Article paru dans les Dossiers de l'Allaitement n° 77 (Octobre – Novembre – Décembre 2008)
Overabundant milk supply : an alternative way to intervene by full drainage and block feeding. CGA van Veldhuizen-Staas. Int Breastfeed J 2007 ; 2 : 11.
La crainte de ne pas avoir suffisamment de lait est partagée par toutes les mères, en dépit du fait que la lactation est une fonction physiologique normale chez la femme, et que l’incapacité réelle d’avoir une production lactée suffisante est rare. Les moyens d’augmenter la production lactée font l’objet de nombreuses publications. Mais l’hyperproduction lactée est un phénomène beaucoup moins abordé, alors qu’elle constitue un problème majeur pour les mères qui en souffrent.
Sur le plan physiologique, la persistance d’une quantité importante de lait dans les seins induit une baisse de la production lactée. Cette régulation se fait de façon indépendante, au niveau local. L’accumulation de lait dans les acini mammaires empêche la fixation de la prolactine au niveau de ses récepteurs situés sur les membranes cellulaires, ce qui inhibe la production lactée. Lorsque le sein est vidé, la prolactine peut à nouveau se fixer sur ses récepteurs membranaires, ce qui relance la synthèse du lait. Plus le sein est vidé, plus la synthèse du lait est rapide, et elle se ralentit progressivement au fur et à mesure que le sein se remplit. Il semble exister deux mécanismes de régulation du taux de synthèse du lait, qui interagissent. Le premier est un facteur autocrine, le FIL (Feedback Inhibitor of Lactation), une protéine du petit lait, sécrétée par les lactocytes, qui inhibe la sécrétion lactée ; son taux augmente lorsque le lait s’accumule, ce qui inhibe la synthèse lactée par feedback. Cette inhibition est réversible, et ne modifie pas la composition du lait. L’autre mécanisme est lié aux interactions entre les lactocytes et la membrane basale sur laquelle ils sont fixés. On suppose que leur volume se modifie au fur et à mesure que les seins se remplissent, ce qui désactive les récepteurs pour la prolactine, et abaisse la production lactée. Toutefois, l’impact et les interactions entre ces deux mécanismes restent encore mal connus.
L’hyperlactation peut être provoquée par une pratique inadéquate d’allaitement, par une hyperprolactinémie, ou par une prédisposition congénitale. Elle induira des problèmes chez la mère et chez l’enfant. La mère souffrira d’engorgements persistants, le lait pourra couler en permanence, et elle aura un risque plus élevé de mastites. L’enfant aura du mal à gérer un flot de lait trop abondant, il pourra s’étouffer au sein, faire des fausses routes, souffrir de reflux ou de coliques, avoir des selles explosives et souvent vertes. Sa prise de poids pourra soit être lente, soit être très importante. Il pourra soit vouloir téter tout le temps, soit refuser le sein qui est pour lui source de stress. La production de lait peut être telle que le bébé pourra avoir l’estomac plein sans avoir vidé le premier sein et sans avoir obtenu du lait de fin de tétée riche en graisses. C’est ce phénomène qui est à l’origine des coliques et de la diarrhée chez le bébé (une abondance de lactose, et peu de lipides pour ralentir le transit). Une autre conséquence de l’hyperlactation est l’induction d’une succion incorrecte chez le bébé. Au lieu de téter avec vigueur pour obtenir du lait, il devra bien souvent serrer les gencives pour ralentir le flot de lait, ce qui pourra provoquer des lésions sur les mamelons de la mère. Le bébé pourra aussi être conditionné à obtenir du lait sans effort, et il ne saura plus téter efficacement ou il se détournera du sein lorsque la production lactée baissera.
Un des traitements couramment proposés est de tirer une certaine quantité de lait juste avant de mettre le bébé au sein. Cela permet au bébé d’avoir un flot de lait moins abondant, et de recevoir davantage de lait de fin de tétée. L’inconvénient est que l’expression régulière du lait entretient la surproduction lactée, ce qui peut pérenniser le problème. De plus en plus, on recommande des approches différentes. Par exemple, de proposer un seul sein, toujours le même, pendant plusieurs tétées de suite. Le but est de provoquer une stase lactée dans le sein non tété, avec inhibition de la production lactée dans ce sein. Cela nécessite cependant d’être prudent, pour éviter les engorgements importants, les mastites, ou les canaux lactifères bouchés.
