Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 21, LLL France, 1994
Continuer à allaiter pendant la grossesse, puis allaiter ensuite les deux enfants simultanément, ça ne se décide pas à l'avance.
Simplement, un beau jour, alors qu'on allaite encore son enfant plus ou moins grand, on se retrouve enceinte. Et l'on n'arrive pas à imaginer de le sevrer comme ça, brutalement. Alors, si l'on sait – par les témoignages d'autres femmes – qu'allaiter pendant la grossesse est tout à fait possible, on va peut-être se lancer dans l'aventure. Car c'est bien d'une aventure qu'il s'agit. D'une expérience tout à fait spéciale, dont on ressortira sans doute chamboulée, et où très souvent les choses se seront passées tout à fait différemment de ce qu'on avait prévu.
Pendant la grossesse
Écartons tout d'abord les trois craintes les plus courantes que peut avoir la mère et que, n'en doutons pas, va lui renvoyer son entourage.
Non, l'allaitement ne va pas priver le fœtus de nutriments indispensables. Une femme qui se nourrit correctement n'aura pas de mal à répondre aux besoins à la fois du fœtus et de l'enfant allaité. Il lui faut simplement s'assurer qu'elle prend du poids normalement, ajoute des aliments nutritifs à son alimentation et se repose suffisamment.
Dans une étude faite au Guatemala (1) sur les suppléments nutritionnels, la moitié des femmes participantes se sont retrouvées enceintes alors qu'elles allaitaient encore. La poursuite de l'allaitement n'a pas affecté la croissance du fœtus.
Non, le lait ne devient pas mauvais pour l'enfant allaité. C'est malheureusement une idée répandue dans beaucoup d'endroits, où il est tabou d'allaiter pendant la grossesse, pendant les règles (ou dès que la femme a son retour de couches), comme il est tabou de donner le colostrum (2).
Certes la quantité de lait baisse quelque peu, en général au cours des derniers mois de la grossesse, et se transforme alors en colostrum, qui aura un léger effet laxatif sur l'enfant. Mais il est vraisemblable que celui-ci aura alors également une alimentation solide, et ne dépendra pas exclusivement du lait maternel (3).
En tout cas, l'Organisation mondiale de la Santé estime qu'il est "certainement préférable d'améliorer le régime de la mère avec des aliments facilement disponibles que d'interrompre l'allaitement à cause d'une nouvelle grossesse, surtout les endroits où l'on n'est pas assuré de trouver des aliments de sevrage appropriés" (4).
Non, le risque de fausse couche ou d'accouchement prématuré n'augmente pas si l'on allaite pendant la grossesse. Bien que l'on manque d'études scientifiques sur le sujet, les années d'expérience ont permis au Comité médical consultatif de La Leche League International d'affirmer que les contractions éventuellement induites par l'allaitement ne risquent pas de provoquer de fausse couche ou d'accouchement prématuré.
En fait les vrais problèmes ne sont pas là où on les attendrait. Ils sont dus aux sensations physiques et aux sentiments que la poursuite de l'allaitement va susciter chez la mère.
La première de ces sensations (c'est souvent même elle qui va mettre la puce à l'oreille quant à une grossesse éventuelle) et l'une des plus courantes, c'est une sensibilité accrue des mamelons, pouvant aller jusqu'à une douleur intolérable.
Cette sensibilité étant d'origine hormonale, les recommandations qu'on donne aux mères de nouveau-nés pour éviter ou soulager les douleurs de mamelons, ne sont ici d'aucune aide (5), et un certain nombre de femmes, qui pensaient poursuivre l'allaitement, finissent à contre-cœur par sevrer en raison de ces douleurs.
Autre phénomène : la baisse de lait et son changement de goût peuvent rendre la relation d'allaitement difficile, donnant l'impression que l'enfant tète "à vide", et font d'ailleurs qu'un certain nombre se sèvrent d'eux-mêmes à un moment ou à un autre de la grossesse.
Dernière chose, qui trouble beaucoup certaines femmes : un changement d'humeur, qui se traduit par un malaise ou de l'irritation pendant les tétées.
Dans une étude faite en 1977 pour savoir s'il y avait vraiment un mécanisme psycho-biologique prévu par la nature et poussant au sevrage chez les femmes enceintes, le Dr Niles Newton étudia plus de 500 femmes membres de La Leche League qui se retrouvèrent enceintes alors qu'elles allaitaient toujours (6).
Elle mit en évidence trois préoccupations communes aux femmes qui participaient à l'enquête : 74 % ressentirent des douleurs de mamelons à des degrés divers, 65 % notèrent une baisse de leur production de lait, et 57 % ressentirent un certain malaise ou de l'irritation pendant les tétées.
