Article de Vanessa Lasne paru dans le n° 117 d'Allaiter aujourd'hui, octobre 2018.
L'ensemble du numéro, avec les témoignages, est en accès libre ICI.
Il y a aujourd’hui pléthore de publications attestant de l’importance de l’allaitement (avec bien souvent un effet dose-dépendant). Alors allaiter, oui, mais comment ?!
Faut-il se préparer ? Y a-t-il un matériel indispensable ? Des règles à respecter ? Autant de questions qui peuvent se bousculer lorsqu’on s’apprête à accueillir un enfant.
Dans la seconde édition de leur ouvrage Breastfeeding Made Simple : Seven natural laws for nursing mothers, Nancy Mohrbacher et Kathleen Kendall-Tackett écrivent que « Les mères et les bébés ont des réactions physiologiques qui les attirent l’un vers l’autre, les encouragent à se regarder, à se toucher et à interagir. Une grande partie de ce comportement est guidée par le côté droit du cerveau. Celui qui a affaire avec l’affect ou l’émotion. Le problème avec la manière très “cerveau gauche” (1) et donneuse d’instructions dont beaucoup de mères apprennent à allaiter, c’est qu’elle ne leur permet pas de tirer profit de leurs réactions instinctives. Il y a tellement de cours, de livres, de sites... sur l’allaitement qui se concentrent sur toutes les choses que doit faire la mère pour que le bébé tète, et ignorent le rôle du bébé dans l’affaire. Ce type d’instructions peut être utile pour résoudre un problème particulier, mais il peut être un sacré inconvénient lorsqu’une technique ou une stratégie est appliquée à tout le monde. Il décourage également les mères et les bébés d’utiliser leurs connexions naturelles. Pire encore, ce type de pédagogie peut les pousser à ignorer leurs réactions naturelles, voire à aller contre leur instinct. Cela peut être perturbant pour toutes les personnes concernées, et parfois susciter une crise là où il n’y en avait pas auparavant. Un autre problème avec les approches très “cerveau gauche”, c’est qu’elles peuvent laisser à certaines mères un sentiment d’incompétence parce qu’il semble qu’il y a 10 000 choses dont elles devraient se souvenir. » (2)
Se préparer
Au cours de la grossesse, les seins vivent eux aussi des modifications : les canaux lactifères, les acini (alvéoles où est fabriqué le lait) et le réseau vasculaire se développent. On peut observer une augmentation de la taille de la poitrine, l’aréole qui devient plus foncée, et parfois un écoulement de colostrum dans les derniers temps de la grossesse.
Jour après jour, le corps se prépare à l’allaitement, rendant inutile l’utilisation de méthodes ayant pour objectif d’« endurcir » ou de « former » les mamelons.
Des mamelons plats ou ombiliqués ne rendent pas l’allaitement impossible. La plupart des mamelons vont s’allonger et devenir plus ou moins proéminents lorsqu’ils sont stimulés : caresses, lors de la douche, si la mère a froid... et lors de la tétée !
De plus, le bébé qui tète prend en bouche non seulement le mamelon mais aussi une grande part de l’aréole, ce qui lui permet – avec une bonne prise de sein – d’obtenir du lait même si le mamelon est peu ou pas saillant.
Dans une société où l’allaitement reste peu visible, nombreuses ont les mères qui ont vu très peu (voire pas du tout) d’enfants allaités. Assister à des réunions d’échanges dès la grossesse peut permettre de déconstruire les mythes, de découvrir la réalité de l’allaitement : les rythmes, le cours normal des choses, les situations qui nécessitent plus d’attention, les petits et gros tracas, et des outils pour passer le cap, le tout sans jugement. Ces rencontres sont un moyen pour les mères de s’enrichir mutuellement et aussi de se créer un réseau de soutien.