Berghuijs estime que le problème est lié à la conjonction de l’accumulation du lait et d’un drainage insuffisant. Elle a décrit une méthode de traitement fondée sur l’expression totale du lait à partir des deux seins, suivie immédiatement par une mise au sein, puis par la poursuite de l’allaitement à la demande. Cette approche peut toutefois induire une récidive rapide du problème, mais elle est à l’origine de la méthode présentée dans cet article. La production lactée peut également être abaissée par des moyens pharmaceutiques (pilule contraceptive contenant des œstrogènes, pseudoéphédrine) ou alternatifs (tisanes de sauge ou prise de teinture de sauge, homéopathie…). (Ndlr : des données récentes semblent indiquer que la sauge n'est pas très indiquée pour diminuer la lactation)
L’auteur est consultante en lactation aux Pays-Bas. Dans sa pratique professionnelle, elle a rencontré un certain nombre de mères présentant une hyperproduction lactée, et elle a mis au point un traitement faisant appel à la fois à un drainage efficace du sein et à un blocage de la production lactée. Le traitement débute par un drainage aussi complet que possible des deux seins. Certes, dans la mesure où les glandes mammaires fonctionnent en continu, il est impossible de vider totalement les seins, mais l’expression devra être aussi complète que possible. Le mieux pour ce faire est d’utiliser un tire-lait à double pompage. Dès l’expression terminée, l’enfant sera mis au sein, et on lui proposera les deux seins jusqu’à satiété. De nombreux bébés s’endormiront après une tétée calme, pendant laquelle ils recevront du lait riche en lipides, souvent pour la première fois de leur vie. Par la suite, la journée sera divisée en tranches de 3 heures pour commencer : pendant chaque période de 3 heures, l’enfant se verra proposer un seul sein, le même, chaque fois qu’il manifestera l’envie de téter. Pendant les 3 heures suivantes, il sera mis uniquement à l’autre sein. On veillera à ce que la prise du sein soit optimale. En fonction des résultats et de la sévérité de l’hyperlactation, la durée des « tranches » pourra être augmentée (4, 6, 8… heures), et plusieurs épisodes de drainage total pourront être nécessaires, mais uniquement pour soulager la mère si l’engorgement devient très important, sans aggraver l’hyperlactation. La mère sera informée sur la possibilité de mastite ou de canal lactifère bouché.
Mme B co-allaitait son bébé de 9 jours et son bambin. Pendant son premier allaitement, elle avait souffert d’une hyperproduction lactée pendant les 4 premiers mois, période au bout de laquelle la production s’était stabilisée à un niveau acceptable. Elle avait commencé à utiliser avec son second enfant les mêmes stratégies qu’avec le premier : tirer du lait avant de mettre son bébé au sein, enlever le bébé du sein quand le lait coulait trop vite… Lorsqu’elle est venue en consultation d’allaitement, son bébé commençait à refuser le sein, ou ne voulait le prendre qu’en position allongée. Il était agité et souffrait de coliques. Les seins étaient engorgés et inconfortables en permanence. On lui avait recommandé de sevrer son aîné, ce que la mère avait refusé. Au moment de la consultation, le bambin et le nourrisson étaient en bonne santé, la prise de poids de ce dernier était bonne. La mère ne présentait pas de lésions sur les mamelons. Le bébé prenait le sein correctement, mais il s’agitait rapidement, lâchait le sein par intermittence. Il mouillait de nombreuses couches, et avait des selles abondantes et jaunes. La technique décrite ci-dessus a été expliquée à la mère. Le jour même, elle a tiré un maximum de lait des deux seins, puis elle a mis son bébé au sein. La tétée a été calme, et le bébé s’est endormi sur le second sein. Elle a ensuite mis ses deux enfants au même sein, en changeant de sein toutes les 3 heures. Pendant les 24 heures suivantes, l’engorgement a progressivement récidivé, et la mère a dû à nouveau tirer son lait des deux seins environ 30 heures après la première expression, puis 72 heures après la seconde expression, tout en continuant à proposer un seul sein aux deux enfants, avec changement toutes les 3 heures. A 1 mois post-partum, la mère ne présentait plus aucun signe d’hyperlactation.
Mme A allaitait son bébé de 8 jours, qui prenait un seul sein à chaque tétée. Les tétées étaient agitées et bruyantes, la mère disant qu’il lui semblait entendre son lait arriver à flot dans l’estomac de son bébé. Le bébé faisait beaucoup de rots, mais cela ne semblait pas le soulager. Il souffrait de coliques, et recrachait beaucoup de lait après les tétées. Il avait des selles vertes, très abondantes et mousseuses. A J8, il était déjà à 310 g au-dessus de son poids de naissance. On avait recommandé à cette mère de tirer du lait avant chaque tétée, d’allaiter allongée, de limiter la fréquence des tétées, sans résultat. Découragée, la mère souhaitait arrêter l’allaitement, et elle venait en consultation de l’allaitement en dernier recours. A l’examen, les seins étaient de taille inférieure à la moyenne, mais très pleins et durs, et la mère souffrait d’un inconfort permanent. Mais ce qui la décourageait le plus était le comportement de son bébé, qui semblait souffrir en permanence. L’expression du lait a permis de recueillir 350 ml à partir des deux seins, et la mère a mis ensuite son bébé au même sein par tranches de 3 heures. En conséquence, les tétées ont été plus courtes et plus fréquentes. Les seins ont recommencé à s’engorger, mais pas au point qu’une nouvelle session d’expression devienne nécessaire. Pendant encore quelques jours, la première tétée de chaque tranche de 3 heures était difficile, mais les coliques et l’agitation du bébé ont disparu.
