Une méta-analyse
Allaitement et poussées de sclérose en plaques : méta-analyse
Publié dans le n° 158 des Dossiers de l'allaitement, mai 2020.
D'après : Association between breastfeeding and postpartum multiple sclerosis relapses . A systematic review and meta-analysis, Krysko KM et al., JAMA Neurol 2020 ; 77(3) : 327-338.
Traitements de la sclérose en plaques et allaitement
Sclérose en plaques et allaitement.
Publié dans le n° 158 des Dossiers de l'allaitement, mai 2020.
D'après : Breastfeeding in the multiple sclerosis patient, Anderson PO, Breastfeed Med 2019 ; 14(6) : 356-8.
La sclérose en plaques (SEP) est une pathologie neurologique qui touche majoritairement les femmes en âge de procréer. Ces femmes pourront souhaiter savoir dans quelle mesure l’allaitement est susceptible d’avoir un impact sur l’évolution de leur maladie, et si elles peuvent allaiter en suivant un traitement médical. Habituellement, les rechutes sont moins fréquentes pendant la grossesse, probablement en raison de la baisse d’efficacité du système immunitaire maternel, mais elles sont fréquentes après l’accouchement dès les 3 premiers mois post-partum. On estime que l’allaitement n’augmente pas le risque de rechute, mais il n’y a pas de consensus concernant une possible baisse du risque de rechute chez les femmes qui allaitent. Les études qui faisaient état d’un impact protecteur de l’allaitement constataient qu’il était plus important chez les femmes qui allaitaient exclusivement que chez celles qui allaitaient partiellement. Dans tous les cas, cet éventuel impact protecteur ne persiste pas à long terme. Certains produits utilisés dans le traitement de la SEP le sont depuis plus de 20 ans et sont prescrits en première intention. En cas de résultat insuffisant, d’autres produits peuvent être utilisés.
Interférons bêta
Les interférons bêta-1a et bêta-1b sont utilisés depuis les années 1990. Ils font partie des traitements modificateurs de la maladie. Leur taux sérique après injection est très bas et l’excrétion lactée de l’interféron bêta-1a est infime. Celle de l’interféron bêta-1b n’a pas été recherchée, mais il n’y a aucune raison qu’elle soit plus élevée. De plus, ces grosses molécules ne sont guère absorbées par voie orale et ne devraient donc pas se retrouver dans le sang du bébé allaité. Aucun effet secondaire n’a été constaté chez les enfants allaités par une mère recevant des injections d’interféron, et ils sont considérés comme utilisables pendant l’allaitement.
Glatiramère
Le glatiramère (Copaxone®), un modificateur de la maladie lui aussi, est un composé polypeptidique synthétique. Après injection sous-cutanée, il est rapidement métabolisé en acides aminés et en petit peptides, et le glatiramère n’est donc pas retrouvé intact dans le sang, les urines ou les selles. Il n’existe pas de données sur son excrétion lactée, mais au vu de ses caractéristiques, ce qui pourrait passer dans le lait serait détruit dans l’estomac du nourrisson. Aucun effet secondaire n’a été rapporté chez des nourrissons suite à son utilisation chez une mère allaitante, et il est considéré comme utilisable pendant l’allaitement.
Immunoglobulines
Le lait humain contient des immunoglobulines. Des données provenant d’une étude sur 2 mères constataient que, suite à une transfusion d’immunoglobulines humaines, le taux lacté d’IgG était normal ou un peu plus élevé que la normale, tandis que le taux lacté d’IgM était normal ou un peu plus bas que la normale. Globalement, l’administration d’immunoglobulines est le premier choix pendant l’allaitement en raison de son efficacité et de l’absence d’effets secondaires chez la mère et son bébé allaité, mais la dose optimale à administrer reste à déterminer.
Méthylprednisolone
L’administration de méthylprednisolone (Solumédrol®) à doses massives en IV (habituellement 1 g par jour) est le traitement de base des poussées. Chez certaines femmes, ce type d’administration sera répété tous les mois. L’excrétion lactée de la méthylprednisolone est très faible même avec les doses massives administrées, et aucune accumulation dans le lait maternel n’a été constatée. Si cela aide à rassurer la mère, suspendre l’allaitement pendant 2 heures après l’injection diminue fortement la dose reçue par l’enfant via le lait maternel, cette réduction étant encore plus importante avec une suspension de 4 heures. Aucun effet secondaire n’a été rapporté par des mères qui avaient poursuivi l’allaitement après administration de doses massives de méthylprednisolone (en fait, aucun effet secondaire n’a jamais été rapporté chez l’enfant suite à l’utilisation de corticoïdes par une mère allaitante, quelle que soit leur voie d’administration, y compris lorsque la mère mettait son bébé au sein pendant la perfusion d’une dose massive).
