Cet article a été publié dans les Dossiers de l'Allaitement n° 27, 1996.
Quelques considérations d'ordre général
L'allaitement après une césarienne présente des caractéristiques spécifiques, qui en rendent le démarrage plus difficile :
Une césarienne est une opération chirurgicale, et la mère se remettra moins vite qu'après un accouchement par voie basse. Le risque de complications est plus élevé.
Sa mobilité sera réduite et elle souffrira davantage, surtout les premières 48 heures.
Souvent, elle ne pourra pas mettre seule son bébé au sein dans les premières heures qui suivront la naissance. Elle pourra ne pas avoir accès facilement à son bébé pendant les premiers jours.
Son séjour à la maternité sera plus long ; elle aura besoin de plus d'aide pour s'occuper de son bébé et pour le mettre au sein.
L'anesthésie, puis l'analgésie, peuvent rendre le bébé somnolent pendant les premiers jours, ce qui ne facilitera pas les choses.
Il faut aussi garder à l'esprit que la césarienne est souvent un choc émotionnel pour la mère, tout particulièrement si elle a été faite en urgence. Si elle était prévue, la mère aura eu le temps de l'accepter, tout au moins en partie, et les choses seront alors plus faciles. La mère peut vivre la césarienne comme un échec, se sentir dévalorisée en tant que femme, et être profondément déprimée. Chez certaines mères, cela augmentera leur motivation pour allaiter leur enfant : elles verront l'allaitement comme une "réparation". D'autres pourront "en vouloir" à leur bébé de leur avoir infligé cette épreuve. Certaines auront du mal à se sentir mère, surtout si la césarienne a été pratiquée sous anesthésie générale, et qu'elle n'ont vu leur bébé que plusieurs heures après sa naissance. La mère aura besoin de beaucoup de soutien et de compréhension de la part de l'entourage pour l'aider à surmonter le choc et, en particulier, pour l'aider à exprimer ses sentiments.
Des avantages indiscutables
L'allaitement présente divers avantages pour la mère qui a accouché par césarienne :
La succion du bébé accélèrera l'involution utérine.
La tétée apporte un contact physique étroit qui sera particulièrement bénéfique pour cette mère et son bébé, qui n'ont pas pu vivre l'expérience sensorielle d'un accouchement par voie basse.
Un allaitement réussi sera pour la mère source de confiance en elle ; cela l'aidera à se sentir revalorisée en tant que femme et en tant que mère, après la frustration de l'accouchement manqué.
La façon dont la mère sera aidée et soutenue pendant son séjour en maternité aura souvent un rôle déterminant sur le déroulement de l'allaitement. Elle sera beaucoup plus dépendante de son entourage pendant les premiers jours. Certaines mères n'oseront pas demander de l'aide, par peur de déranger ; la présence permanente du père du bébé ou d'un autre membre de la famille pendant les premiers jours sera un "plus" généralement très apprécié. Cela sera souvent facilité par le fait que, dans de nombreux services, les mères césarisées peuvent jouir d'une chambre individuelle.
L'allaitement après une césarienne est un allaitement comme les autres. Les règles pratiques d'allaitement qui sont valables pour toutes les mères sont donc tout aussi valables pour une mère césarisée. Le démarrage de l'allaitement se passera généralement d'autant mieux que le bébé restera auprès de sa mère en permanence (ou autant que le souhaite la mère), et qu'elle peut le mettre au sein souvent, et que le bébé ne reçoit ni biberons, ni sucette. La mère aura besoin des mêmes informations sur la mise au sein correcte, l'importance de l'allaitement à la demande, etc.
L'allaitement pendant le séjour en maternité
La césarienne pourra être pratiquée sous anesthésie générale ou locale (péridurale, rachi-anesthésie). Une anesthésie locale permettra à la mère de faire plus vite connaissance avec son bébé. Avec de l'aide, elle pourra le mettre au sein rapidement (dès la salle de reveil, ou même au bloc opératoire, comme cela se fait dans certains services), dans la mesure où elle n'est pas trop gênée par la perfusion. En cas d'anesthésie générale, la mère peut généralement commencer à mettre son bébé au sein dès qu'elle est suffisamment réveillée pour ce faire. Souvent, la position la plus confortable pendant les premières 24 heures sera la position allongée, d'autant que si la mère a eu une péridurale, elle devra rester sur le dos pendant un certain temps. La mère peut mettre son bébé en travers de sa poitrine, à plat ventre sur sa mère ; cette dernière peut lui soutenir le front pendant qu'il tète. Plus tard, la mère pourra s'allonger sur le côté. Elle aura besoin d'aide au début pour se tourner, pour disposer des oreillers, et pour mettre son bébé au sein.
L'allaitement à la demande sera d'autant plus facile que le bébé reste auprès de sa mère. Elle pourra ainsi observer ses cycles de sommeil, et le mettre au sein dès qu'il se réveille, ce qui sera d'autant plus appréciable chez ce bébé souvent somnolent. Si le berceau du bébé est juste à côté de son lit, elle pourra prendre seule son bébé (les mères apprennent très vite à prendre leur bébé en l'attrappant par le fond du pyjama) ; dans le cas contraîre, elle aura besoin qu'on vienne pour lui donner son bébé.