L’expression anténatale du colostrum est une possibilité pour les mères qui ne présentent pas de contre-indications (comme un utérus contractile) à sa pratique. Elle peut être réalisée chaque jour, à partir de 34-36 semaines de grossesse, de la façon suivante : avec des mains propres, la mère exprime manuellement du colostrum dans une cuillère, avant d’en aspirer le contenu dans une petite seringue stérile (d’1 à 2 ml, étiquetée, avec un bouchon de préférence) qui sera ensuite placée dans un sac de conservation au congélateur avant d’être apportée le jour J dans une glacière (3). D’après la littérature scientifique, il n’y a pas lieu de penser que, en l’absence de contre-indications, cette pratique pourrait augmenter le risque d’accouchement prématuré. Les publications disponibles suggèrent par contre qu’elle peut avoir une incidence positive sur la confiance en soi et la prévalence de l’allaitement exclusif en post-partum immédiat, car elle permet d’éviter l’utilisation, parfois nécessaire, de compléments de lait artificiel.
Les premiers jours
Pour que l’allaitement se mette en place de manière optimale, les premiers jours sont importants. Ainsi, on sait que la quantité de lait produite au quatrième jour est corrélée au volume produit au quatorzième jour.
Des difficultés ou des circonstances particulières (césarienne, naissances multiples, prématurité) lors du démarrage de l’allaitement n’entraînent pas nécessairement un échec de l’allaitement, mais pourront rendre nécessaire un soutien plus poussé.
De nombreux facteurs influencent le succès de l’allaitement : modalités d’accouchement, santé maternelle et infantile, facteurs socio-culturels...
Dans le cadre d’un accouchement normal, la Haute autorité de Santé recommande (4) de :
• proposer à la mère de placer aussitôt le nouveau-né en peau à peau avec elle,
• éviter la séparation de la femme et de son bébé, car cette proximité physique est l’un des éléments essentiels permettant un attachement de bonne qualité entre la mère et son enfant,
• encourager et accompagner l’allaitement maternel et la première mise au sein dans le respect du choix de la femme, dès que possible après l’accouchement.
Lorsque l’allaitement doit être différé, il est possible d’exprimer manuellement le lait dans l’heure qui suit la naissance, puis toutes les trois heures jusqu’à ce que le bébé puisse prendre le sein. Sachant que pendant les 48 premières heures, l’expression manuelle est plus efficace que l’expression à l’aide d’un tire-lait. Il peut donc être intéressant de connaître une technique d’expression manuelle, telle que la technique Marmet qui associe massages et stimulations.
Après la naissance, le bébé aura une fenêtre d’éveil d’environ deux heures, avant de devenir plus somnolent pendant les 24 heures suivantes. Le deuxième jour, une phase de « demande frénétique » précède souvent la montée de lait.
Une bonne prise de sein est fondamentale, et une approche physiologique essentielle. Mais il n’existe pas de méthode qui serait valable pour toutes les mères. L’absence de douleur, un transfert de lait efficace et une dyade mère-bébé installée confortablement sont autant de signes d’une bonne prise de sein.
Certaines positions pourront être plus particulièrement utilisées dans des situations spécifiques : ballon de rugby pour une mère qui a vécu une césarienne ou qui a des jumeaux, madone inversée pour les bébés prématurés ou hypotoniques, position allongée pour les tétées nocturnes...
Le Biological Nurturing, concept élaboré par Suzanne Colson, consultante en lactation IBCLC, en s’appuyant sur les instincts naturels de la mère et du bébé, favorise un environnement qui permet au bébé d’utiliser ses réflexes innés.
Les auteurs d’un article paru en janvier 2018 (5) évoquent quant à eux le Gestalt Allaitement, qu’ils décrivent comme une méthode basée sur la biomécanique de la succion prenant en compte les particularités propres à la mère et à l’enfant et la façon dont tous deux interagissent. Le fait pour l’enfant d’être soutenu et stabilisé permettrait d’« optimiser l’expression de ses réflexes primitifs ».
Biological Nurturing et Gestalt Allaitement peuvent être deux approches complémentaires pour favoriser la réussite de l’allaitement.
Une mauvaise prise de sein peut avoir des conséquences qui impacteront négativement l’allaitement : mamelons douloureux, engorgement, enfant agité et qui semble insatisfait, seins douloureux (mastite, engorgement, canaux bouchés), prise de poids insuffisante... et peuvent conduire à un sevrage précoce.
