6 mois, était à nouveau enceinte. 7 femmes ont dit que leur compagnon était également séropositif et 2 ont dit que leur compagnon ignorait qu’elles étaient séropositives. Aucun des 2 hommes inclus (tous les deux d’origine anglaise) dans cette étude n’était séropositif, et tous deux savaient que leur compagne était séropositive.
Les femmes dont le compagnon savaient qu’elles étaient séropositives ont dit que cela avait facilité les choses. Leurs compagnons ont assisté aux divers rendez-vous médicaux. Le père s’est fortement impliqué. Une mère a toutefois dit que son mari, qui connaissait sa séropositivité, ne connaissait pas les recommandations officielles en Angleterre qui préconisaient le don d’un lait industriel. Elle savait qu’il privilégiait l’allaitement, et elle a été soulagée lorsque son médecin lui a dit que l’allaitement était possible. Les femmes n’ont pas impliqué leur compagnon s’il ignorait leur séropositivité, et l’allaitement leur permettait d’éviter de le mettre au courant (même si une femme se demandait si son mari l’ignorait réellement car il la voyait prendre les comprimés d’antirétroviraux). Dans l’ensemble, les mères dont le compagnon connaissait la séropositivité l’impliquaient dans les décisions en matière d’alimentation infantile. Une mère a toutefois signalé que son mari n’a pas souhaité s’impliquer car il estimait que c’était aux femmes de décider de l’alimentation de leur bébé. La majorité des femmes qui ne vivaient pas avec le père de leur enfant ont en revanche décidé seules de l’alimentation de leur enfant.
L’un des pères a dit que sa femme travaillait pour une organisation de soutien aux personnes séropositives pour le VIH, et qu’il avait donc confiance dans ses capacités à prendre des décisions concernant l’alimentation de leur enfant. La majorité des femmes a souligné que la décision d’allaiter ou non avait été prise en commun après discussion avec leur compagnon, et les femmes qui avaient allaité ou qui souhaitaient le faire estimaient que le soutien de leur compagnon était important. Une femme a décidé de ne pas allaiter (alors qu’elle souhaitait le faire au départ) parce que son compagnon estimait que c’était trop risqué pour leur bébé. Et un père a dit qu’il était plus favorable à l’allaitement que sa compagne. Il assistait avec elle à des séances prénatales d’information, et il estimait que cela contribuait à faire évoluer le point de vue de sa compagne en faveur de l’allaitement.
Cette étude montre que les pères peuvent avoir un rôle important et actif dans les décisions en matière d’alimentation infantile lorsque leur compagne est séropositive pour le VIH. Elle confirme que, même en Angleterre, des mères n’informent pas leur compagnon de leur séropositivité de peur d’être stigmatisées ou victimes de sévices. Cette étude est toutefois qualitative et elle incluait seulement 2 pères qui n’étaient pas représentatifs de l’ensemble des compagnons de ces femmes sur le plan démographique et socioéconomique, mais les points de vue exprimés par ces pères recoupaient assez bien ce qui a été rapporté par d’autres mères concernant leur compagnon. Les mères ont dit en majorité que leurs compagnons connaissaient les recommandations officielles sur l’allaitement, même s’ils connaissaient nettement moins celles sur l’allaitement dans le cadre du VIH. Il serait donc nécessaire que les professionnels de santé qui suivent les femmes enceintes séropositives pour le VIH incluent le père dans les discussions concernant l’alimentation de leur enfant, en prenant en compte que le père peut ou non être séropositif lui aussi et avoir des connaissances plus ou moins bonnes sur le VIH, ainsi que le fait que certaines mères ne veulent pas que leur compagnon sache qu’elles sont séropositives. Des groupes de soutien de mère à mère gérés par des pairs pourraient être très utiles.
Les pères ont un rôle important à jouer dans l’alimentation infantile dans le cadre du VIH, en particulier lorsqu’ils savent que leur compagne est séropositive pour le VIH. Ils seront alors influencés par les préférences de leur compagne, ainsi que par le don d’informations fiables sur l’alimentation infantile dans ce contexte. Les femmes séparées de leur compagnon ne se préoccupent généralement pas de son point de vue sur le sujet, et elles pourront même l’exclure activement par crainte de sévices. Les professionnels de santé peuvent être une importante source de soutien pour ces femmes qui doivent décider de l’alimentation de leur enfant, que leur compagnon soit ou non impliqué dans les discussions sur le sujet.
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