Publié dans le n° 203 des Dossiers de l'alalitement, avril 2024.
Allaitement et contraception hormonale : recommandations et données scientifiques
D'après : Breastfeeding and hormonal contraception : a scoping review of clinical guidelines, professional association recommendations, and literature. Sausjord IK et al. Breastfeed Med 2023 ; 18(9) : 645-65.
La grossesse et le post-partum sont, pour les professionnels de santé, des fenêtres d’opportunité pour aborder avec les femmes la régulation des naissances, afin de prévenir la survenue d’une grossesse non désirée. Des études ont constaté que plus de 70 % des grossesses qui surviennent dans les 6 mois suivant une naissance n’étaient pas souhaitées. En l’absence d’allaitement, une première ovulation peut survenir dès J25. Et si l’aménorrhée lactationnelle est efficace à > 98 % pendant les 6 premiers mois, il est nécessaire que les mères allaitantes soient correctement informées sur les critères à respecter pour cette efficacité et sur la nécessité de mettre en œuvre une autre méthode de régulation de naissance lorsque ce n’est plus le cas. On s’intéresse actuellement beaucoup à l’utilisation des contraceptions de longue durée réversibles, comme la pose d’un dispositif intra-utérin (DIU) ou d’un implant contraceptif avant la sortie de maternité. La contraception hormonale est un sujet qui reste débattu sur le plan de son niveau de sécurité chez les mères allaitantes. Des études ont constaté que l’allaitement présentait également des bénéfices pour la mère (risque plus bas de cancer du sein et de l’ovaire, de diabète, d’hypertension et de pathologies cardiovasculaires). Des études ont également constaté que la mise en œuvre précoce d’une contraception hormonale pouvait avoir un impact négatif sur l’allaitement. La chute du taux de progestérone suite à l’accouchement est indispensable au démarrage du stade II de la lactogenèse. Les œstrogènes peuvent retarder ou inhiber la lactogenèse. La contraception hormonale pourrait avoir un impact similaire. Par ailleurs, les produits utilisés pour ce type de contraception peuvent passer dans le lait maternel. Actuellement, aucune étude n’a fait état d’un impact négatif chez le bébé allaité, mais il existe très peu d’études sur un éventuel impact à long terme. Les auteurs font le point sur les recommandations actuelles en la matière.
Ils ont recherché toutes les études et toutes les recommandations publiées en anglais ou en espagnol sur la contraception hormonale en post-partum jusqu’en octobre 2022, à partir du moment où elles fournissaient des données sur l’allaitement. Ils ont exclu les éditoriaux et les études portant sur des méthodes hormonales non utilisées aux États-Unis. Pour les diverses recommandations officielles, ils ont analysé les références fournies. Ils ont analysé en profondeur 58 études originales (dont 57 publiées en anglais) et ont retenu 27 études correspondant à tous les critères d’inclusion : 6 études systématiques et 21 études originales. Ils ont également retenu 7 recommandations officielles, publiées par le Center for Disease Control (CDC, un texte), la Society for Maternal Fetal Medicine (SMFM, un texte), l’Academy of Breastfeeding Medicine (ABM, un texte) et l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG, 4 textes). Parmi les 6 études systématiques, 5 portaient sur l’utilisation régulière d’un contraceptif. Parmi les études originales, 7 étaient randomisées, 4 étaient de nouvelles analyses des données provenant d’études randomisées, 6 étaient des études prospectives, 3 des études transversales et 1 était une étude de cas.
Progestatifs seuls
Les progestatifs (DIU avec lévonorgestrel, implants à l’étonogestrel, Depo-Provera, pilules progestatives) sont susceptibles d’être utilisés en post-partum immédiat. L’ACOG estime que, chez les mères allaitantes, les bénéfices de ces progestatifs sont supérieurs aux risques éventuels. Toutefois, tant l’ACOG que l’ABM recommandent d’informer les femmes sur les risques théoriques de ce mode de contraception sur la production lactée. L’ABM précise en outre que les progestatifs devraient être déconseillés aux femmes ayant une faible production lactée ou des antécédents de faible production lactée, des antécédents de chirurgie mammaire, qui ont accouché d’un prématuré ou de multiples, ou en cas de problème médical chez la mère ou l’enfant.
