Allaitement : à la demande ? aux signes d'éveil ?

FEUILLET DE LA LECHE LEAGUE FRANCE

Mis à jour en novembre 2024.

Des mères disent parfois :
"J’allaite à la demande, mais en respectant un intervalle de deux heures entre les tétées pour que mon bébé ait le temps de digérer."
"Mon bébé a deux semaines et je l’allaite à la demande : chaque fois qu’il pleure, je lui propose le sein. Il est facile à vivre, il dort beaucoup, mais à la dernière pesée, on m’a dit qu’il ne prenait pas assez de poids."
"On m’a dit de ne pas allaiter mon bébé plus de dix minutes de chaque côté afin d’éviter les crevasses, mais mon bébé pleure encore."
"Mon bébé tète très très souvent, mais continue de pleurer après les tétées."

Chaque jour, les animatrices de La Leche League reçoivent des appels de nouvelles mères, inquiètes de savoir si leur lait est suffisant en quantité ou en qualité, car leur bébé réclame "trop souvent" ou veut téter "trop longtemps" par rapport aux normes transmises par leur entourage ou les professionnels.

Chaque espèce de mammifère produit du lait parfaitement adapté à son petit. Le lait maternel humain est la nourriture prévue par la nature pour nos bébés. Il se digère très vite en raison de sa composition (parfois en seulement une demi-heure !). Les tétées fréquentes favorisent, entre la mère et son bébé, les contacts étroits dont les bébés humains ont tellement besoin. Des études sur la physiologie de la lactation ont en outre montré que la capacité de stockage du lait dans les seins varie d’une femme à l’autre. En outre, la vitesse de fabrication du lait varie continuellement en fonction du degré de remplissage du sein, et est donc différente entre les deux seins. La composition du lait évolue au cours de la tétée, mais aussi au cours de la journée et au fur et à mesure que le bébé grandit. Ces facteurs expliquent la grande diversité dans les rythmes alimentaires des bébés, et le fait que toutes les règles indiquant "combien de tétées par jour, de quelle durée, avec quel intervalle…" sont au mieux inutiles, au pire source de problèmes.

Allaiter "à la demande" : regarder son bébé plutôt que sa montre !

Il est généralement admis que seul l’allaitement à la demande permet au nourrisson de réguler ses besoins nutritionnels. En effet, la mère dont le bébé est allaité à la demande produira suffisamment de lait pour son bébé… mais à condition que la demande soit suffisante et bien perçue, que la succion du bébé soit efficace et que la tétée soit complète.
Beaucoup de bébés ont le réflexe de réclamer activement à téter dès les premiers jours de vie : quand le sein ne leur est pas proposé aux premiers signes d’éveil, ils s’agitent et pleurent, ce qui va amener la plupart du temps la mère à les mettre alors au sein. Un bébé qui pleure a souvent déjà montré des signes antérieurs pour exprimer sa demande, et il est parfois difficile de le mettre au sein avant de l’avoir calmé. Il risque ensuite de s’endormir sur le sein, fatigué d’avoir pleuré, sans avoir tété suffisamment. C’est pourquoi il est plus adapté de proposer le sein dès que bébé montre qu’il est prêt à téter, sans attendre les pleurs.
En revanche, pour les autres bébés, qui ne réclament pas activement le sein ou pas suffisamment souvent, leur mère devrait être vigilante pendant un certain temps afin d’offrir à ces bébés un apport alimentaire optimal. C’est le cas par exemple des bébés nés un peu avant terme, ou de petit poids, ou qui ont tendance à dormir beaucoup pour d’autres raisons : mère sous anesthésie pendant l’accouchement, y compris péridurale, bébés séparés de leur mère durant les premières heures, etc. Dans cette situation, si les signes qu’il est prêt à téter, souvent discrets, ne sont pas repérés, le bébé peut se rendormir sans avoir tété, ce qui diminue son apport de lait global. Pleurer représente une énorme dépense d’énergie pour ce bébé, il peut donc avoir tendance à économiser ses forces : bien souvent, il ne pleurera pas, et continuera à dormir. Cela induit un cercle vicieux : le bébé qui n’a pas suffisamment tété, ne dispose pas de la réserve d’énergie suffisante pour réclamer activement à téter la fois suivante, continue à dormir… et ainsi de suite.
Quant à la mère, quel que soit le comportement de son bébé, si la fréquence, la durée et l’intervalle entre les tétées sont limités ou normés par des règles arbitraires, ses seins risquent d’être insuffisamment stimulés et drainés pour assurer une bonne mise en place de l’allaitement et une production lactée suffisante ; en outre, cela peut générer une phase d’engorgement douloureuse pour la maman qui débouchera ensuite sur une baisse de la production lactée.

