Publié dans le n° 139 d'Allaiter aujourd'hui, avril 2024.
Extrait de L’art de l’allaitement maternel, Huitième édition, Diane Wiessinger, Diana West, Teresa Pitman, Traduction : Fabienne Auffret.
Les problèmes qu’on peut rencontrer pour démarrer et poursuivre un allaitement peuvent être plus ou moins importants. Réussir à allaiter un bébé avec des besoins particuliers, qu’il souffre d’un handicap, d’une malformation, d’une maladie chronique, des conséquences d’un accident... représente un défi bien spécial.
Pour introduire ce numéro, nous avons choisi de publier le chapitre de L’art de l’allaitement maternel qui traite de quelques cas de bébés aux besoins particuliers. Vous trouverez dans les pages qui suivent de nombreux témoignages de mères qui ont réussi à relever le défi, dans ces situations et bien d’autres encore.
Les bébés nés avec un handicap ou un problème médical ont encore plus besoin qu’un bébé en bonne santé de la stimulation, de l’attention et de la proximité qui découlent naturellement de l’allaitement. Par exemple, les hormones de croissance contenues dans votre lait ont une action positive sur la muqueuse intestinale et sa cicatrisation. Vous en bénéficiez également, puisque l’allaitement vous aide à vous concentrer sur votre bébé, avant tout.
Si le problème de santé de votre bébé complique l’allaitement, rappelez-vous que l’allaitement est presque toujours possible et qu’il est important pour lui et pour vous. Si vous savez d’avance que votre bébé pourra avoir des difficultés, vous pourrez avoir envie d’exprimer du colostrum pendant la grossesse et de le stocker jusqu’à la naissance.
Contactez une animatrice de votre région pour avoir soutien et informations.
La trisomie 21
Les propriétés immunologiques du lait humain sont d’autant plus importantes si votre bébé est porteur de trisomie, car il est plus à risque d’infections respiratoires, de problèmes cardiaques et d’otites.
Cependant, il peut être plus difficile de le faire téter, car il peut être très somnolent les premières semaines, avoir des troubles du tonus musculaire facial, un palais creux, et souffrir d’une macroglossie, toutes choses qui peuvent compromettre l’efficacité de la succion.
Il est possible que vous deviez tirer votre lait après les tétées et les compléter avec le lait tiré, afin de vous assurer de maintenir une bonne production de lait et que votre bébé reçoive assez de lait.
Il existe des exercices de stimulation orale qui peuvent améliorer sa capacité à maintenir la succion : une consultante en lactation IBCLC peut vous les montrer et l’animatrice LLL de votre région vous soutenir tout au long de l’allaitement de votre bébé.
Il a son propre rythme de développement, et il se peut qu’il apprenne à prendre le sein et à le téter efficacement plus tard que la plupart des autres bébés. Patience et tirage de lait ont conduit de très nombreux bébés trisomiques à un allaitement exclusif aux alentours de leurs quatre ou cinq mois. Cela peut paraître décourageant au début, mais c’est complètement réalisable et les fruits de votre ténacité peuvent avoir des effets sur la santé et le développement de votre bébé tout au long de sa vie.
Bien qu’il puisse être difficile d’allaiter les bébés atteints de trisomie 21, les données de cette étude anglaise faite sur 70 bébés de moins de 8 mois montrent que l’allaitement exclusif est possible pour certains, et que la prévalence de l’allaitement est comparable à la prévalence dans la population générale.
Williams GM et al., Establishing breast feeding in infants with Down syndrome : the FADES cohort experience, BMJ Paediatr Open 2022 ; 6(1) : e001547.
Fentes labiales ou palatines
Un bébé avec une ouverture dans le palais a des difficultés à créer la dépression nécessaire à une extraction du lait efficace, quelle que soit la façon dont il est nourri.
Que la fente soit localisée sur le palais mou ou sur le palais osseux, le lait peut passer dans la cavité nasale, faisant tousser ou recracher le bébé et rendant toute forme de nourrissage compliquée.
Ces fentes sont habituellement opérées après six mois, quand la bouche du bébé a grandi. Néanmoins, opérer un bébé immédiatement après sa naissance présente des avantages indéniables. La prise de poids et l’état de santé sont généralement meilleurs, le bébé pouvant se nourrir normalement (ou presque) dès le début, "normalement " pouvant inclure l’allaitement. En outre, la cicatrisation fœtale (rapide et idéale) dont est capable un nouveau-né (ou un fœtus) peut améliorer la qualité de la réparation. Si votre chirurgien n’est pas en faveur d’une chirurgie réparatrice précoce, vous pouvez demander un autre avis et rechercher un chirurgien qui en a l’expérience.
