Publié dans le n° 207 des Dossiers de l'allaitement, octobre 2024.
D'après : Early postpartum treatment strategies and early postpartum relapses in women with active multiple sclerosis. Haben S et al. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2024 ; 95(2) : 151-7.
Les femmes souffrant de sclérose en plaques (SEP) présenteront souvent une rémission pendant la grossesse, mais le risque de poussée en post-partum est plus élevé et dépend de l’activité de la maladie avant et pendant la grossesse, ainsi que des traitements pris. Des études suggèrent que l’allaitement abaisse le risque de poussées en post-partum, mais nombre d’entre elles ne prennent pas en compte l’activité de la SEP et son traitement antérieur. Le but de cette étude allemande était d’évaluer l’impact de 4 différentes stratégies de traitement sur le risque de poussée de SEP en post-partum.
Les auteurs ont utilisé les données compilées par une grande étude prospective nationale sur la SEP et la grossesse, incluant toutes les femmes ayant accouché entre novembre 2007 et mars 2020, souffrant de SEP active, incluses pendant la grossesse et suivies pendant ≥ 6 mois, pour lesquelles des données sur l’allaitement étaient disponibles, ainsi que des données détaillées sur l’évolution de la SEP et ses traitements antérieurs. La SEP a été dite "active" si la femme était traitée par natalizumab ou fingolimod pendant l’année précédant la grossesse ou jusque pendant le 1er trimestre de la grossesse, ou si elle avait présenté une poussée dans l’année précédant la grossesse quel que soit le traitement. On a exclu les femmes traitées par modificateurs de la maladie (MM) à longue durée d’action avant ou pendant la grossesse, et celles qui ont poursuivi la prise de natalizumab après le 1er trimestre de grossesse. Elles ont été réparties en 4 groupes : souhait d’allaiter exclusivement pendant ≥ 2 mois et pas de MM (G1) ; reprise du traitement par natalizumab ou fingolimod avant 6 semaines post-partum et avant une poussée (G2) ; reprise d’un autre traitement que le natalizumab ou le fingolimod (G3) ; pas de traitement modificateur de la maladie et pas d’allaitement exclusif (G4). Les femmes ont été regroupées lorsqu’elles n’allaitaient pas ou allaitaient partiellement et qu’elles n’avaient pas repris leur traitement à 6 semaines ou avant la survenue d’une poussée. Seules les poussées survenues pendant les 6 premiers mois post-partum ont été prises en compte.
Parmi les 2507 grossesses incluses dans cette étude, 911 correspondaient aux critères d’inclusion. 42 femmes ont été suivies pendant 2 grossesses successives et 1 pendant 3 grossesses. Ces femmes avaient 32,45 ± 4,20 ans au moment de leur dernière grossesse, et leur SEP avait été diagnostiquée 4,79 ans avant la 1re grossesse. 46,7 % avaient été traitées par natalizumab ou fingolimod pendant l’année précédant la grossesse, 28,7 % n’avaient suivi aucun traitement et 28,7 % avaient suivi un traitement autre qu’un MM. Le G1 comptait 416 femmes, le G2 112 femmes, le G3 93 femmes et le G4 290 femmes. Dans le G1, seulement 23 femmes ont décidé d’arrêter l’allaitement exclusif en raison d’une poussée survenue pendant les 2 premiers mois post-partum. Au total, 677 femmes ont allaité, mais seulement 38 d’entre elles ont allaité en prenant un MM (25 exclusivement et 13 partiellement) qui était un interféron bêta (15 femmes), du glatiramère (14 femmes) ou un anticorps monoclonal (9 femmes). Les femmes traitées avec un produit autre que le natalizumab ou le fingolimod avant leur grossesse et qui ont présenté une poussée pendant la grossesse étaient plus nombreuses à souhaiter un traitement par l’un de ces 2 produits et à ne pas allaiter exclusivement.
Au total, 37 % des grossesses ont été suivies d’au moins une poussée pendant les 6 premiers mois post-partum. Chez les femmes traitées par natalizumab, fingolimod ou par un autre MM, 76 % n’ont pas présenté de poussée pendant les 6 premiers mois, contre 62 % des femmes qui allaitaient exclusivement et ne prenaient pas de MM et 56 % des femmes qui ne prenaient pas de MM et n’allaitaient pas exclusivement, ces dernières ayant le risque le plus élevé de poussée, la différence n’étant toutefois pas statistiquement significative par rapport aux femmes qui allaitaient exclusivement et ne prenaient pas de MM. Les femmes du G2 avaient le risque le plus bas de survenue d’une poussée à partir de 3 mois, mais pas pendant les 2 premiers mois. Concernant les 3 autres groupes, il n’y avait pas d’impact statistiquement significatif de la stratégie mise en œuvre sur l’évolution de la maladie pendant les 6 premiers mois.
Les points forts de cette étude sont le nombre important de femmes incluses et leur suivi prospectif. Elle présente toutefois des points faibles, en particulier le petit nombre de femmes ayant allaité en prenant des MM, de femmes traitées par MM à longue durée d’action avant ou pendant la grossesse, de femmes ayant repris un MM à longue durée d’action après l’accouchement et de femmes ayant repris du natalizumab en post-partum. Leur nombre était insuffisant pour que les résultats soient interprétables. La base de données utilisée n’incluait pas les éventuelles IRM effectuées en post-partum. Par ailleurs, les données incluses pouvaient être approximatives, insuffisantes ou erronées. Des données récentes suggèrent que la prolactine pourrait favoriser la remyélinisation, et qu’elle pourrait donc jouer un rôle dans la SEP. D’autres études sur le sujet sont nécessaires. Dans cette cohorte, la reprise d’un traitement par natalizumab ou fingolimod pendant les 6 premières semaines post-partum était la stratégie la plus efficace pour limiter le risque de rechute après 3 mois, suivie par l’allaitement exclusif y compris sans traitement par MM. D’autres études sur l’allaitement par des mères traitées par MM sont nécessaires.
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