Publié dans le n° 209 des Dossiers de l'allaitement, décembre 2024
D'après : What your patient is thinking. Navigating breastfeeding through cancer treatment. Rimmer A. BMJ 2024 ; 386 : q1284.
Alors que sa fille avait environ 3 mois, une sigmoïdoscopie effectuée chez une mère a constaté l’existence d’une tumeur rectale possiblement cancéreuse. Cette découverte a été pour cette mère le début d’un parcours du combattant entre la gestion du traitement d’un cancer colorectal de stade 3 et les difficultés rencontrées pour faire comprendre à l’équipe soignante qu’elle n’était pas juste une patiente, mais une mère allaitante qui souhaitait que l’allaitement de sa fille soit pris en compte.
Les premiers problèmes ont débuté avec la série d’examens qu’elle devait passer afin de déterminer si elle avait réellement un cancer. Avant chaque rendez-vous pour la colonoscopie, l’IRM, la tomodensitométrie ou le PET-scan, elle a dû téléphoner aux soignants afin de savoir si elle pouvait allaiter après l’examen. Souvent, ces personnes n’avaient aucune réponse, et la mère tentait désespérément pendant des heures de trouver le bon service et la bonne personne qui pourrait lui répondre. Lorsqu’elle trouvait enfin une personne qui semblait qualifiée, la seule réponse qu’elle recevait était invariablement de suspendre l’allaitement pendant les 48 heures suivant l’examen. Mais rester deux journées entières sans allaiter son bébé est une expérience difficile sur le plan physique et émotionnel, tant pour la mère que pour l’enfant. En outre, lorsqu’elle a enfin pu consulter une source fiable sur l’excrétion lactée des médicaments, elle a constaté que les recommandations qu’elle avait reçues étaient infondées.
Elle a subi 3 chirurgies abdominales avant que sa fille ait 12 mois, et elle a poursuivi l’allaitement après chacune d’entre elles. Cela n’a pas été facile. Elle a passé au moins une nuit à l’hôpital après chaque intervention et sa fille ne pouvait pas lui être amenée pour sa sécurité. Les consignes sur la poursuite de l’allaitement par une mère hospitalisée si elle est séparée de son bébé sont qu’elle doit avoir accès à un tire-lait et à un moyen de stockage de son lait dans de bonnes conditions. Malheureusement, absolument personne parmi les membres de l’équipe qui suivait cette mère ne lui a jamais demandé comment on pouvait l’aider à poursuivre l’allaitement après les chirurgies. Elle a apporté son propre tire-lait à l’hôpital pour tirer son lait avant et après l’intervention, et elle a dû jeter l’essentiel du lait exprimé en raison de l’absence de possibilité de stockage, ce qui a été très difficile à vivre pour elle. Pouvoir continuer à allaiter son bébé était, pour cette mère, une motivation majeure pour sortir au plus vite de l’hôpital. Elle aurait aimé qu’un soignant prenne le temps de discuter avec elle afin de déterminer comment l’aider au mieux à poursuivre l’allaitement. Elle aurait aimé que l’équipe soignante comprenne à quel point c’était important pour elle.
La chimiothérapie a signé la fin de son allaitement. Cela l’a rendue très triste. Elle a eu l’impression que la décision de sevrer avait, d’une certaine façon, été prise sans elle. Même si elle avait compris que le sevrage était indispensable en raison de la chimiothérapie, elle estimait que cela l’aurait aidée d’avoir une discussion sur le sujet avec les membres de l’équipe soignante, ou tout au moins que son état de mère allaitante soit signalé dans son dossier afin que les soignants en soient conscients et puissent l’aider pendant la période de sevrage. Le fait qu’on lui ait prescrit de la dompéridone pour la gestion des nausées induites par la chimiothérapie n’a pas aidé : lorsque la mère a constaté que sa production lactée ne baissait pas, elle a réalisé que la dompéridone pouvait en être la cause.
À de nombreuses reprises pendant son traitement, on a demandé distraitement à cette mère ce qu’elle aurait fait si elle n’avait pas été à l’hôpital ce jour-là. Elle répondait invariablement qu’elle se serait occupée de son bébé. Elle avait l’impression que personne n’avait réfléchi à ce que cela signifiait pour une mère d’être séparée de son bébé, ni comment il aurait été possible de l’aider pendant cette période si difficile.
Les points importants pour les professionnels de santé :
- Lorsqu’une mère allaitante doit être traitée pour un cancer, il est nécessaire de prendre en compte la dyade mère-enfant, et donc de prévoir un soutien à l’allaitement. Ce dernier devrait débuter dès la prescription des divers examens nécessaires au bilan du cancer, afin de permettre à la mère de poursuivre l’allaitement aussi longtemps que possible. La mère séparée de son bébé en raison d’une hospitalisation devra recevoir un soutien adapté.
- Il existe des sites Internet et des documents fournissant des informations fiables sur l’utilisation de nombreux médicaments pendant l’allaitement.
- Si une mère a dû arrêter l’allaitement, il sera utile de vérifier qu’aucun des produits qu’on lui a prescrits n’est susceptible de favoriser la production lactée.







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