Qu'appelle-t-on "signes d’éveil" ? Ou comment savoir que le bébé est prêt à téter

• En phase de sommeil léger, le bébé est très proche de l’éveil : yeux qui bougent sous les paupières fermées, petits mouvements de succion, légères mimiques, mouvements des bras et des jambes… Le nouveau-né, comme le fœtus, tète et déglutit lorsqu'il est en sommeil léger : pour cette raison, il n’est pas nécessaire d’attendre que le bébé ait les yeux ouverts pour lui proposer le sein. C'est pour cela que Suzanne Colson, dans son approche du Biological Nurturing, propose de garder bébé "à la bonne adresse" (c'est-à-dire sur maman, ventre à ventre et la bouche près du mamelon), afin notamment qu'il puisse téter très fréquemment..
• En phase d’éveil calme, le bébé observe le monde autour de lui, il est éveillé mais n’a pas l’air de chercher particulièrement le sein. Le bébé, calme et attentif, est dans de bonnes conditions pour téter.
• En phase d’éveil agité, avant que le bébé ne pleure, il porte ses mains à la bouche, il tourne la tête à la recherche du sein : il montre activement qu’il cherche à téter et sa demande est facile à percevoir. Il y a parfois besoin d’un peu de patience pour l’aider à attraper le sein, mais il va y arriver.

Les signes que bébé est prêt à téter
(adapté d'un poster du Royal Brisbane and Women's Hospital, Australie)

Regarder son bébé plutôt que la montre : les avantages

Allaiter dès la naissance en observant le bébé plutôt que la montre, sans limitation ni du nombre, ni de la durée des tétées, et sans intervalle minimal entre deux prises du sein, présente plusieurs avantages, notamment :

• des tétées fréquentes assurent un bon démarrage de la lactation ;
• le risque d’engorgement est plus faible ;
• les besoins nutritifs du bébé, mais aussi ses besoins de succion et de contact, sont généralement comblés ;
• le risque de recours aux compléments et aux tétines non nutritives est plus faible ;
• le risque d’ictère du nouveau-né est plus faible, à la fois en favorisant l’élimination rapide du méconium et en évitant l’ictère lié à une insuffisance d’apports lactés ;
• indirectement, le risque de crevasses diminue : en effet, la maman multiplie alors les occasions de corriger la prise du sein, et son enfant, à qui le sein est proposé avant qu'il s’agite, est alors plus patient et coopératif pour ces réajustements ;
• les contractions utérines provoquées par chaque tétée permettent un retour plus rapide de l’utérus à sa taille habituelle.

Signaux d'alerte

Les situations suivantes sont des signaux qui devraient alerter. Si vous les observez, n’hésitez pas à prendre contact avec une personne qui pourra vous accompagner pour aider votre bébé à obtenir plus de lait :

• le bébé réclame peu souvent et dort beaucoup : en règle générale, les premières semaines, un nourrisson tète efficacement au minimum 8 à 12 fois par 24 heures, et souvent beaucoup plus ;
• le bébé mouille et souille peu ses couches : à partir de la montée de lait, vers le troisième jour, le bébé devrait mouiller abondamment d’urine 5 à 6 couches jetables (ou 6 à 8 couches lavables) par 24 heures et, après l’évacuation du méconium et jusqu’à 4 semaines de vie environ, il devrait avoir au moins 3 selles abondantes, jaunes et molles ou liquides par 24 heures ; plus le bébé reçoit de lait, plus la quantité d’urine émise sera importante ; 
• le bébé prend peu de poids : à partir de la montée de lait, 3 ou 4 jours après la naissance, et pendant les trois premiers mois de vie, un nourrisson prend régulièrement du poids et devrait avoir regagné son poids de naissance avant deux semaines de vie. L’objectif de gain de poids est à déterminer avec le professionnel de santé qui suit l’enfant, et va dépendre par exemple de son terme et poids de naissances ; il se situe en général au-delà de 25 g, voire 30 g par jour. Le chiffre de prise de poids ne suffit pas à lui seul à déterminer si l’allaitement est suffisamment efficace : un bébé peut avoir une croissance en limite acceptable, mais trouver tout de même des bénéfices à augmenter la fréquence et l’efficacité des tétées. Quand la production de lait est abondante, les tétées fréquentes et le bébé efficace au sein, la prise de poids du bébé est souvent très rapide et son poids de naissance est le plus souvent atteint avant le 10^e jour de vie ;
• le bébé réclame tout le temps ou pleure beaucoup : cela n’est pas un signe fiable que le bébé reçoit trop peu de lait, mais c’est une situation où la maman a besoin de soutien pour comprendre et répondre aux sollicitations de son bébé.

Et après les premières semaines ?

Bien sûr, l’attention portée aux signes qui montrent que le bébé est prêt à téter est surtout importante pour un nouveau-né ou en cas de prise de poids insuffisante. Au fil du temps, la maman et son bébé font connaissance, affinent leur communication et deviennent des "experts" de l’allaitement.
Au-delà des premiers mois, le besoin alimentaire n’est plus aussi urgent que chez un nourrisson. La maman connaît son bébé, ses rythmes et ses besoins, et la relation d’allaitement évolue avec l’âge de l’enfant. Avec un bambin, les tétées peuvent être "négociées" (voir Téter et grandir).  

Références

- AA n° 117, Le b.a.-ba de l'allaitement, 2018.
- AA n° 119, Augmenter sa lactation, 2019.
- Comment savoir si bébé prend assez de lait ? vidéos
- À l’écoute de bébé, court-métrage disponible sur le site.
- Petit mémo de l’allaitement, La Leche League France, 2019

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