Vous aimeriez allaiter votre bébé adopté ? Formidable ! Non seulement c’est possible, mais vous avez de bonnes chances de produire une certaine quantité de lait. Cependant, ce n'est pas comme allaiter un bébé que vous auriez porté neuf mois.
Avec une certaine détermination et de la persévérance, vous apprécierez le lien merveilleux que l'allaitement maternel apporte et votre bébé et vous bénéficierez de cette expérience.
L'allaitement et le lait maternel
L'allaitement d'un bébé adopté dépend de deux facteurs. Le premier est d'apprendre au bébé à prendre le sein. Le second est de produire du lait. Il importe d'avoir des attentes réalistes, car seule une minorité de femmes sera capable de produire tout le lait dont le bébé aura besoin. Cependant, l'allaitement, c'est plus que du lait maternel, et nombre de mères se satisfont d'allaiter, sans s'attendre à produire tout le lait dont le bébé aura besoin. C'est la relation toute spéciale, la proximité particulière et l'attachement émotionnel fourni par l'allaitement que recherchent bien des mères. Comme disait une mère adoptive : « Je veux allaiter. Si en plus le bébé reçoit du lait maternel, fantastique ! »
Apprendre au bébé à prendre le sein
Même si beaucoup de gens croient que l'introduction précoce des biberons n’interfère pas avec l'allaitement, l'introduction d'une tétine artificielle peut vraiment nuire. Plus le bébé est mis au sein tôt après la naissance, meilleurs seront les résultats. Plus vous pouvez éviter que le bébé reçoive des biberons avant de débuter les mises au sein, mieux c'est. Mais il faut que du lait coule pour que le bébé reste au sein et continue de téter, surtout s'il s'est habitué au débit d'un biberon ou à une autre méthode d'alimentation (gobelet, alimentation au doigt).
Que faire alors ?
- Parlez avec le personnel de l'hôpital où doit naître le bébé et précisez bien à l'infirmière-chef ou à la consultante en lactation que vous voulez allaiter le bébé. On devrait se montrer disposé à nourrir selon votre souhait le bébé au gobelet ou au doigt, si vous ne pouvez pas le mettre au sein immédiatement après sa naissance. D'ailleurs, de plus en plus souvent, on prend les mesures nécessaires pour que la mère adoptive soit présente à l'accouchement et puisse allaiter le bébé immédiatement. Plus vous commencez tôt, mieux c'est.
- Garder le bébé en peau à peau – vous, nue à partir de la taille, et votre bébé, nu à l'exception de la couche – est très important à ce moment. Cela aide à établir le nécessaire échange d'informations sensorielles entre vous et votre bébé et aide celui-ci à stabiliser plusieurs processus physiologiques et métaboliques : maintien de la glycémie, rythme cardiaque, rythme respiratoire, tension artérielle et saturation en oxygène. En même temps, un contact étroit entre vous et le bébé, fait que ce dernier, relativement exempt de germes (le bébé commence à être colonisé lorsqu'il passe par le vagin), est colonisé par les mêmes germes que vous. De plus, cela aide le bébé à s'adapter à ce nouvel habitat tout en l'encourageant à prendre le sein et en vous aidant à produire du lait.
- Certaines mères biologiques acceptent d'allaiter le bébé pendant les premiers jours. Des travailleurs sociaux, entre autres, craignent toutefois que cela incite la mère biologique à changer d'idée. C'est possible, et vous pourriez ne pas vouloir prendre ce risque. Cependant, c’est faisable, et l'avantage est que le bébé peut être allaité et peut boire du colostrum, en plus de ne pas recevoir dès le départ une alimentation artificielle.
- Une bonne prise du sein est encore plus importante lorsque la mère n'a pas une sécrétion lactée abondante. Une bonne prise signifie des tétées sans douleur. Elle signifie aussi que le bébé recevra davantage de votre lait, que la sécrétion lactée soit ou non abondante. (Voir le feuillet Effectuer la mise au sein).
- S'il faut donner un supplément au bébé, cela devrait être fait avec un DAL (dispositif d'aide à la lactation), pendant que le bébé est au sein (voir le feuillet Utilisation d'un dispositif d'aide à la lactation). C'est à force de prendre le sein que les bébés apprennent à téter, pas en étant nourris au gobelet, au doigt ou au biberon. Bien entendu, le supplément donné peut être votre propre lait, extrait préalablement. Si vous pouvez en trouver, le lait d’une banque de lait maternel est ce qu’il y a de mieux après votre propre lait. Avec le DAL, le bébé est allaité même lorsqu’il reçoit un supplément, et n’est-ce pas là ce que vous désiriez pour votre bébé ?
- Si vous avez du mal à faire prendre le sein à votre bébé, allez dans une consultation d’allaitement aussitôt que possible pour obtenir de l’aide. En fait, il serait utile que vous soyez vue avant la naissance du bébé, et vous devriez être suivie par une consultante en lactation ou quelqu'un d'expérimenté dans l'aide aux mères allaitantes.
Produire du lait maternel
Dès que l'arrivée du bébé est en vue, mettez-vous en contact avec une consultation d’allaitement et préparez-vous à produire du lait. Il faut bien comprendre que vous ne produirez peut-être jamais suffisamment de lait pour nourrir le bébé de façon exclusive, quoique ce soit possible. Il ne faut pas se décourager à la vue des quantités extraites avant la naissance du bébé ; un tire-lait n'est jamais aussi efficace qu'un bébé qui tète bien et qui est bien mis au sein. L'expression du lait avant la naissance du bébé a pour principal objectif de préparer les seins à sécréter du lait, non de constituer des réserves de lait, même si c'est une bonne idée de le faire si vous pouvez.