Mme S s’est présentée avec son cinquième enfant, âgé de 4 jours. Elle avait allaité ses enfants précédents sans problème. Ce cinquième enfant avait un poids de naissance plus élevé que ses enfants précédents (4530 g), et la naissance a provoqué une fracture de la clavicule. Il avait reçu 20 ml d’une solution de glucose après la naissance, et la mère a décidé de le mettre au sein très souvent pour éviter qu’il souffre d’hypoglycémie et reçoive encore du glucose. La montée de lait est survenue à J3, et la production lactée a rapidement augmenté, jusqu’à induire un engorgement sévère chez la mère, et une agitation du bébé pendant les tétées. Au moment de la consultation, les seins étaient durs et rouges. La mère a immédiatement tiré son lait, et a obtenu 500 ml de lait. Elle a ensuite mis son enfant au même sein par tranches de 3 à 4 heures. Elle n’a pas eu besoin d’une autre séance d’expression du lait, puis sa production lactée a été parfaitement normale pendant les 30 mois qu’a duré ce cinquième allaitement.
Mme D avait des seins très volumineux (bonnets I). Elle allaitait son bébé de 2 mois. L’engorgement de la montée de lait persistait toujours. Le bébé tétait très souvent, par sessions de quelques minutes. Il n’était pas agité au sein, ne présentait aucun trouble digestif, et sa prise de poids était plus que satisfaisante. L’examen des seins était difficile : tout contact faisait dégouliner le lait. Les seins étaient fermes et pleins. Pendant la consultation, la mère a tiré 700 ml de lait à partir des deux seins. Cela n’a pas changé grand chose à l’aspect des seins, mais la mère a dit se sentir soulagée. Elle a mis ensuite son enfant au même sein par tranches de 4 heures. Mais cela n’a pas été suffisant : elle a dû à nouveau tirer son lait au bout de 24 heures, et la durée des tranches a été portée à 6 heures, puis à 12 heures après une nouvelle séance d’expression du lait. Cet intervalle important a enfin réussi à abaisser la production lactée. Une nouvelle séance d’expression a été nécessaire 36 heures après sa mise en place, puis à nouveau 48 heures plus tard, pour la dernière fois. Cette mère a continué l’allaitement en proposant un seul sein par tétée, le même sein pendant 12 heures d’affilée (occasionnellement pendant 24 heures d’affilée). Toute tentative pour abaisser la durée des tranches horaires de présentation d’un seul sein induisait immédiatement une augmentation de la production lactée.
Il semble que, chez certaines mères, les mécanismes de régulation de la production lactée soient moins efficaces que la normale, ce qui provoque une hyperlactation chronique avec engorgement permanent. Un drainage aussi complet que possible des deux seins, suivi de la mise au sein à la demande de l’enfant, mais en ne lui proposant qu’un seul sein pendant une durée définie, permet le plus souvent de résoudre rapidement le problème. Mis au sein immédiatement après la séance d’expression du lait, le bébé pourra téter calmement, et recevoir un flot de lait facile à gérer et riche en calories. L’hyperlactation est un problème qui semble sous-évalué chez les mères allaitantes, ce qui est dommage dans la mesure où elle est source de problèmes chez la mère et l’enfant, et qu’il est possible d’y remédier. Des recherches seraient nécessaires pour comprendre pour quelles raisons certaines mères produisent beaucoup plus de lait que nécessaire, et/ou présentent un problème d’adaptation de leur production lactée à la demande de leur bébé.
Bonsoir,
Dans cette approche l’autre sein, celui que le bébé ne boit pas, est laissé tranquille. Un peu d’inconfort va signaler à votre cerveau de diminuer la quantité de lait produite. Néanmoins si votre sein est trop douloureux vous pouvez faute un tout petit peu d’expression manuelle pour vous soulager.
Si vous sentez que votre difficulté ne se résout pas vous pouvez chercher de l’aide via la boite contact https://www.lllfrance.org/contacts/besoin-d-aide/1741
Bon maternage par l’allaitement
Marie Courdent Animatrice LLL France - Lille
Après une semaine à tirer mon lait pour voir ce que bébé prenais du à une perte de poids trop importante je repasse au seins à 10 jours de vie, problème je produis trop par rapport à ce qu’il prend mes seins sont lourd pleins et me font mal, je viens de lire et je vais essayer mais j’ai une question que fait on du deuxième seins pendant les 3/4 heures ou c’est l’autre que bébé boit ? Car il se remplit très vite, merci
vous ne proposez même pas aux mères de faire don de leur lait
Allez voir ici :
http://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/feuillets-des-referents-medicaux/1856-la-production-lactee-surabondante
pour toutes les façons de gérer une hyperlactation.
Bonjour,
J'ai un problème d'hyperprolactemié. Ma petite va avoir 3 semaine et je suis toujours obligée de masser mes seins pendant la tétée sinon engorgement .
J'hésitais à tirer mon lait pour justement' encore plus en produire. Mais du coup c'est çe que je vais faire, le lait tire sera du lactose je pourrais le donner apres à ma fille ?
Je voudrais le tirer par la suite aussi pour que le papa en profite aussi . Mais comment faire pour ne pas surproduire ?!
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