En fin de compte, 66 % des participantes sevrèrent leur enfant à un moment ou à un autre de la grossesse (à noter que dans la mesure où 44 % des enfants avaient deux ans ou plus, il est probable que même sans la nouvelle grossesse, beaucoup se seraient sevrés à cette époque).
Je ne voudrais pas qu'on en tire une vision trop sombre de l'allaitement pendant la grossesse. Beaucoup de femmes l'ont vécu sans problèmes, sans mamelons douloureux, sans ambivalence. D'ailleurs, toujours dans l'étude de Niles Newton, sur les 158 femmes qui n'avaient pas sevré pendant la grossesse, 77 % dirent qu'elles recommenceraient probablement, et seulement 6 % qu'elles ne recommenceraient sûrement pas.
Néanmoins, trop de femmes le vivent de façon pour le moins problématique, pour qu'on ne donne pas un petit avertissement : vivez les choses au jour le jour, voyez comment vous réagissez, vous et votre enfant, et prenez les décisions qui vous semblent préférables.
Lorsque l'enfant paraît
Une fois le bébé né, un certain nombre de choses vont s'améliorer : les douleurs de mamelons disparaissent (sauf si la succion incorrecte du nouveau-né en provoque de nouvelles, mais c'est une autre histoire...), le lait revient en abondance, suffisamment pour les deux enfants. Mais de nouvelles questions se posent : vaut-il mieux allaiter les deux enfants en même temps ? Comment s'y prendre ? Comment assurer la priorité au nourrisson ? Que se passe-t-il si l'un des deux enfants est malade ? Etc., etc. (7).
Surtout, le sentiment d'irritation face au "grand" peut devenir très intense. Cette impression qu'ont toutes les mères que, tout d'un coup, l'aîné est devenu un "géant" à côté du nouveau-né, ce besoin de protéger voire de privilégier le petit, en même temps que la culpabilité et la peur de ne plus aimer autant le grand, tout cela semble exacerbé chez les femmes qui allaitent des non-jumeaux.
Certains pensent qu'il pourrait y avoir une cause physiologique à ce malaise lorsque les deux enfants tètent ensemble, à savoir la différence de succion entre le bambin et le nourrisson. En effet les mères de jumeaux ne semblent pas ressentir un tel malaise.
D'autres se demandent si les tétées simultanées ne causeraient pas une surstimulation hormonale. Une mère qui avait toujours été d'accord avec ce qu'on disait sur l'effet calmant de la prolactine, s'est aperçue que le co-allaitement avait sur elle l'effet opposé !
En conclusion
Si une mère décide de continuer à allaiter son enfant pendant la grossesse, puis après la naissance du nouveau-né, c'est bien parce qu'elle sent intimement que son enfant a encore besoin de cette relation.
Cette "intime conviction" l'aidera à surmonter les éventuels problèmes évoqués ci-dessus, et à résister aux pressions de l'entourage, qui comprendra sans doute mal qu'elle s'obstine à allaiter un "si grand", surtout dans sa situation...(8)
La "récompense" viendra d'elle-même. Comme le dit une mère ayant vécu le co-allaitement, "l'estime que l'enfant éprouve pour lui-même lorsqu'il a pu se sevrer à son rythme et faire évoluer son attachement à vous, est un formidable cadeau que vous lui faites, et s'il peut le recevoir, c'est bien grâce à vous".
Et puis, cerise sur le gâteau, il est possible que ce "partage du sein" crée entre les "non-jumeaux" une tendre complicité tout à fait spéciale et bien réjouissante à voir (9)...
Claude Didierjean-Jouveau
(1) "Maternal and fetal responses to the stresses of lactation concurrent with pregnancy and short recuperative intervals", Merchant, Martorell et Hasse, Am J Clin Nutr 52 : 280-88, 1990.
(2) Voir dans "Le lait 'contrarié'", Agnès Fine, in Mémoires lactées, éd. Autrement, mars 1994, p. 161.
(3) Dans le cas contraire, il faudra bien évidemment surveiller attentivement la croissance de l'enfant.
(4) L'alimentation infantile. Bases physiologiques, supplément au Bulletin de l'OMS, vol. 67, 1989, p. 53.
(5) Vous trouverez beaucoup de "trucs" pratiques pour ce problème et d'autres, dans le feuillet 53 FR Co-allaitement, de Gail E. Berke, LLLI.