L’ACOG approuve la pose d’un DIU au lévonorgestrel dans les 10 minutes suivant la naissance par voie basse ou par césarienne, et il estime que la pose d’un DIU dans les 4 premières semaines post-partum présente plus de bénéfices que de risques. C’est également le point de vue de la SMFM, qui estime que cette pose n’a pas d’impact sur la lactation, et du CDC. Une seule étude randomisée a été menée pour comparer l’impact de la pose très précoce ou retardée (6-8 semaines post-partum) d’un DIU au lévonorgestrel, et elle n’a constaté aucune différence entre les 2 groupes concernant la durée totale d’allaitement ; toutefois, le taux d’allaitement à 6 mois était plus élevé dans le groupe où la pose avait été retardée. 4 études randomisées plus récentes ont également comparé l’impact d’une pose très précoce ou retardée (> 4 semaines post-partum). Une première étude a été rapidement arrêtée en raison d’un taux élevé d’expulsion du DIU posé 6-48 heures après la naissance, mais elle n’a pas constaté d’impact sur le taux d’allaitement à 6 mois. 2 autres études ont évalué l’impact d’une pose immédiatement après la sortie du nouveau-né chez des femmes ayant accouché par césarienne versus une pose retardée. Elles ne constataient aucune différence dans les taux d’allaitement pendant les 6 premiers mois, ni dans la prise de poids du bébé allaité. La quatrième portait sur un nombre important de femmes (259), et ne constatait aucune différence entre les 2 groupes sur le plan du délai avant la montée de lait, du taux d’allaitement ou de celui de l’allaitement exclusif à 8 semaines et 6 mois. D’autres auteurs ont publié une seconde analyse des données de cette dernière étude, et ne constatait aucune différence entre les 2 groupes sur le plan du crématocrite. Après 4 semaines post-partum, le DIU au lévonorgestrel est recommandé sans restriction chez les mères allaitantes. 3 études ont comparé l’impact d’un DIU au cuivre versus un DIU au lévonorgestrel. Elles n’ont constaté aucun impact sur la durée de l’allaitement (y compris celle de l’allaitement exclusif) ou sur la croissance de l’enfant, mais l’une d’entre elles constatait que le groupe DIU au lévonorgestrel avait une durée médiane plus basse d’allaitement.
La pose d’un implant à l’étonogestrel en post-partum immédiat est considérée comme une méthode très efficace, recommandée chez les mères allaitantes par le CDC, l’ACOG et la SMFM. 8 études ont évalué l’impact de la pose d’un tel implant en post-partum précoce (délai allant de 0-2 heures à 24 à 72 heures post-partum) versus sa pose après 4 semaines, l’utilisation de Depo-Provera à 6 semaines, ou aucune méthode hormonale. Elles n’ont constaté aucune différence entre les groupes sur le plan de la prévalence de l’allaitement à divers moments (suivi allant jusqu’à 6 mois), du délai entre la naissance et la montée de lait, ou de la croissance de l’enfant. Une de ces études a comparé la composition du lait des femmes chez qui un implant avait été posé pendant les premières 24 heures post-partum et des femmes n’utilisant pas de contraception, et elle rapportait un taux lacté plus élevé de sodium et un rapport sodium/potassium plus élevé à J2 dans le groupe implant, ce qui suggère un impact négatif sur le stade II de la lactogenèse dans ce groupe. Après J30, la pose d’un implant est conseillée sans restriction par toutes les recommandations. 2 études ont comparé l’impact de la pose tardive d’un implant versus celle d’un DIU au cuivre et n’a constaté aucune différence entre les 2 groupes sur le plan de la durée de l’allaitement et du développement des enfants. L’une d’entre elles constatait cependant une augmentation plus faible de la longueur du tibia chez les nourrissons du groupe implant. Une analyse de cas rapportait une perte de poids chez un nourrisson exclusivement allaité après la pose d’un implant à l’étonogestrel à J39 chez sa mère.