On dit parfois que si la prise du sein n’est pas bonne, il faut enlever le bébé du sein et le remettre dans une bonne position. Mais, dans l’article des Dossiers de l’allaitement sur le Gestalt Allaitement, on pouvait lire : « Si la prise du sein n’est pas optimale dès le départ, il est préférable d’éviter d’enlever le bébé du sein pour tenter de le remettre, car cela n’est pas forcément efficace et risque d’aggraver la douleur. En pareil cas, la mère est encouragée à bouger très légèrement son bébé dès qu’il commence à téter, ce qui induit habituellement une rapide correction de la prise du sein. Pour ces micro-mouvements, la mère bouge son bébé par rapport à son corps, les mouvements ayant une amplitude de 1 à 2 mm, étant effectués dans toutes les directions, régulièrement pendant la tétée. Observer la façon dont le bébé répond à ces micro-mouvements, ainsi que les sensations induites au niveau du mamelon et du sein, joue un rôle majeur dans l’obtention d’une tétée indolore et efficace. Les micro-mouvements font que le bébé se relaxe et se stabilise, et ils permettent à la mère de ressentir ce qu’est une prise profonde et indolore du sein. Le bas du visage du bébé est normalement enfoncé dans le sein. En particulier, son nez repose sur le sein ou juste au-dessus, et les joues et le menton sont contre le sein de façon symétrique. Les lèvres ne doivent pas être visibles ; si elles le sont, cela signifie que la prise du sein est insuffisante. Il faut éviter de tirer sur le sein ou sur le visage du bébé pour voir ses lèvres, ou de tirer sur ses lèvres pour mieux les retrousser, car ces manœuvres peuvent avoir un impact négatif sur la prise du sein. »
Quid de la prise de poids ?
Il est important pour une mère de savoir reconnaître les signes indiquant que son bébé obtient suffisamment de lait. Notamment en sachant observer s’il tète efficacement, et comment l’aider si ce n’est pas le cas.
Un nouveau-né mouille 1 à 2 couches par jour pendant les deux premiers jours suivant la naissance, puis 5 à 6 couches à partir du troisième jour. Après l’évacuation du méconium, le bébé émet 2 à 3 selles abondantes par jour.
En début d’allaitement, la mère peut exprimer manuellement un peu de lait après chaque tétée. On a observé que le fait d’exprimer du colostrum six fois ou plus par jour pendant les premiers jours post-partum augmente ensuite la production lactée d’environ 45 %.
Si la prise de poids semble insuffisante, la mère pourra demander à une personne compétente d’évaluer l’allaitement pour réfléchir ensemble à des pistes permettant d’améliorer la situation.
Selon un document disponible sur le site IHAB France et relatif au don de compléments en maternité (6), « Dans un petit nombre de situations, il peut y avoir des indications à donner des compléments. Certaines sont liées à la mère : pathologie maternelle contre-indiquant l’allaitement (rares médicaments ou maladies infectieuses), insuffisance de lait documentée (anomalies anatomiques, chirurgie mammaire), retard à l’établissement de la lactation ou encore tétées extrêmement douloureuses. Certaines sont liées à l’enfant : hypoglycémie sévère documentée, perte de poids associée à des signes de déshydratation et/ou un ictère. Dans les situations suivantes, il n’y a au contraire pas d’indication médicale à donner des compléments : faible nombre de tétées au cours des 24-48 premières heures chez un nouveau-né à terme en bonne santé et sans facteur de risque ; perte de poids > 7-10 % chez un nouveau-né ni déshydraté, ni ictérique, qui tète bien et dont la mère présente des signes d’établissement de la lactation ; compléments systématiques chez les nouveau-nés à risque d’hypoglycémie ; agitation, pleurs, tétées rapprochées chez un nouveau-né à terme en bonne santé qui s’apaise quand il tète. »
Lorsque le don de complément est indiqué, il pourra être réalisé en respectant au maximum l’allaitement : compléments de lait maternel, utilisation d’un DAL, d’un gobelet, compléments donnés en petite quantité après chaque tétée...
Optimiser l’allaitement
Des astuces peuvent aider la mère et l’enfant à optimiser l’allaitement (7) :
Utiliser le peau à peau
Le contact peau à peau est mentionné dans la plupart des recommandations au niveau international, avec des bienfaits tels que : prévention de l’hypothermie néonatale, renforcement de l’attachement maternel précoce, favorisant un allaitement maternel durable. Une grande proximité de la mère avec son bébé lui permet par ailleurs de se familiariser avec son comportement et ainsi de répondre de manière précoce aux signaux qu’il envoie.
