Publié dans le n° 134 d'Allaiter aujourd'hui, janvier-février-mars 2023
Le taux et la durée d’allaitement ayant beaucoup augmenté depuis une vingtaine d’années, il est inévitable que le nombre de couples qui se séparent alors qu’un des enfants, encore bébé ou déjà bambin, est toujours allaité augmente lui aussi. De fait, les animatrices de La Leche League sont régulièrement contactées par des mères en instance de séparation d’avec leur conjoint, dont la question "Comment poursuivre l’allaitement compte tenu de la situation ?" n’a pas de réponse simple.
En effet, alors que la mère va souhaiter aménager les périodes de visite et d’hébergement du père de façon à permettre la poursuite de l’allaitement, bon nombre de pères et éventuellement d’avocats puis de JAF (juges aux affaires familiales) ne vont pas tenir compte de cette requête, voire vont remettre en question l’allaitement lui-même, quand ce n’est pas l’utiliser contre la mère pour présenter celle-ci comme fusionnelle et pathologique (d'autres pratiques de maternage proximal, comme le cododo, pourront également être utilisées contre elle…).
Et bien sûr, plus l’enfant allaité sera "grand" (et dans ce contexte, "grand" peut vouloir dire juste plus de 6 mois…), plus la poursuite de l’allaitement risque d’être considérée comme superfétatoire, voire carrément nuisible, que ce soit au devenir de l’enfant ou en ce qu’elle gênerait l’accès du père à son enfant.
Éviter d'évoquer l'allaitement ?
C’est d’ailleurs pourquoi, dans son article sur l’allaitement et le droit publié dans le n° 67 d’Allaiter aujourd’hui [2], la juriste Martine Herzog-Evans écrivait : "Je conseille avant tout d’éviter totalement d’évoquer l’allaitement [dans la négociation des modalités du droit de visite du père], dès lors que l’enfant a dépassé quelques mois. La tolérance maximale absolue que j’ai pu relever chez les magistrats était d’une année d’allaitement."
Cela dit, depuis cette date, plusieurs décisions ont pris en compte un allaitement plus long. C’est ainsi que la Cour d’appel de Douai, considérant que l’enfant, une petite fille de 14 mois, "est toujours allaitée deux fois par jour", a accordé comme droit de visite et d’hébergement au père : un dimanche sur deux, de 10 h à 18 h, jusqu’aux 2 ans de l’enfant ; puis un week-end sur deux jusqu’à ses 3 ans ; et seulement après 3 ans, des périodes de vacances d’une semaine ou plus.
Aménager les temps de visite et d'hébergement
Heureusement, nombre de pères ayant à cœur l’intérêt de leur enfant comprendront bien que si l’on se met à la place de ce bébé/bambin qui connaît l’allaitement "depuis toujours", il n’est pas logique de lui faire perdre cette relation, lui qui perd déjà ses repères familiaux initiaux.
Dans ce cas, les deux parents élaboreront en commun les modalités du droit de visite et d’hébergement du père, et à condition que leur accord soit conforme à l’intérêt de l’enfant, celui-ci sera homologué par le juge aux affaires familiales.
Et bien sûr, ces modalités évolueront avec l’âge de l’enfant. Pour un bébé de moins de 9 mois, on peut envisager par exemple deux fois deux heures par semaine au domicile de la maman, puis la même chose à l’extérieur, puis une demi-journée par semaine, puis une journée complète, puis une journée et une nuit… Tamara explique par exemple : au début, ma fille (14 mois) "allait chez son papa un week-end par mois et deux jours par semaine, sans hébergement. Quand nous avons vu que cela se passait bien pour elle, nous avons ajouté les nuits, une seule à la fois".
Dans tous les cas, la poursuite de l’allaitement aura permis, comme le dit Nathalie, "de passer plus en douceur un cap difficile. Un sevrage lors d’une telle occasion n’aurait fait que rajouter énormément au stress vécu par l’enfant".
Pour aller plus loin
– Le dossier du n° 89 d’Allaiter aujourd’hui, octobre 2011, L’allaitement quand les parents se séparent, avec un certain nombre de ressources supplémentaires (décisions de justice, témoignage d’une JAF, à propos de la garde alternée, intérêt de la médiation…).
– L’interview de Martine Herzog-Evans parue dans Grandir autrement n° 16, mars/avril 2009, qui se trouve également ICI.
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