(6) "Breastfeeding during pregnancy in 503 women : does a psychobiological weaning mechanism exist in humans ?, Newton, N. and Theotokatos, M., Emotion and Reproduction 1979 ; 20B : 845-49.
(7) Pour toutes ces questions, voir le feuillet 53 FR.
(8) Sur l'allaitement prolongé en général, voir le feuillet F014 L'allaitement des grands, LLLF.
(9) Attention, le co-allaitement n'est pas du tout une garantie contre la jalousie fraternelle ! Mieux vaut donc ne pas décider de co-allaiter uniquement dans le but de l'éviter...
À lire
L'Art de l'allaitement maternel, LLLI.
La mère, le bambin et l'allaitement, Norma Jane Bumgarner, LLLI.
Co-allaitement, Gail E. Berke, LLLI, feuillet 53 FR.
The Breastfeeding Answer Book, LLLI, p. 363-372.
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de cet article.
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Je suis enceinte de bb2 et mon bambin de 3 ans et demi est toujours allaité, la gynéco me dit que vu que l'allaitement provoque des contractions, il y a un risque de fausse couche. Pourriez-vous me rassurer ?
J'ai appris que j'étais enceinte quand ma 1ere avait 2 ans,je l'ai allaité pendant toute la grossesse et j'ai fait du co-allaitement avec bb1 et bb2 pendants 2 mois.j'ai appris ma 3eme grossesse quand bb2 avait 8 mois et qu'il était allaité,j'ai continué à l'allaiter tout au long de la grossesse et aujourd'hui j'allaite toujours bb2 qui a 17 mois et bb3 qui a 7 jours.tout se passe très bien,même si les 1er jours c'était un peu dur pour bb2 de partager sa maman ^^
La sage femme m'a dit que pour la naissance bébé aurait du lait 2e âge directement et la sage femme de la pmi qu'à la fin de la grossesse allaiter provoquerait des contractions.... Merci pour cet article qui offre des réponses plus rassurantes.
Je suis enceinte et je continuer à allaité mon fils de 30 mois à la demande je me vois mal le sevrer alors que j'attendais le sevrage naturel, je vis le jour au jour et j'attends que mon fils se décide, pour l'instant tout ce passe bien tout à l'air si naturelle .
Merci LLL pour vos articles pour vos conseils
Comme vous l'avez lu dans l'article, vous pouvez très bien continuer à l'allaiter. La seule chose, c'est qu'il faut vérifier qu'il continue à prendre du poids normalement, dans la mesure où la grossesse va diminuer votre lactation à un moment ou un autre.
Vous avez d'autres documents sur le sujet ici :
http://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/l-allaitement-au-fil-du-temps/1252-allaitement-pendant-la-grossesse-et-co-allaitement
Jai un bébé de 7 mois suis à présent enceinte de 7semaines je ne sais pas quoi faire actuellement j allait tjrs j'ai tellement peur quil tombe malade
je suis rassuré ,je suis enceite de 2mois presque ,ma fille a 19 mois et elle continue à tété ,mais je crois que je dois faire un effort de bien manger car j'ai vraiment pad d'appeti
Je suis tombé enceinte alors que mon bébé n'avait que deux mois et demi. Ca ete un choc pour moi. Jai allaité mon bébé mais jai ete contrainte à stopper mon allaitement malgré moi, dû une douleur aiguë aux mamelons lors des tétés. Mes seins étaient devenus très sensible et les tétés devenaient des moments de souffrance. J'aurais aimé découvrir le co allaitement. Auj j allaite mon autre bébé et cest un pur bonheur.
bonjour, ma fille avait 7 mois quand je suis tombé enceinte.. j'ai voulu arreter mais c'etait pas facile pour ma fille, donc j'ai decidé de continuer d'allaiter, là je suis a 21 semaines de grossesse et je continue toujours d'allaiter ma fille, parfois c'est inconfortable ou un peu douloureux, donc je stop un peu.. mais apres ca va... ma fille n'a jamais eu de diarhée face a cela, elle va bien et moi aussi.
J'allaite toujours mon fils de 21 mois,
Je suis tombé enceinte d'un petit bébé miracle "naturellement" après deux bébés FIV. Il était donc hors de question pour moi de pénaliser Bb2 en arrêtant de l'allaiter. Je ne savais même pas que je pouvais co-allaiter. Je me suis renseigné auprès de la leche ligue,de témoignages sur des forums.
Après quatre mois de grossesse,j'ai toujours les seins un peu douloureux mais pas de problème à priori de baisse de lactation,aucune fatigue et pas d'irritations.
J'adore voir mon ventre s'arrondir et Bb2 faire un petit câlin avant une petite tétée
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