Le CDC et l’ACOG estiment que l’utilisation de Depo-Provera avant J30 présente davantage de bénéfices que de risques chez les mères allaitantes. 4 études prospectives ont évalué l’impact de sa mise en œuvre avant la sortie de maternité et n’ont constaté aucun impact sur la durée de l’allaitement. 2 études ont évalué l’impact de sa mise en œuvre à des moments variables après la sortie de maternité, et elles ne constataient pas de différence entre les groupes. Une étude a comparé l’utilisation de Depo-Provera versus un DIU au cuivre dans les premières 48 heures post-partum et ne retrouvait aucune différence entre les 2 groupes. Une étude transversale faisait état d’un impact négatif de son utilisation très précoce sur le démarrage de l’allaitement. L’analyse secondaire des données d’une étude randomisée sur des prématurés nés à < 32 semaines de gestation n’a constaté aucun impact sur le volume de lait maternel exprimé ou la durée de l’allaitement. Elle a toutefois constaté un délai plus court entre la naissance et la montée de lait dans le groupe n’ayant pas reçu de Depo-Provera. Une autre analyse rapportait une baisse du taux d’allaitement à 6 semaines et une baisse du taux d’allaitement à 6 mois chez les mères du groupe Depo-Provera. Toutefois, la baisse de la production lactée n’était pas davantage citée dans ce groupe comme raison du sevrage. Lorsque la Depo-Provera était utilisée après 1 mois post-partum, les études évaluant son impact ne constataient pas d’impact significatif sur la durée ou l’exclusivité de l’allaitement dans les divers groupes. 3 études rapportaient même une plus longue durée d’allaitement dans le groupe Depo-Provera, et une étude rapportait une prise de poids plus élevée après 3 mois chez les enfants des mères du groupe Depo-Provera.
Diverses pilules contraceptives progestatives ont été évaluées chez des mères allaitantes. Le CDC les recommande pendant le premier mois post-partum et estime qu’elles présentent davantage de bénéfices que de risques. Globalement, les études évaluant l’impact du démarrage précoce de leur prise versus une méthode hormonale, aucune contraception ou un placebo ne constataient pas de différence statistiquement significative entre les groupes sur le plan de la durée de l’allaitement ou de la prise de poids du bébé. Leur utilisation est également recommandée après 30 jours post-partum. Une étude rapportait une durée plus longue d’allaitement chez les femmes prenant de la noréthindrone par rapport à celles qui utilisaient un DIU ou une autre méthode non hormonale. Les autres études sur ces pilules contraceptives ne constataient généralement aucun impact significatif sur la durée de l’allaitement ou la croissance du bébé allaité.
Œstro-progestatifs
Les pilules contraceptives œstro-progestatives ne sont pas recommandées pendant les premières semaines post-partum en raison d’un risque de thrombose et d’embolie. Des doses élevées d’œstrogènes inhibent la lactation, mais l’impact des doses plus faibles incluses dans ces pilules reste mal évalué. Les études les concernant sont globalement de mauvaise qualité, leurs méthodologies sont hétérogènes et leurs résultats sont variables et difficilement interprétables. Les pilules œstro-progestatives plus récentes n’ont pas été évaluées sur le plan de leur impact sur l’allaitement. En raison de la possibilité d’un impact négatif sur l’allaitement, l’ABM estime que ce type de pilule devrait être débuté le plus tard possible (pas avant que l’allaitement soit bien établi), en utilisant une pilule la plus faiblement dosée en œstrogène.
Il n’existe aucune donnée concernant l’impact sur l’allaitement des patchs ou des anneaux contraceptifs mensuels ou annuels, qui libèrent une association œstro-progestative. Ils sont déconseillés pendant le premier mois post-partum pour les mêmes raisons que les pilules œstro-progestatives (risque de thrombose et d’embolie, risque d’impact sur la production lactée). Les études sur l’impact de la contraception œstro-progestative pendant le premier mois donnent des résultats variables (aucun impact sur l’allaitement et/ou la prise de poids infantile ou impact négatif). Concernant leur prise débutée après 1 mois, le CDC estime que leurs avantages sont généralement supérieurs à leurs risques chez les femmes qui n’ont pas de facteurs de risque de problèmes cardiovasculaires (et à partir de J42 pour les femmes qui ont ce type de facteurs de risque). Les études évaluant leur impact donnaient là aussi des résultats variables.