La plaque palatine est une option pour les bébés dont le palais osseux n’a pas encore été réparé : c’est une plaque qui ressemble à celles utilisées en orthodontie, qui recouvre le palais et la fente, et qui est changée au fur et à mesure de la croissance du bébé. Elle peut être faite d’une matière lisse qui convient à votre mamelon.
N’hésitez pas à utiliser votre imagination pour trouver des positions : si votre bébé est en position verticale, il est possible qu’il recrache moins et qu’il y ait moins de passage de lait dans le nez. Trouvez-vous du soutien et sachez que le temps passé au sein est bon pour le bébé, qu’il reçoive du lait ou non.
Si votre bébé a une fente labiale sans fente palatine, il est possible que vous arriviez à l’allaiter avec peu ou pas d’adaptations. Un sein "mou" pourra "fermer" la fente, ou vous pourrez utiliser un de vos doigts pour le faire afin que votre bébé puisse téter. Essayez plusieurs positions si la première que vous avez testée n’a pas fonctionné.
En cas de chirurgie réparatrice, sachez que votre bébé peut recevoir du lait humain jusqu’à quatre (éventuellement deux) heures avant une anesthésie générale. D’autre part, les études ont montré que téter juste après le réveil est à la fois rassurant et sans danger. Les chirurgiens sont plus familiarisés avec l’alimentation au biberon, et il se peut qu’on vous dise de ne pas allaiter pendant plusieurs jours après l’opération. Vous pourrez faire remarquer que la lèvre supérieure d’un bébé allaité reste détendue pendant la tétée et ne tire pas sur les points.
Si votre bébé n’est pas capable de téter efficacement avant la chirurgie réparatrice, vous pouvez maintenir votre production lactée en tirant votre lait régulièrement et efficacement à l’aide d’un tire-lait de qualité. Vous pouvez lui donner votre lait, qui est crucial à un moment où il va devoir faire face au défi immunologique que représente une opération chirurgicale, avec des accessoires ne nécessitant pas d’effort de succion. Une consultante en lactation IBCLC peut se révéler d’une grande aide en vous donnant des méthodes et en vous soutenant.
Mucoviscidose et autres maladies métaboliques
L’allaitement d’un bébé souffrant de mucoviscidose, de maladie cœliaque ou d’autres problèmes de malabsorption peut le protéger contre les infections respiratoires et contribuer à ce que sa prise de poids soit davantage dans la norme. À tel point que les premiers symptômes de la maladie peuvent être différés.
Un bébé atteint de phénylcétonurie (PCU), une maladie dépistée systématiquement à la naissance, ne peut pas assimiler la phénylalanine (un acide aminé) dont de petites quantités sont pourtant indispensables afin de lui assurer une croissance normale.
Heureusement, le lait humain en contient moins que le lait de substitution issu de lait de vache, et il est généralement possible d’allaiter un bébé souffrant de PCU, au moins en partie, tout en complétant avec un lait de substitution spécifique.
Ce qui pose problème, c’est la nécessité de connaître la proportion exacte de lait humain et de lait de substitution que le bébé reçoit, et ceci n’est possible qu’en pesant le bébé avant et après les tétées.
Par chance, il y a une autre façon de faire : en soustrayant la quantité de lait humain qu’il faut donner en fonction de la PCU de la quantité totale qu’on estime que le bébé devrait recevoir en fonction de son âge et de son poids, on obtient la quantité de lait de substitution qu’il faut lui donner. Comme c’est une estimation, il faut mesurer régulièrement les taux sanguins de phénylalanine du bébé.
Les bébés atteints de galactosémie sont incapables de métaboliser le galactose, un des produits de la digestion du lactose (le principal glucide du lait humain). Dans la forme classique de la maladie, il est malheureusement nécessaire de nourrir le bébé avec un lait spécial sans lactose.
La variante Duarte de la maladie n’implique pas de sevrer : votre médecin pourra vous dire de quelle forme votre bébé est atteint et si vous pouvez l’allaiter.
Ressources
Vous trouverez sur le site des pages consacrées à chacun de ces problèmes (trisomie 21, fentes labio-palatines, cardiopathies, maladie cœliaque, phénylcétonurie, galactosémie, mucoviscidose, laparoschisis, épilepsie...).
Et dans le dossier Le bébé / l’enfant malade, hospitalisé, opéré, vous trouverez également des informations sur le jeûne pré-opératoire, l’effet analgésique de la tétée, la charte du nouveau-né hospitalisé, etc.
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