Anticorps monoclonaux
Divers anticorps monoclonaux sont actuellement utilisés dans la SEP en tant que modificateurs de la maladie : alemtuzumab (Lemtrada®), daclizumab, natalizumab (Tyzabri®), ocrélizumab (Ocrevus®) et rituximab (Mabthéra®, Rixathon®, Truxima®). Ce sont de grosses molécules, et une excrétion lactée significative est hautement improbable. De plus, ce qui pourrait passer dans le lait sera détruit dans le tractus digestif du nourrisson. Leur excrétion lactée a été recherchée uniquement pour le natalizumab et le rituximab.
Le natalizumab est le plus utilisé. C’est un inhibiteur de la sous-unité alpha4 des intégrines humaines, qui abaisse la migration des lymphocytes et des monocytes dans le système nerveux central. Il est administré en IV toutes les 4 semaines. Son excrétion lactée était basse chez la plupart des femmes. Le pic lacté pouvait survenir jusqu’à 6 mois suite à des injections mensuelles. Les enfants allaités par 8 femmes traitées par natalizumab ont été suivis ; leur croissance et la prévalence des pathologies infectieuses étaient normales. Si certains estiment qu’il ne devrait pas être utilisé pendant l’allaitement, d’autres pensent que son utilisation est possible. À noter que le natalizumab est également utilisé pour le traitement des pathologies inflammatoires intestinales chroniques, et considéré comme utilisable pendant l’allaitement par les spécialistes de ces pathologies.
Le rituximab cible le CD20, un antigène trans-membranaire situé sur la surface des cellules B, ce qui induit leur lyse. Si aucun effet secondaire n’a été rapporté chez des enfants allaités par une mère traitée par rituximab, il existe très peu de données à son sujet et les spécialistes considèrent qu’il est préférable de l’éviter.
Diméthyl fumarate
Le diméthyl fumarate (Tecfidéra®) est une petite molécule. Ce produit est administré 2 fois par jour, et il est métabolisé en monométhyl fumarate, qui est la molécule active. On pense qu’il agit en limitant le stress oxydatif, mais son mode d’action reste mal connu. Il n’existe aucune donnée sur son utilisation pendant l’allaitement, mais au vu de ses caractéristiques, on peut supposer que son taux lacté sera proche du taux sérique maternel. Ce produit a une demi-vie d’environ 1 heure. Suspendre l’allaitement pendant 4-5 heures après une prise devrait éliminer presque totalement l’exposition de l’enfant allaité au produit. L’enfant allaité sera suivi sur le plan de la prise de poids et du développement général.
Modulateurs des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate
Ces produits bloquent les lymphocytes dans les ganglions lymphatiques, ce qui abaisse leur nombre dans le sang circulant, et on estime que cela bloque également leur migration vers le système nerveux central. Le fingolimod (Gilenya® est le plus souvent utilisé. Le siponimod est un analogue beaucoup plus récent. Il n’existe aucune donnée sur l’excrétion lactée de ces molécules. Toutefois, ces 2 produits sont liés à > 99 % aux protéines plasmatiques, ce qui est généralement corrélé à une très faible excrétion lactée. Cependant, leur biodisponibilité orale est élevée et leur demi-vie est longue. Si le fabricant ne les déconseille pas chez la mère allaitante, les spécialistes le font. Ils peuvent éventuellement être utilisés avec de grandes précautions jusqu’à plus ample informé.
Tériflunomide
Le tériflunomide (Aubagio®) est un immunomodulateur qui inhibe de façon sélective et réversible une enzyme mitochondriale nécessaire à la synthèse de la pyrimidine. Ce produit inhibe donc la prolifération des cellules qui ont besoin de cette synthèse. Son mécanisme d’action dans le traitement de la SEP reste toutefois mal connu. Même s’il n’est pas contre-indiqué, il est préférable de l’éviter chez la mère allaitante en raison de sa très longue demi-vie (environ 19 jours), en particulier si l’enfant est un nouveau-né ou un prématuré.
Produits utilisés en chimiothérapie
Deux produits classiquement utilisés en chimiothérapie anticancéreuse peuvent aussi être utilisés dans le traitement de la SEP en cas de forme très active. Leur toxicité contre-indique habituellement l’allaitement, mais leur administration en cas de SEP se fait en cycles plus espacés, ce qui permet l’allaitement de façon intermittente.