Contraception d’urgence
Il existe très peu de données sur l’impact de la contraception d’urgence sur la lactation. Les recommandations officielles sur le sujet sont donc essentiellement fondées sur leurs caractéristiques pharmacocinétiques et sur des extrapolations de l’impact d’autres contraceptifs hormonaux. Il n’existe aucune donnée sur l’acétate d’ulipristal. Ses caractéristiques suggèrent qu’il est excrété dans le lait, et le CDC estimait en 2016 que la mère devrait tirer et jeter son lait pendant 24 heures après sa prise. Toutefois, cette recommandation a été supprimée en 2018. La contraception d’urgence à base de lévonorgestrel est considérée comme utilisable chez les mères allaitantes par toutes les recommandations, et l’ABM suggère qu’elle est l’option à privilégier chez les mères allaitantes. Les 2 études ayant évalué son impact n’ont constaté aucun impact sur l’allaitement ou chez le bébé allaité. La contraception d’urgence œstro-progestative (méthode Yuzpe) est considérée comme compatible avec l’allaitement par le CDC. Elle est toutefois moins efficace que les autres produits utilisés dans cet objectif et elle induit fréquemment des nausées. Elle n’est plus recommandée aux États-Unis actuellement. Elle n’a fait l’objet d’aucune étude concernant son impact sur l’allaitement.
En conclusion
Si globalement les études évaluant l’impact des diverses méthodes de contraception hormonale ne constatent guère d’impact négatif sur l’allaitement ou la croissance infantile, les données sur l’impact à long terme de l’exposition via l’allaitement sont limitées. Une étude récente a suivi des enfants jusqu’à la puberté et n’a pas noté d’impact significatif, mais d’autres études avec un suivi à plus long terme seraient nécessaires. Le DIU progestatif sera préférentiellement posé dans les 10 minutes suivant l’expulsion du placenta. Rien actuellement ne permet de penser qu’une contraception progestative puisse avoir un impact négatif en cas de démarrage en post-partum immédiat. À noter qu’il n’existe pas d’études incluant des mères de prématurés, et on ne peut pas extrapoler les résultats des études effectuées auprès de mères ayant accouché à terme sur cette population spécifique. L’AMB recommande d’éviter la contraception progestative chez les femmes ayant des antécédents de chirurgie mammaire ou d’échec de l’allaitement, ainsi que chez les mères de multiples ou en cas de problème médical chez la mère et/ou le nourrisson. À noter que ces circonstances peuvent elles-mêmes induire divers problèmes d’allaitement. Les professionnels de santé ont besoin d’informations fiables sur la contraception hormonale chez les mères allaitantes. De ce point de vue, les recommandations les plus récentes du CDC, de l’ACOG, de la SMFM et de l’ABM sont fiables et confirment l’innocuité et l’efficacité des divers types de contraception orale pendant l’allaitement. Les femmes souhaitant une contraception œstro-progestative devraient recevoir des informations sur les possibles effets secondaires de ces produits sur leur santé et leur allaitement, ainsi que des conseils pour les minimiser.
Nouvelles molécules contraceptives pendant la lactation
D'après : New hormonal contraceptive agents during lactation. Anderson PO. Breastfeed Med 2023 ; 18(10) : 734-6.
Les dernières révisions concernant les recommandations sur la contraception des Centers for Disease Control (CDC – États-Unis) datent de 2016. Elles suivaient les dernières révisions sur le sujet des recommandations de l’OMS en 2015. La réactualisation des recommandations du CDC n’a pas modifié les recommandations générales chez les mères allaitantes. Une analyse approfondie de ces recommandations et de celles d’autres organisations professionnelles, ainsi que celle de la littérature scientifique récente, a été publiée dans cette revue (Sausjord IK et al ; Breastfeed Med 2023 ; 18(9) : 645-65, voir ci-dessus). Dans cet article, l’auteur fait le point sur de nouveaux produits devenus disponibles depuis les dernières recommandations.