Pratiquer la compression du sein
La compression du sein a pour objectif d’inciter le bébé à poursuivre la tétée, et de l’aider à obtenir du lait, notamment dans les situations suivantes : bébé somnolent, tétées très fréquentes et/ou longues, faible prise de poids...
Voici comment la réaliser.
Lorsque le bébé est au sein, la mère le tient avec un bras et entoure son sein avec l’autre main, en plaçant le pouce sur le dessus et les autres doigts en dessous. Les doigts doivent être relativement éloignés de l’aréole, et la compression ne doit pas provoquer de douleur.
Lorsque le bébé tète efficacement, on observe la séquence suivante : bouche grande ouverte – pause – bouche qui se referme – il n’est pas nécessaire de comprimer le sein.
Quand le bébé arrête de téter efficacement, la mère pourra comprimer son sein et maintenir la pression jusqu’à ce que le bébé arrête de boire. Il va par la suite se remettre à téter et éventuellement à boire. Si ce n’est pas le cas, la compression peut être reprise.
Pour plus d’information, regardez la vidéo disponible sur notre site (8).
Allaiter aux signes d’éveil
Dans les réunions LLL, nous aimons dire qu’« un nouveau-né tète aux signes d’éveil, un nourrisson à la demande, et un bambin à l’amiable » !
Les pleurs sont en fait un signe tardif de faim : lorsque l’enfant réclame le sein par des pleurs, il a déjà faim depuis un moment, et peut de plus être relativement agité et avoir du mal à prendre le sein correctement.
L’allaitement aux signes d’éveil (9) procure au bébé une proximité étroite avec sa mère, base d’un lien d’attachement fort. Du point de vue de l’allaitement, les tétées fréquentes assurent une stimulation suffisante de la lactation qui repose sur le principe de l’offre et de la demande. Des stimulations fréquentes et efficaces sont essentielles pour permettre à la lactation de se mettre en place et de se maintenir.
Dans les débuts de l’allaitement, la majorité des enfants ont en moyenne une fréquence quotidienne située entre 8 et 12 tétées. Il peut exister d’importantes variations individuelles, néanmoins, on considère que 6 tétées par 24 heures sont un minimum.
Proposer les deux seins
Les mères se questionnent souvent sur le fait de proposer un sein ou les deux, et sur comment alterner (à quel moment proposer le second ? par quel sein commencer à la tétée suivante ?).
En fait, lorsque le bébé a fini de téter le premier sein, la mère observe souvent que ses seins sont plus souples, que le bébé ralentit le rythme ou arrête les mouvements de succion/déglutition, et ce malgré l’utilisation de la compression du sein. À ce moment, le second sein peut être proposé.
Dans la plupart des cas, on peut dire que la mère devrait donner le premier sein puis, au moment opportun, proposer le second. Dans certains cas, cependant, il peut être judicieux de ne donner qu’un sein, notamment lorsque la mère présente une hyperlactation. Il sera nécessaire de bien évaluer la nécessité de ne donner qu’un seul sein par tétée voire pour plusieurs tétées, afin de ne pas freiner inutilement la lactation et se retrouver avec des soucis qui auraient pu être évités (10).
Éviter l’utilisation d’accessoires qui peuvent interférer avec l’allaitement
Les écrans en silicone (bouts de sein), tétines et biberons peuvent avoir un impact délétère sur l’allaitement qui peut prendre plusieurs formes : diminution du temps passé au sein (tétine, biberon) et donc de la stimulation de la lactation, avec une possible production insuffisante à la clé ; confusion du bébé qui peut avoir des difficultés à jongler entre ces modes de succion différents.
Il n’existe pas actuellement de consensus concernant l’utilisation et les éventuels effets négatifs des bouts de sein. Il semble qu’ils puissent être utiles dans certaines indications, par exemple lorsque l’enfant a du mal à garder le mamelon en bouche ou pour compenser une succion faible. Ils ne pourront pas corriger une faible prise de poids due à une lactation insuffisante, ni être la solution à des mamelons douloureux, si l’origine des douleurs n’est pas trouvée et traitée. Les mères utilisant des bouts de sein devraient être suivies par une personne formée et compétente en soutien à l’allaitement (11).
