Publié dans le n° 206 des Dossiers de l'allaitement, septembre 2024.
D'après : A case of severe lactation ketoacidosis in a nondiabetic mother on a ketogenic diet. Borhan MK et al. JECM Case Rep 2023 ; 1(6) : 134.
L’acidocétose lactationnelle est un problème relativement rare induit par la conjonction entre l’augmentation des dépenses métaboliques liées à la lactation et la baisse des apports glucidiques de la mère. Le régime cétogène est devenu populaire chez les femmes en post-partum en raison de la perte de poids rapide qu’il induit. Ce régime se caractérise par des apports glucidiques très bas, ce qui est susceptible de présenter des risques pour certaines personnes, incluant les mères allaitantes. Les auteurs présentent le cas d’une femme qui a présenté une acidocétose sévère suite à la mise en œuvre (sans indication médicale spécifique) d’un régime cétogène.
Cette femme de 31 ans s’est présentée aux urgences du CH où travaillent les auteurs à 2 mois post-partum, suite à une léthargie importante depuis une semaine, avec survenue d’un épisode pré-syncopal, et à l’apparition récente de difficultés respiratoires et de douleurs épigastriques. Elle était auparavant en bonne santé et n’avait aucun antécédent médical particulier. Elle était primipare, la grossesse et l’accouchement avaient été normaux, elle n’avait pas présenté de diabète gestationnel. Elle allaitait exclusivement. Elle avait débuté le régime cétogène à 6 semaines post-partum avec pour objectif de perdre du poids. Elle pesait 55 kg avant sa grossesse, avait pris 12 kg pendant celle-ci et pesait 62 kg au moment où elle a démarré le régime. Pendant les 3 semaines de régime, elle a consommé uniquement des œufs durs, des salades et quelques cuillères de riz ou de vermicelles, et elle a perdu 8,8 kg. Elle avait poursuivi l’allaitement exclusif. À son arrivée aux urgences, elle avait un rythme respiratoire à 40 par minute, une température à 38°C, une pression sanguine à 120/80 mm Hg, un rythme cardiaque à 92 par minute et un taux de saturation en oxygène à 99 %. L’examen clinique était normal mis à part une douleur épigastrique et un engorgement mammaire modéré. Le bilan biologique a constaté une glycémie à 79 mg/dl (normale : 72-140 mg/dl), une cétonémie à 40,7 mg/dl (normale : < 3,49 mg/dl), une acidose métabolique sévère avec un pH à 7,096 (normale : 7,35-7,45) et un excès de base de –27,2 mEq/l (normale : ± 2 mEq/l). Le bilan urinaire était normal.
Une acidocétose lactationnelle déclenchée par le régime cétogène a été diagnostiquée et elle a été hospitalisée en soins intensifs. On lui a administré au total 4 litres de sérum physiologique par bolus, et elle a été placée sous perfusion de dextrose à 10 %, 125 ml/heure. Après 3 heures de perfusion de dextrose, sa glycémie étant devenue > 144 mg/dl, on a commencé à lui administrer de l’insuline, 3 unités/heure. Une ventilation non invasive a également été mise en œuvre pendant 4 heures en raison de ses difficultés respiratoires. Elle a été autorisée à manger et à boire si elle le tolérait, et on l’a encouragée à tirer son lait. Le suivi étroit a constaté l’apparition d’une hypophosphatémie, qui a été rapidement corrigée par l’ajout de phosphate à la perfusion. Dans les 20 heures qui ont suivi son hospitalisation, le bilan biologique s’est progressivement normalisé. Comme elle tolérait bien une alimentation normale, l’administration d’insuline a été arrêtée. Elle a été transférée en médecine générale après 3 jours d’hospitalisation en soins intensifs. Elle a été vue par un diététicien pour des informations sur la nutrition pendant l’allaitement. Le bilan biologique étant totalement normalisé, elle est rentrée chez elle après 4 jours d’hospitalisation.
La production du lait implique une dépense de 300 à 500 kcal par jour. Un certain nombre de cas d’acidocétose ont été rapportés chez des mères allaitantes qui suivaient un régime restrictif afin de perdre du poids. L’une de ces études a constaté que cela n’avait pas d’impact sur le taux lacté de macronutriments, ce qui suggère qu’un tel régime augmente la néoglucogenèse chez la femme. La survenue d’une infection ou une pratique sportive intense peut déclencher ou exacerber l’acidocétose. Le but du traitement est d’apporter des calories et de corriger les déséquilibres constatés par le bilan biologique. Un traitement énergique permet généralement une amélioration rapide de l’état clinique et biologique. Toutes les mères allaitantes devraient être informées de l’importance d’une alimentation de bonne qualité pendant l’allaitement, ainsi que des risques d’un régime trop restrictif induisant une perte de poids importante.
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