Recommandations générales actuelles
Les recommandations du CDC et de l’OMS sont globalement assez proches. En fonction des données existantes, les experts des États-Unis estiment que les femmes ne devraient pas utiliser de pilules contraceptives combinées (œstro-progestatives) pendant les 3 premières semaines post-partum en raison d’un risque plus élevé de thrombose, et que les femmes allaitantes devraient continuer à les éviter jusqu’à 1 mois post-partum en raison d’un risque théorique ou prouvé supérieur aux bénéfices des contraceptions combinées, en particulier le risque d’impact négatif sur la lactation. Les mères allaitantes qui présentent des facteurs de risque de thromboses ou d’embolies ne devraient pas utiliser de contraception œstro-progestative pendant les 6 premières semaines post-partum. Les recommandations de l’OMS sont un peu plus restrictives. Elles stipulent que les contraceptions hormonales combinées ne devraient pas être utilisées avant 42 jours post-partum, et que les désavantages de cette contraception sont supérieurs à ses avantages entre 6 semaines et 6 mois.
Une étude s’est focalisée sur les questions concernant l’impact des œstrogènes sur la lactation. Des données collectées auprès de 1 349 femmes qui avaient dit souhaiter allaiter pendant ≥ 3 mois pendant le 3e trimestre de leur grossesse et qui utilisaient une contraception à 3 mois post-partum ont été analysées. Elles avaient été suivies à partir du premier trimestre de la grossesse et jusqu’à 12 mois post-partum. Celles qui souhaitaient allaiter pendant ≥ 4 mois et qui prenaient une contraception œstro-progestative (taux d’œstrogène non spécifié) étaient beaucoup moins nombreuses à allaiter (partiellement ou exclusivement) à 4 mois que celles qui utilisaient une contraception non hormonale (RR : 0,17). Et celles qui avaient dit souhaiter allaiter pendant 3-4 mois étaient également beaucoup moins nombreuses à avoir atteint cet objectif que celles qui utilisaient une méthode non hormonale de contraception ou une contraception uniquement progestative (RR : 0,34). Pour plus de détails, voir : Contraception and breastfeeding at 4 months postpartum among women intending to breastfeed. Goulding AN et al. Breastfeed Med 2018 ; 13(1) : 75-80. Doss All 2018 ; 135 : 24-5.
Les recommandations actuelles sont fondées sur les résultats d’études dans lesquelles les pilules combinées avaient des taux d’œstrogènes nettement plus élevés qu’actuellement (30-50 µg), mais aucune étude de bonne qualité n’a été menée pour évaluer l’impact des pilules combinées contenant 10-20 µg d’œstrogène. Une étude ancienne non randomisée a évalué l’impact d’une contraception combinée (10 µg d’éthynil œstradiol + 350 µg de nortéthindrone) chez 6 femmes, comparées à 11 femmes utilisant une contraception non hormonale. Elle rapportait une baisse du taux lacté de protéines, lipides, calcium et phosphore dans le groupe contraception hormonale par rapport au groupe témoin, les différences entre les 2 groupes n’étant pas statistiquement significatives, éventuellement en raison du très petit nombre de femmes incluses. Cette étude ne retrouvait aucun impact sur la production lactée. De nouvelles formulations de contraception hormonale sont devenues disponibles et pourraient être intéressantes pour les mères allaitantes.
Un nouvel œstrogène
L’œstétrol (ou œstrogène fœtal ou E4) est un œstrogène faible synthétisé par le foie du fœtus (mâle ou femelle), mais la forme commercialisée est un produit synthétique produit à partir d’une plante. Contrairement à l’œstradiol dont la biodisponibilité orale est faible, celle de l’œstétrol est de 70-90 %. Une étude a constaté que son impact métabolique était plus faible que celui de l’éthynil-œstradiol, les risques de complications liées aux thromboses devraient donc être plus faibles, ainsi que le risque de cancer du sein. La combinaison d’œstétrol et de drospirénone (approuvée en 2021 aux États-Unis) n’abaisse pas le taux de prolactine chez les femmes non allaitantes, et on peut donc supposer qu’elle est moins susceptible d’interférer avec l’allaitement que les autres contraceptifs hormonaux combinés. Toutefois, les données sont insuffisantes pour la recommander aux mères allaitantes. Aucune étude n’a évalué l’excrétion lactée de l’œstétrol dans le lait humain.