Les rythmes de l’allaitement
En dépit du fait que chaque enfant est unique et qu’il existe une certaine variabilité individuelle – même au sein des fratries ! –, on observe des rythmes caractéristiques des bébés allaités (12).
Globalement, les tétées sont espacées en début de journée, puis elles se rapprochent au fur et à mesure que la journée s’écoule, avec un épisode de tétées groupées (« en grappe ») en fin de journée. Les mères décrivent souvent leur bébé à ce moment quotidien comme agité, affamé, insatisfait, et peuvent alors penser qu’elles manquent de lait. Une étude a montré que les 3 à 6 premières semaines, il peut y avoir jusqu’au double de tétées entre 14 h et 2 h du matin par rapport à la tranche horaire 2 h - 14 h.
Il n’y a donc rien d’anormal pour un bébé à téter souvent et/ou à avoir un rythme de tétées irrégulier. L’allaitement à la demande lui permet d’obtenir tout le lait dont il a besoin quand il en a besoin.
Des anthropologues qui s’intéressaient à la façon dont un peuple d’Afrique australe, les Boschimans, élevaient leurs enfants, dénombrèrent pas moins de 90 tétées quotidiennes, les bébés pouvant téter dès qu’ils le souhaitaient, parfois pour quelques instants !
Quelques situations doivent néanmoins attirer l’attention et nécessiteront d’aider le bébé à recevoir suffisamment de lait : bébé sans cesse en demande sans moments de sommeil calme, bébé qui dort beaucoup sans manifester de besoin de téter, bébé qui s’endort rapidement au cours de la tétée, bébé qui fait peu de tétées (4 à 5 par jour)...
L’allaitement au fil du temps
Disons tout d’abord que les situations imposant une suspension ou un sevrage précoce de l’allaitement sont relativement rares, et plus souvent le fruit d’un manque de connaissances sur l’allaitement.
Maladie de la mère
Dans la majorité des cas courants d’infection, l’enfant a été exposé au(x) germe(s) avant que la mère ne s’aperçoive qu’elle est elle-même malade. Une suspension ou un arrêt de l’allaitement pourraient donc priver inutilement l’enfant des bénéfices de l’allaitement tout en n’ayant pas d’effet sur une éventuelle contamination.
La compilation Médicaments et allaitement (13), éditée par La Leche League France à destination des professionnels de santé, explique que « L’ANAES (devenue la HAS) a sorti en 2005 un Référentiel d’auto-évaluation des pratiques en pédiatrie. Il y est dit expressément qu’il faut “prévenir les arrêts abusifs de l’allaitement maternel en s’assurant des réelles contre-indications à l’allaitement liée aux médicaments à partir d’une source d’information plus précise que le dictionnaire Vidal”. Par ailleurs, il faut à chaque fois tenir compte de l’âge de l’enfant, de son poids, de son passé médical, de la quantité de lait maternel qu’il absorbe quotidiennement... Un médicament qui serait peu souhaitable pour la mère d’un nouveau-né, pourra très bien ne pas poser de problèmes pour la mère d’un bambin qui tète une fois par jour avant de s’endormir [...] Enfin, il faudrait dans chaque cas peser et comparer les risques d’une part de l’absorption par l’enfant d’une quantité minime de la substance, et d’autre part de son sevrage brutal et du recours à l’alimentation avec un lait industriel. Si l’on raisonnait ainsi, on s’apercevrait que les risques pour sa santé à court et à long terme ne sont souvent pas là où on les croit ».
Diverses ressources en ligne sont disponibles pour connaître les données disponibles sur l’excrétion lactée d’une molécule ou d’une substance donnée, ou encore l’impact de l’imagerie médicale sur l’allaitement : le CRAT (français, lecrat.fr), E-lactancia (anglais/espagnol), Lactmed (anglais).
Reprise du travail
Nombreuses sont les mères qui, par choix ou par nécessité, reprennent une activité professionnelle – ou envisagent de le faire – alors qu’elles allaitent leur bébé. Poursuivre l’allaitement, en plus de permettre au bébé de continuer à bénéficier du lait maternel, pourra donner lieu à de doux moments de retrouvailles, et faciliter pour tous cet important changement dans la vie quotidienne de la famille.