La cladribine (Mavenclad® est une prodrogue. C’est un analogue nucléosidique toxique pour toutes les cellules (actives et au repos). Dans cette indication, elle est administrée par voie orale, en 2 cycles de 4-5 jours séparés de 23 à 27 jours. Si une nouvelle administration est conseillée, un intervalle d’au moins 43 semaines entre 2 traitements est nécessaire. Il n’existe aucune étude sur son excrétion lactée. Certains recommandent une suspension de l’allaitement de 48 heures après la dernière dose, tandis que d’autres recommandent une suspension de 10 jours.
La mitoxantrone (Elsep®) est un cytostatique administré en IV, une injection tous les 3 mois. La durée de suspension de l’allaitement après injection reste débattue. Chez une femme, la mitoxantrone était toujours détectable dans le lait maternel 28 jours après administration d’une dose de 6 mg/m². Elle a pourtant repris l’allaitement 3 semaines après la troisième injection alors que la mitoxantrone était toujours détectable dans son lait. L’enfant ne présentait aucun problème apparent à 16 mois.
Adjuvants thérapeutiques
Le baclofène (Liorésal®) est un myorelaxant d’action centrale. C’est un dérivé de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central. Il stimule les récepteurs pour le GABA, ce qui freine la transmission du stimulus et induit une baisse du tonus musculaire et de la spasticité. Il est faiblement excrété dans le lait humain et aucun effet secondaire n’est attendu chez l’enfant allaité. L’administration intrathécale ou topique induira une excrétion lactée encore plus basse. Deux cas d’enfants allaités par des mères prenant du baclofène ont été rapportés, les mères ayant déjà pris ce produit pendant la grossesse. Les nouveau-nés ont présenté un syndrome de sevrage néonatal ayant nécessité un traitement.
La fampridine (Fampyra®) est un inhibiteur des canaux potassiques, ce qui améliore la formation du potentiel d’action dans les axones démyélinisés. Il n’existe aucune donnée sur son excrétion lactée. En raison de sa toxicité potentielle, son utilisation pendant l’allaitement est déconseillée jusqu’à plus ample informé.
La tizanidine (Sirdalud®) est un myorelaxant qui agit essentiellement au niveau de la moelle épinière. Il n’existe aucune donnée sur son excrétion lactée. S’il est utilisé chez une mère allaitante, le bébé sera régulièrement suivi, en particulier à la recherche d’une sédation.
En conclusion
Les médicaments utilisés depuis longtemps (interférons, glatiramère, méthylprednisolone, immunoglobulines) semblent compatibles avec l’allaitement. Les anticorps monoclonaux semblent utilisables, mais les données les concernant restent limitées. Tous ces produits sont administrés par voie parentérale. Concernant les produits pris par voie orale, il n’existe pas de données sur leur utilisation par une mère allaitante. La cladribine et la mitoxantrone peuvent être utilisées moyennant une suspension de l’allaitement plus ou moins longue. Parmi les produits de gestion de la spasticité, seul le baclofène est considéré comme compatible.
Il est recommandé d’encourager l’allaitement exclusif chez les mères souffrant de SEP dans la mesure où cela semble retarder la survenue de rechutes. En pareil cas, des injections mensuelles d’immunoglobulines ou de méthylprednisolone pourront empêcher une rechute pendant plusieurs mois.
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Excrétion lactée du cyclophosphamide.
Publié dans le n° 158 des Dossiers de l'allaitement, mai 2020
D'après : Cyclophosphamide use in multiple sclerosis : levels detected in human milk. Fierro ME et al. Breastfeed Med 2019 ; 14(2) : 128-130.
La sclérose en plaques (SEP) est une pathologie auto-immune qui touche la myéline du système nerveux central. Elle se caractérise le plus souvent par la survenue de poussées, avec apparition rapide de symptômes neurologiques variés (moteurs, sensitifs et cognitifs), suivies de rémissions plus ou moins longues et importantes. Elle est environ trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, et elle est la pathologie neurologique la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer. L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques semble une stratégie prometteuse chez les patients jeunes qui présentent une SEP agressive. En pareil cas, la personne suivra avant la greffe un traitement immunosuppresseur par cyclophosphamide (en combinaison avec des globulines anti-lymphocytaires, du busulfan ou des stéroïdes). Le cyclophosphamide est une prodrogue, et il nécessite une transformation au niveau du foie pour devenir actif. Il inhibe la réplication de l’ADN et induit une apoptose cellulaire. Pour son élimination, il est décomposé en plusieurs métabolites actifs et inactifs. En cas de prises répétées, on constate une auto-induction du métabolisme hépatique, avec baisse du taux maximal et de l’aire sous la courbe. Les auteurs ont recherché son excrétion chez une mère allaitante.
Cette femme de 33 ans a présenté une première poussée en 2011, avec atteinte visuelle. Le diagnostic de SEP a été posé 12 mois plus tard. Elle présentait une fatigue extrême, un engourdissement au niveau des extrémités et du visage, des douleurs dans les jambes, des troubles de l’équilibre et une intolérance à la chaleur. Une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques a été planifiée. Elle avait allaité exclusivement son enfant pendant 6 mois, et elle avait fait des stocks de lait maternel en prévision de la chimiothérapie prévue avant l’autogreffe. Elle a reçu quotidiennement en IV 2,8 g de cyclophosphamide pendant 4 jours, ainsi que des globulines anti-lymphocytaires, de la méthylprednisolone et du furosémide. Pendant le traitement, elle a tiré et jeté son lait, et des échantillons ont été prélevés à divers moments après chaque injection quotidienne. Le taux de cyclophosphamide y a été recherché par chromatographie en phase liquide ultra performance couplée à la spectrométrie de masse. Le pic lacté était constaté environ 4 heures après l’injection. Il était respectivement de 40,8, 25,4, 11,9 et 13,2 mg/l les 1er, 2e, 3e et 4e jours de traitement. L’aire sous la courbe passait de 364,1 à 74,4 µg/heure/ml entre le 1er et le 4e jour. L’enfant allaité aurait reçu respectivement 2,3, 1, 0,5 et 0,5 mg/kg/jour de cyclophosphamide via le lait maternel, soit 4,8, 2,2, 1 et 0,9 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. L’excrétion lactée de ce produit est donc globalement faible, mais sa toxicité élevée amène à contre-indiquer l’allaitement pendant le traitement maternel.
Cette étude est la première à quantifier le taux lacté de cyclophosphamide chez une mère allaitante, en particulier pendant un traitement de 4 jours, même si des études avaient constaté qu’il était excrété dans le lait humain. Elle montre que le taux lacté baisse pendant le traitement, comme le fait le taux plasmatique. La survenue d’effets secondaires chez des enfants allaités par une mère traitée par cyclophosphamide a été rapportée : survenue d’une neutropénie chez un enfant de 4 mois dont la mère en a pris 800 mg/semaine pendant 6 semaines, leucopénie et thrombopénie majeures chez un nourrisson de 23 jours allaité par une mère qui en a reçu 6 mg/kg en IV pendant 3 jours, soit des posologies nettement plus basses que celles administrées à la mère dont le cas est présenté dans cette étude. D’autres études sont nécessaires pour mieux connaître les caractéristiques de l’excrétion lactée du cyclophosphamide, prenant en compte celle de ses métabolites.
Excrétion lactée du rituximab.
Publié dans le n° 158 des Dossiers de l'allaitement, mai 2020
D'après : Minimal breast milk transfer of rituximab, a monoclonal antibody used in neurological conditions, Krysko KM et al., Neurol Neuroimmunol Neuroinflamm 2020 ; 7(1) : e637.
L’excrétion lactée du rituximab a fait l’objet d’une étude menée auprès d’une seule femme. Elle rapportait une faible excrétion lactée, mais la recherche de son taux lacté a été effectuée 7 à 10 jours après administration, alors qu’il pouvait avoir baissé depuis l’injection. Cette étude a suivi son excrétion lactée chez des femmes traitées par rituximab pour une sclérose en plaques (SEP).