Progestines
Les progestines sont des hormones synthétiques qui ont une activité progestative. Elles sont parfois confondues à tort avec la progestérone, qui est l’hormone naturelle synthétisée par le corps. Actuellement, le lévonorgestrel est la progestine la plus souvent utilisée dans le cadre de la contraception hormonale, cette molécule étant l’isomère lévogyre du norgestrel. Les progestines plus anciennes, telles que le norgestrel, le lévonorgestrel et la noréthindrone, sont des dérivés synthétiques dérivés de la testostérone, et elles ont donc un certain degré d’activité androgénique. Toutefois, les nouvelles molécules sont différentes de ce point de vue.
Drospirénone
C’est un analogue de la spironolactone, ce qui lui donne un certain niveau d’activité anti-androgène et anti-minéralocorticoïdes. Elle est commercialisée en combinaison avec l’œstétrol. Cette combinaison, qui a une faible activité œstrogénique et anti-androgène, présente des propriétés métaboliques spécifiques, mais il n’existe aucune étude l’ayant comparée à d’autres combinaisons hormonales. La drospirénone est également commercialisée seule en comprimés pour une contraception uniquement progestative. 2 études ont recherché son excrétion lactée. Dans la première, 6 femmes ont fourni des échantillons de lait après avoir pris une combinaison de drospirénone 3 mg et d’éthynil œstradiol 30 µg. Les auteurs estimaient qu’un nourrisson exclusivement allaité recevrait environ 3 µg/jour de drospirénone, soit 1,1 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. Dans la deuxième étude, 12 femmes ont pris 4 mg/jour de drospirénone par voie orale. Elles ont fourni de nombreux échantillons de lait, et le taux lacté moyen de drospirénone était de 5,6 µg/l. Un nourrisson exclusivement allaité recevrait en moyenne 0,84 µg/kg/jour de drospirénone, soit 1,25 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. Ces 2 études montrent que le taux lacté de drospirénone est bas et qu’un impact chez l’enfant allaité est hautement improbable.
Acétate de ségestérone
Ce produit approuvé en 2018 aux États-Unis est un dérivé de la progestérone, aussi appelé acétate de nestorone. Dans d’autres pays, il est commercialisé sous forme d’implant. Aux États-Unis, il est commercialisé sous forme d’anneau vaginal, combiné à l’éthynil œstradiol, l’anneau étant placé dans le vagin pendant 3 semaines, puis retiré pendant 1 semaine, ces cycles étant répétés pendant 12 mois. Son excrétion lactée a été recherchée par 3 études, mais uniquement après la pose d’un implant sous-cutané. Le taux sérique maternel semble similaire à celui obtenu avec l’anneau vaginal, et le taux lacté devrait donc également être similaire. Dans ces études, il allait de 20 à 138 ng/l. Des échantillons de sang ont été collectés chez 25 enfants allaités, et leur taux sérique de ségestérone était de 7 ng/l (de < 5 à 20 ng/l). Aucune étude n’a fait état d’effets secondaires sur la croissance ou le développement des enfants. Par ailleurs, le taux sérique maternel d’éthynil œstradiol induit par cet anneau vaginal était similaire ou plus élevé que celui obtenu avec d’autres présentations de contraceptifs contenant de l’éthynil œstradiol. Cet anneau vaginal ne présente donc aucun avantage par rapport à d’autres contraceptions hormonales combinées chez les mères allaitantes.
Norgestrel en vente libre
Le contraceptif oral le plus récemment autorisé aux États-Unis par la FDA (juillet 2023) est le norgestrel qui sera en vente libre début 2024 sans aucune limite d’âge sous forme de comprimés dosés à 75 µg. Les points en sa défaveur sont le risque de cancer du sein constaté avec cette molécule, ainsi que le risque d’allergie à la tartrazine, utilisée comme colorant pour les comprimés. La notice d’utilisation spécifie que ce produit est compatible avec l’allaitement.
En conclusion
Les recommandations concernant la contraception orale pendant l’allaitement n’ont pas évolué de façon significative depuis 7-8 ans, alors que quelques produits potentiellement intéressants sont arrivés sur le marché, susceptibles d’être de meilleurs choix que les produits plus anciens. Toutefois, les données sur ces nouveaux produits restent insuffisantes pour qu’il soit possible de les recommander.
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