La législation française, sans être l’une des plus protectrices au monde, donne quelques outils aux salariées du secteur privé qui souhaitent concilier vie professionnelle et allaitement en allaitant leur bébé sur leur lieu de travail ou en tirant leur lait.
En voici les principales dispositions (articles du Code du travail L1225-30 à L1225-33, R1225-5 à R1225-7 et R4152-13 à R4152-28) : 1 heure par jour à compter de la naissance, répartie en deux pauses de 30 minutes (ramenées à 20 minutes si présence d’un « local dédié à l’allaitement ») ; possibilité de tirer son lait ou d’allaiter l’enfant sur le lieu de travail ; mise à disposition d’un local ou d’une chambre d’allaitement en fonction du nombre de femmes employées dans l’entreprise.
Les fonctionnaires, et notamment les enseignantes, soumises à des dispositions particulières, pourront trouver plus d’informations les concernant dans l’article de notre site Travail et allaitement, ce que dit la loi (14) ainsi que dans le livre Allaitement maternel et droit de Martine Herzog-Evans.
Différents facteurs peuvent influencer les modalités permettant à la mère de poursuivre l’allaitement : âge du bébé à la reprise, distance lieu de travail/lieu de garde, durée et fréquence des séparations.
Ainsi, plus le bébé est grand et les séparations courtes, plus il pourra être simple pour la mère de maintenir sa lactation.
De manière générale, un accès sans restriction au sein jour et nuit lorsque la mère et le bébé sont ensemble sera la clé de la réussite. Des séances d’expression permettront si nécessaire de stimuler/maintenir la lactation tout en évitant des problèmes d’engorgement (15).
Le lait ainsi recueilli pourra être conservé puis donné au bébé au moyen d’un gobelet, d’une pipette, éventuellement d’un biberon en favorisant une « technique » qui interfère le moins possible avec l’allaitement (16).
Pour conclure, on peut dire que si l’allaitement est parfois émaillé, dans les débuts ou par la suite, de petites ou grandes difficultés, s’écouter et écouter son bébé, s’informer, bien s’entourer... permet de mettre toutes les chances de son côté pour démarrer et poursuivre du bon pied. L’allaitement, comme une danse entre la mère et son enfant, pourra ainsi, selon les souhaits de l’un et de l’autre, se poursuivre des semaines, des mois, voire des années !
1. Ndlt : le cerveau gauche est le siège du raisonnement analytique, de la logique.
2. Right-Brained Breastfeeding, Nancy Mohrbacher et Kathleen Kendall-Tackett.
3. Voir : Expression anténatale du colostrum, Marie Courdent, Profession Sage-Femme n° 223, mars 2016, p. 39-40.
4. Accueil du nouveau-né en salle de naissance, HAS, décembre 2017.
5. Aider les mères et les bébés à optimiser la position au sein et le transfert de lait, Dossiers de l’allaitement n° 130, janvier 2018, p. 5-9.
6. Comment utiliser de manière raisonnée les compléments en maternité ? Gisèle Gremmo-Feger.
7. Voir aussi l’ouvrage de Diana West et Lisa Marasco, Plus de lait !, éd. L’Instant présent.
8. https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/videos/1254-compression-du-sein
9. Voir : Allaitement à la demande, allaitement aux signes d’éveil, LLL.
10. Voir : Un sein ou les deux seins ?, Marie Courdent.
11. Voir : Le point sur les bouts de sein, Dossiers de l’allaitement n° 132, mars 2018.
12. Voir : Quand la connaissance des rythmes peut lever des obstacles, Marie-France Morinaux, Dossiers de l’allaitement n° 80, juillet 2009.
13. Médicaments et allaitement, LLL France, 2016.
14. https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1137-53-ce-que-dit-la-loi
15. Voir sur le site de LLL France les dossiers Travail et allaitement, Tirer son lait et Conservation du lait maternel. Ainsi que le mémo de la CoFAM Concilier travail et allaitement d’un enfant en bonne santé.
16. Voir Le biberon donné quasi à l’horizontale.
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