Utiliser les médicaments décrits ci-dessous en A. et B. aide vos seins à se préparer à produire du lait. L'idée est de faire croire à votre corps que vous êtes enceinte. Les médicaments ne sont pas une condition absolue pour produire du lait, mais ils vous aident à en produire plus.
- A. Hormones œstrogènes et progestérone. Si vous savez suffisamment à l'avance quand arrivera le bébé, disons au moins 3 ou 4 mois, un traitement avec une combinaison d'œstrogènes et de progestérone peut aider vos seins à se préparer à produire du lait. Une pilule contraceptive est un moyen de prendre ces hormones, en sautant les placebos (pilules de sucre pour une semaine sur quatre) et aller droit au prochain paquet ; une autre façon est d'utiliser des patchs d'oestrogènes sur le sein plus la progestérone orale. Nous recommandons d'arrêter la pilule contraceptive environ 6 à 8 semaines avant la naissance du bébé. Renseignez-vous sur ce protocole auprès de votre consultation d’allaitement.
- B. Domperidone. (voir les feuillets Dompéridone 1 et 2). Nous recommandons une dose initiale de 30 mg trois fois par jour, mais nous sommes allés jusqu'à 40 mg 4 fois par jour. La dompéridone est poursuivie lorsque les hormones sont arrêtées. Habituellement, il est nécessaire de continuer pendant plusieurs mois après que vous commencez à allaiter. Ndlr : la dompéridone a un effet galactogène rapporté mais n'a pas d'AMM en France pour cette indication. L’utilisation de dompéridone comme galactogène a fait l’objet d’importantes controverses en raison d’un risque d’arythmie ventriculaire et de décès suite à une défaillance cardiaque plus élevée de 4/1 000 chez des adultes traités, mais la pertinence de cette augmentation du risque chez les mères allaitantes est douteuse. De nombreuses études ont fourni des résultats rassurants, y compris avec des posologies allant jusqu’à 80 mg/jour, aucune augmentation de l’intervalle QT n’étant rapportée (Biewenga ; Grzeskowiak). Une importante étude canadienne incluant 45 163 femmes traitées par dompéridone dans les 6 premiers mois post-partum a constaté que les seuls problèmes cardiaques rapportés étaient survenus chez des femmes qui avaient des antécédents de troubles cardiaques (Smolina). On devrait donc éviter de prescrire de la dompéridone à ces dernières, ainsi qu’aux femmes qui prennent des médicaments dont on sait qu’ils interfèrent avec la dompéridone et/ou augmentent l’intervalle QT (fluconazole par exemple). Des protocoles de traitement ont été publiés afin d’informer les professionnels de santé sur sa prescription dans des conditions optimales (Haase).
- C. Expression du lait. Si possible, louez un tire-lait électrique double pompage, d'abord parce qu'il faut évidemment deux fois moins de temps pour tirer du lait des deux seins à la fois, mais aussi parce que la production de lait sera accrue. Commencez à exprimer du lait lorsque vous arrêtez la pilule contraceptive. Faites de votre mieux. Si deux fois par jour est ce qu'il vous est possible de faire au début, faites-le deux fois par jour. Si vous le pouvez une fois par jour pendant la semaine, et six fois pendant la fin de semaine, tant mieux. Le conjoint peut aussi aider en stimulant les mamelons.(voir le feuillet L’expression du lait).
Est-ce que je produirai tout le lait dont mon bébé aura besoin ?
Peut-être, peut-être pas. Si non, allaitez tout de même votre bébé, et permettez-vous, à tous les deux, de jouir de cette relation si spéciale. Un peu de lait, c'est mieux que pas de lait du tout.
Très important: Si vous décidez de prendre les médicaments (les hormones et/ou la dompéridone), votre médecin traitant doit être conscient de ce que vous prenez et pour quelles raisons. Il est très important d'avoir un examen clinique, de vérifier votre tension artérielle avant de commencer les protocoles, et éventuellement de réaliser un frottis vaginal si vous n'en avez pas eu depuis un moment. Les effets secondaires significatifs sont rares, mais cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas se produire. Votre médecin doit vous suivre, et une fois que le bébé est avec vous, le médecin de votre bébé doit savoir que vous l'allaitez et qu'il doit suivre le développement du bébé comme il le ferait pour tout autre bébé.
Visitez aussi le site www.asklenore.com (en anglais seulement) pour de plus amples renseignements et protocoles pour l’allaitement d’un bébé adopté.
Les informations présentées ici sont générales et ne se substituent pas à un traitement personnalisé par un consultant certifié international en lactation (IBCLC) ou d'autres professionnels de santé qualifiés.
Traduction du feuillet, « Breastfeeding your adopted or surrogate born baby»
Révisé en juin 2017.
Dr Jack Newman, MD, FRCPC © 2005
Version française, mai 2005 par Stéphanie Dupras, IBCLC, RLC. Révisé novembre 2017 par Vanessa Lasne, animatrice LLL.
Texte d’origine: : http://ibconline.ca/information-sheets/breastfeeding-your-adopted-or-surrogate-born-baby/
Peut être copié et diffusé sans autre autorisation, à condition qu’il ne soit utilisé dans aucun contexte où le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS est violé.
Bravo pour l'ensemble de vos publications ! Quelle mine d'informations ! Je ne suis pas concernée par l'article ci-dessus mais l'ai lu par hasard et l'ai trouvé passionnant.
visitez ma page aussi pour des conseils sur l'allaitement maternel
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