Toutes ces femmes étaient suivies par le service spécialisé d’un CHU de San Francisco (États-Unis). Elles allaitaient ou venaient juste de sevrer et étaient d’accord pour fournir les échantillons nécessaires. Elles ont fourni des données démographiques et socioéconomiques, et les données médicales nécessaires ont été extraites de leurs dossiers. Pour tester la méthode d’analyse, 4 mères ont fourni au total 5 échantillons de lait, collectés dans les 2 semaines qui ont suivi l’administration en IV de 500 ou 1000 mg de rituximab. Des mères ont ensuite fourni des séries d’échantillons de lait collectés juste avant l’injection, puis 8, 24 et 48 heures, 7, 18-21 et 30 jours après l’injection. Chez 2 femmes, des échantillons ont été collectés jusqu’à 90 ours après l’injection. Après expression de l’échantillon, la mère le plaçait au réfrigérateur, et il était soit transporté au laboratoire dans l’heure, soit immédiatement expédié au laboratoire sur glace. Dès réception, les échantillons étaient congelés à –80°C jusqu’à analyse. Le taux de rituximab a été recherché à l’aide d’un test ELISA, par rapport à des courbes standard établies à partir d’échantillons de lait humain auquel on a ajouté du rituximab à des dilutions croissantes. Tous les tests ont été effectués en double exemplaire. Par ailleurs, les enfants allaités par ces femmes ont été régulièrement suivis jusqu’à 12 mois sur le plan de leur croissance, de leur développement neurologique et de leur santé.
Au total, 9 femmes ont participé à cette étude. Elles avaient 33,7 ± 3,2 ans, souffraient de SEP depuis quelques mois à 11 ans, 4 mères étaient déjà traitées par rituximab avant leur grossesse. Au moment de l’étude, elles allaitaient depuis 0,5 à 11 mois. L’excrétion lactée du rituximab a été suivie chez 2 femmes après une injection de 500 mg, chez 5 femmes après une injection de 1000 mg, chez 1 femme ayant reçu 2 injections de 500 mg à 2,7 semaines d’intervalle et chez 1 femme en ayant reçu 2 injections de 1000 mg à 2 semaines d’intervalle. Ces 9 femmes ont fourni au total 30 échantillons de lait, 4 femmes ayant fourni une série d’au moins 5 échantillons. Le taux lacté de rituximab était en moyenne de 0,063 mg/l (0,046 à 0,097 mg/l), le pic lacté étant constaté entre 1 et 7 jours après l’injection (en moyenne 0,074 mg/l, de 0,061 à 0,12 mg/l). Avec ces taux lactés, l’enfant allaité recevait en moyenne 0,0094 mg/kg/jour de rituximab, soit 0,08 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. Le taux lacté de rituximab était similaire chez toutes les mères, sauf chez l’une d’entre elles, qui allaitait un bébé de 9 mois et qui avait fourni un seul échantillon de lait 11 jours après administration de 1000 mg de rituximab ; son taux lacté était de 0,29 mg/l, l’enfant allaité était exposé à 0,33 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. 90 jours après l’injection, le taux de rituximab était quasiment indétectable. Ce taux lacté était similaire chez les mères qui étaient déjà traitées avant la grossesse et chez celles qui ont commencé à l’être pendant l’allaitement.
Parmi ces 9 femmes, 5 ont poursuivi l’allaitement en étant traitées (dont 3 mères qui étaient déjà traitées avant la grossesse), les 4 autres ayant décidé de sevrer avant la 1ère injection. 4 des 5 enfants ont pu être régulièrement suivis. Ces enfants ont présenté quelques troubles infectieux mineurs (plus fréquents chez l’enfant le plus jeune – 0,5 mois au moment de l’injection suivie par cette étude – la mère recevant des injections de 1000 mg), toutes ces infections étant par ailleurs couramment rencontrées chez les bébés. Tous ces enfants ont eu une croissance et un développement parfaitement normaux.
Cette étude présente des limitations. Elle incluait relativement peu de mères, qui n’ont pas toutes fourni tous les échantillons prévus au départ, et aucun échantillon de sang n’a été collecté chez les enfants. Elle confirme cependant la très faible excrétion lactée du rituximab, l’enfant étant exposé à un pourcentage négligeable de la dose maternelle ajustée pour le poids, même s’il existait de légères variations individuelles dans ce pourcentage. De plus, la biodisponibilité orale des anticorps monoclonaux est plus ou moins nulle, et le produit sera très probablement détruit dans le tractus digestif de l’enfant. Cela vient également confirmer les résultats d’études menées sur d’autres anticorps monoclonaux, qui ont toutes fait état d’une très faible excrétion lactée. Des études ayant suivi des femmes traitées avec ces produits pendant la grossesse n’ont pas non plus constaté d’impact négatif sur le fœtus. Si d’autres études sur l’excrétion lactée de ce produit restent nécessaires, incluant si possible un suivi clinique et biologique à long terme de l’enfant ainsi qu’une évaluation de l’impact éventuel du traitement sur la composition du lait maternel (taux d’immunoglobulines en particulier), un traitement par rituximab est tout à fait possible pendant l’allaitement.
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