Publié dans le n° 205 des Dossiers de l'alaitement, juin 2024.
D'après : Schubert C et al., Postpartum relapse risk in multiple sclerosis : a systematic review and meta-analysis, Neurol Neurosurg Psychiatry 2023 ; 94 : 718-25.
La sclérose en plaques (SEP) est une pathologie chronique inflammatoire et dégénérative qui touche la substance blanche du système nerveux central. Les ¾ des personnes touchées sont des femmes, le plus souvent en âge de procréer. La forme la plus courante de SEP évolue par poussées plus ou moins fréquentes et sévères, suivies d’une récupération plus ou moins importante des déficits induits. Si les résultats des études menées ces 20 dernières années montrent que l’activité de la SEP est le plus souvent significativement abaissée pendant la grossesse, il semble qu’elle présente un rebond dans les mois qui suivent la naissance. Les auteurs font le point sur les données publiées concernant l’impact de la grossesse et du post-partum sur l’évolution de la SEP.
Les auteurs ont recherché toutes les études sur le sujet à la recherche des études de cohorte, fournissant des données sur la SEP avant et pendant la grossesse et pendant ≥ 3 mois post-partum, et documentant les traitements prescrits pendant ces périodes. Deux des auteurs ont évalué les études de façon indépendante et en ont analysé la qualité à l’aide de l’échelle CASP pour les études de cohorte. Ils ont extrait et classé les données des études retenues. 11 études ayant suivi 2 739 femmes correspondaient à tous les critères d’inclusion et avaient une qualité satisfaisante. Ces études étaient hétérogènes sur le plan de leur méthodologie. Le recrutement des femmes était parfaitement rigoureux dans seulement 7 études, 4 études ne détaillaient pas les raisons pour lesquelles certaines femmes n’étaient pas incluses dans l’analyse, 4 études ne documentaient pas des variables susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’évolution de la maladie (comme l’allaitement ou la prise d’un traitement) et une seule étude respectait tous les critères de qualité requis. Dans l’ensemble de ces études, les femmes avaient 30 à 36 ans, la SEP avait débuté 5 à 9 ans plus tôt, leur score pour l’EDSS (une échelle d’évaluation de l’évolution de la maladie, score de 0 à 10) était compris entre 1 et 2, et elles avaient été suivies pendant 3 mois à 2 ans après leur accouchement.
Si l’on regroupait les données de ces 11 études, les résultats suggéraient que le risque de poussée était plus élevé pendant les 3 premiers mois post-partum qu’avant la grossesse. Il existait une tendance à un impact de la prise de modificateurs de la maladie (MM) avant la grossesse sur le risque de poussée en post-partum. Des sous-groupes de femmes ont été constitués en fonction du traitement (essentiellement natalizumab et rituximab). Les résultats suggéraient que les femmes qui, avant leur grossesse, prenaient un MM récent et considéré comme hautement efficace, avaient un risque plus de 2 fois plus élevé de poussée en post-partum par rapport à la période antérieure à la grossesse. Il n’a pas été possible d’évaluer de façon plus détaillée l’impact du traitement faute des données nécessaires. 8 études fournissaient des données sur l’allaitement, et constataient que les femmes qui allaitaient avaient un risque significativement plus bas de poussée pendant les premiers mois que celles qui n’allaitaient pas. Le taux d’allaitement exclusif allait de 31 à 48 % dans les 4 études qui documentaient ce point. Les données de ces études montraient que les femmes qui avaient allaité exclusivement pendant au moins 2 mois avaient un risque plus bas de poussée pendant les 6 premiers mois par rapport à celles qui n’avaient pas allaité (RR : 0,39).
Il est possible que le risque plus élevé de poussée en post-partum chez les femmes traitées avec des MM récents soit en fait lié au fait que ces femmes souffraient d’une SEP plus active avant leur grossesse, et avaient donc de toute façon un risque plus important de poussée. Cette analyse confirme l’impact bénéfique de l’allaitement exclusif sur le risque de poussée en post-partum, un impact bénéfique moindre étant constaté chez les femmes qui allaitaient partiellement. Là encore, il est possible que les femmes souffrant d’une forme très active de SEP soient moins nombreuses à allaiter, en particulier si elles doivent reprendre rapidement leur traitement par MM et qu’elles craignent l’impact de ce traitement chez leur bébé. Il existe globalement peu de données sur l’excrétion lactée de ces produits, même s’il semble que nombre d’entre eux puissent être utilisés pendant l’allaitement.
Les études incluses dans cette analyse avaient été menées dans 8 pays différents, et leurs résultats peuvent très probablement être extrapolés à d’autres populations. Cette analyse a également éliminé les études de qualité médiocre. Les études sélectionnées présentaient toutefois certains biais, en particulier concernant des variables importantes telles que le traitement maternel ou l’allaitement. Les données actuelles montrent que le risque de poussée de SEP en post-partum augmente pendant les 6 premiers mois post-partum et baisse par la suite, et que l’allaitement abaisse le risque de poussée, en particulier s’il est exclusif. Des études sont nécessaires sur l’excrétion lactée des traitements modificateurs de la maladie, et sur les stratégies les plus efficaces pour réduire le risque de poussée en post-partum.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci