V. B. (allaiter un bébé souffrant de RGO)

J'accouche dans une clinique, premier bébé, allaitement fragile, aucun soutien, aucune aide de la part du personnel soignant. Je me suis sentie très seule et isolée pendant mon séjour à la maternité. Devant un bébé qui tétait beaucoup (je ne savais pas pour la montée de lait, la stimulation de bébé), on m'a culpabilisée dès le départ en disant que ma fille était un "gros bébé" (4 kg 100 à la naissance). On m'a dit qu'elle devait avoir trop faim, que je n'avais pas assez de lait, que je n'avais pas eu ma montée de lait. J'ai demandé alors comment on savait que la montée de lait était là. Réponse : "Les seins sont douloureux, tendus, et on a l'impression d'avoir la poitrine de Pamela Anderson."
Sauf que moi, je n'ai jamais rien eu de tout cela. Jamais de douleurs, jamais de tension, je n'ai absolument pas senti ma montée de lait. La quatrième nuit à la maternité, alors que je n'avais pas dormi depuis la naissance de ma fille, je me suis vue donner des biberons de lait artificiel. On m'a dit : "Votre fille a faim, c'est en attendant votre montée de lait."
Alors j'ai donné 1 biberon, puis 2, puis 3 biberons de lait artificiel. Et c'est là que l'horreur a commencé. Ma fille s'est mise à souffrir énormément : des coliques, des remontées acides. Elle tétait toutes les heures, maximum toutes les 2 h. Quand une tétée finissait, c'était l'heure de la suivante. Au sein 24h/24, j'étais à bout, épuisée, je n'arrivais pas à récupérer.
Ma fille hurlait toute la journée, pendant des heures, dormait à peine 15 minutes à mon sein, pas plus de 2 h la nuit. Mon mari m'aidait à rester éveillée pendant la tétée, car ma fille refusait la position allongée (on a compris après, quand son reflux a été diagnostiqué). Elle hurlait en voiture, dans son parc, dans son transat, il fallait la garder droite dans les bras, l'endormir droite, et une fois endormie, la poser DOU-CE-MENT dans un lit incliné à 45°.
Elle tétait É-NOR-MÉ-MENT, car elle souffrait, j'avais le bout des seins rouges. Le pédiatre m'a recommandé d'espacer les tétées toutes les 2 heures. Mais c'était impossible, elle hurlait trop ! Il n'y avait que le sein qui la calmait. Elle tétait pour se soulager de ses remontées acides. Et bien sûr, TOUT l'entourage, ainsi que le pédiatre, me disait : "Arrête l'allaitement, ta fille est affamée, ton lait n'est pas nourrissant, pourquoi tu t'acharnes ? Ça arrive à beaucoup de femmes."
Mais je me suis battue, je me suis rapprochée de LLL, j'ai commencé à lire, beaucoup, toute la documentation sur l'allaitement que je trouvais. Des livres comme L'Art de l'Allaitement maternel, ou La Voie lactée. Et j'ai lutté. Lutté contre une famille oppressante, un médecin incompétent et une sage-femme dépassée par les pleurs de ma fille. Mon pédiatre m'avait prescrit un anti-acide, du Gaviscon, du Polysilane, j'ai gavé ma fille de médicaments (moi l'infirmière qui voulait tout SAUF cela), sans aucun résultat. Reflux toujours présent, pleurs, aucune sieste, étouffement la nuit, tétées toutes les heures... Un calvaire.
Et un jour, à la veille de ma reprise du boulot, au bord de la dépression et avec l'idée de mamans allaitantes, j'ai fini par opter pour un régime "sans protéines de lait de vache", très STRICT. J'ai fait la chasse aux étiquettes, même s'il n'y avait que des traces de lait dans un produit, je le bannissais.
Et au bout de 11 jours, MIRACLE, ma fille a arrêté de souffrir, a commencé à dormir 4-5-6-7 h d'affilée, a fait des siestes de 30-45 min, et surtout elle a arrêté de pleurer toute la journée et de s'étouffer la nuit.
À 4 mois, enfin, elle était un bébé souriant, qui pouvait rester dans son lit, à plat, et je pouvais profiter d'elle. Avec mon mari, on revivait. Et j'ai cloué le bec à TOUS les proches, à mon pédiatre. OUI, c'est MOI, c'est en me faisant confiance et en arrêtant de chercher le problème dans l'allaitement que j'ai pu écouter ma fille et comprendre que c'était bien autre chose qui la mettait dans ces états.
Elle a maintenant 7 mois et 1 semaine, elle dort de 22 h à 8 h le matin, elle fait des siestes, elle grossit bien, grandit bien, et est très éveillée. Je tire mon lait depuis 3 mois au boulot, elle est allaitée exclusivement, on commence la diversification et je donne même mon lait au lactarium. Je continue le régime sans protéines de lait de vache que j'ai commencé il y a 4 mois maintenant. Je suis fière de moi et j'espère donner du courage aux mamans qui non seulement allaitent, mais en plus allaitent un bébé RGO. Dites-vous que c'est le meilleur lait, le seul qui peut lui convenir. Il se digère vite, il est cicatrisant, il soulage beaucoup nos bébés, c'est pour cela qu'ils sont pendus aux seins, et non pas parce qu'ils ont faim.
Ma fille a fait tous ses "pics de croissance", 3 semaines, 6 semaines, 9 semaines, 3 mois, et 6 mois, c'était d'autant plus dur qu'elle ne voulait pas lâcher le sein sur une période de 6 jours. J'ai malheureusement encore derrière moi le souvenir douloureux de ces 4 mois pénibles, atroces, remplis de souffrance, où je perdais pied, où voir mon enfant souffrir me faisait devenir folle, où le soutien était faible pour l'allaitement. Le meilleur reste à venir, mais je dois encore panser ces souvenirs.
Si j'ai bien retenu une chose, c'est se faire confiance : on est maman avant tout, et ce lien, qu'on a créé dans le ventre avec notre enfant, ne remplacera jamais les conseils (parfois erronés) de professionnels qui ne connaissent pas notre enfant et ne connaissent rien à l'allaitement. Et je suis bien placée pour le dire. Il faut s'entourer des bonnes personnes et surtout de personnes formées à l'allaitement. Il ne faut pas hésiter à demander de l'aide, car sans cela, je n'en serais pas là où j'en suis actuellement. Merci à LLL de m'avoir comprise et soutenue.