Les mères césarisées sont plus susceptibles de souffrir de fièvre ou d'infection. Cela ne représente pas en soi une contre-indication à l'allaitement.
Allaiter confortablement
Trouver une position confortable pour allaiter n'est pas facile pendant les premiers jours à cause de la douleur de la cicatrice et de la présence de la perfusion. Ce qui pourra aider la mère :
- de l'aide pour mettre son bébé au sein de façon correcte,
- des oreillers pour s'installer aussi confortablement que possible,
- éventuellement, des barrières de lit et une potence, auxquelles elle pourra s'accrocher pour changer de position, ou contre lesquelles elle pourra s'adosser. Les barrières de lit lui permettront aussi de garder son bébé tout près d'elle en permanence sans avoir peur qu'il tombe.
Les positions qui seront les plus confortables
La position assise inclinée en arrière (ou position BN) : la mère a le dos et les jambes calées par des oreillers ; le bébé est posé sur un oreiller placé sur le ventre de la mère, afin de ne pas appuyer sur la cicatrice.
La position allongée sur le côté : le dos et les jambes de la mère sont calés par des oreillers ; mettre une serviette pliée entre le corps du bébé et celui de la mère, pour protéger la cicatrice. Pour changer de sein, la mère mettra le bébé en travers de sa poitrine, le maintiendra d'une main, et s'aidera de l'autre pour se tourner.
La position "en ballon de rugby", le corps du bébé étant à côté de celui de la mère.
Le retour à la maison
La mère aura particulièrement besoin de repos. Pendant les premières semaines, il serait bon qu'elle n'ait pas grand chose d'autre à faire que de s'occuper de son bébé. Toute aide extérieure pour les travaux ménagers sera la bienvenue. Elle aura aussi besoin d'une alimentation équilibrée et de suffisamment de liquides ; toute chirurgie est source, pour l'organisme, d'une consommation plus élevée de vitamines et de minéraux.
Avec un soutien pratique et émotionnel, une mère qui a accouché par césarienne pourra connaître une relation d'allaitement qui sera d'autant plus gratifiante pour elle qu'elle lui permettra de se prouver à elle-même que son corps peut fonctionner correctement.
Françoise RAILHET
Bibliographie
. The Breastfeeding Answer Book. N Mohrbacher and J Stock. LLL International. 1991.
. Breastfeeding and human lactation. J Riordan, K Auerbach. Jones and Barlett Publishers Int, Boston, USA, 1993.
. Breastfeeding, a guide for the medical profession. RA Lawrence. The C.V. Mosby Compagny, Saint Louis, USA, 1989.
Une césarienne n’est pas un accouchement raté ni un échec ?
Merci pour cet article. En effet je me reconnais quand vous dites que grâce à l'allaitement je me suis sentie forte et en bonne santé malgré le besoin d'une césarienne d'urgence. C'était un vrai réconfort de voir que tout se passait bien de ce côté-là. Je me rappellerai toujours en salle de réveil, complètement droguée, quand l'infirmière est venue tirer mon colostrum, et moi qui ne réalisais pas vraiment que je venais de donner naissance, riant et n'y croyant pas : « Oui bien sûr je produis du lait ! » Et en plus elle me dit que c'est formidable j'en ai en grande quantité ! Quelle joie et quel retour sur terre : « Je suis maman et de l'autre côté du mur, quelque part, j'ai un petit bébé ! »
Je trouve cet article ultra culpabilisant et à charge contre la césarienne. Le parti pris est de trop et gâche, à mon sens, les informations de l'article, qui doit expliquer les conditions particulières de l'allaitement et sa mise en place après une césarienne.
Je cite :
"Un allaitement réussi sera pour la mère source de confiance en elle ; cela l'aidera à se sentir revalorisée en tant que femme et en tant que mère, après la frustration de l'accouchement manqué." (Et il y a d'autres passages)
???
Et les mamans qui décident de nourrir leur bébé au biberon ? Elles ne sont pas des femmes, ni des mères ?
Et d'où est-ce qu'un accouchement par césarienne est un accouchement manqué ? Pourquoi tous ces jugements ?? Sans fondements ni argumentations ??
Cet article fait preuve d'une prise de position franchement dérangeante en essayant de faire d'un ressenti particulier une vérité générale.
Je reconnais que les dessins pourraient être plus clairs, mais je peux vous assurer qu'il est très difficile d'avoir de bons dessins avec les "bonnes" positions.
Je suis allée voir la page sur l'allaitement du site Césarine (http://www.cesarine.org/apres/allaitement/#3) et il n'y a aucune illustration !
Et je dirais que n'importe quelle position est bonne si la mère est confortable, que le bébé n'appuie pas sur la cicatrice ou que celle-ci est bien protégée, et que le bébé a une bonne prise du sein en bouche.
Je trouve que la position BN (ou "transat") est particulièrement adaptée.
Voir ici : https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1909-aa-110-vivre-une-cesarienne-et-reussir-son-projet-d-allaitement
Sérieux?
Ces dessins ne vont pas aider à aider les mamans ou les papas qui cherchent à comprendre
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