Article de Vanessa Lasne, animatrice LLL France, publié dans le n° 119 d'Allaiter aujourd'hui, avril 2019.
Ce numéro contient de multiples témoignages sur ce sujet. Ils ne sont pas disponibles sur le site et les numéros d'Allaiter aujourd'hui s‘achètent dans la boutique LLL.
Que ce soit de manière précoce ou plus tardivement, un certain nombre de mères vont être confrontées à un manque ou à une baisse de lait. Il est important de distinguer ces deux situations : une mère qui voit sa lactation baisser pourra malgré tout avoir toujours une lactation suffisante pour couvrir les besoins de son bébé, contrairement à celle qui, dès la naissance, produit peu de lait.
Le "manque de lait", expression utilisée dans une grande variété de situations (et parfois de façon inadaptée) est une des situations les plus redoutées par les (futurs) parents. Sa prévention et son accompagnement jouent un rôle important dans la poursuite de l’allaitement, mais aussi dans la satisfaction et la confiance en elles des mères allaitantes.
Vrai ou faux manque de lait ?
Certaines situations sont parfois interprétées à tort comme étant le signe plus ou moins évident d’un manque de lait chez la mère. C’est notamment le cas lorsque :
- le bébé tète très souvent (et réclame parfois rapidement après la dernière tétée),
- la mère trouve que son bébé tète très longuement,
- la fréquence et/ou la durée des tétées changent brusquement,
- les seins deviennent souples et/ou coulent peu ou plus du tout,
- le bébé devient grognon,
- la mère n’arrive à exprimer que de petites quantités au tire-lait.
Attention : une mère peut avoir du lait (parfois même en abondance) que le bébé n’arrive pas à obtenir en raison d’une succion inefficace. Cela peut induire à tort l’idée que la prise de poids insuffisante est causée par un manque de lait. Ce type de situation peut aboutir au fait que la mère reçoit diverses informations erronées sur les causes de la prise de poids insuffisante et la conduite à tenir. Avec des conséquences délétères sur l’allaitement, principalement une baisse de lactation et parfois, à terme, une lactation effectivement insuffisante.
Alors, qu'est-ce que le manque de lait ?
Les êtres humains sont des mammifères (du latin mamma, mamelle, et ferre, porter), ce qui implique comme caractéristique la capacité de produire du lait et d’allaiter les petits.
Au niveau individuel, il peut toutefois exister, même si c’est peu courant, une impossibilité de produire – de manière totale ou partielle – le lait nécessaire pour couvrir les besoins du bébé.
On distingue deux types de situation : l’insuffisance de lactation primaire, et l’insuffisance de lactation secondaire.
La première signifie une incapacité physiologique à produire la quantité de lait nécessaire à l’allaitement exclusif du bébé. Parmi les causes possibles, on compte :
- le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK),
- un antécédent de chirurgie mammaire (y compris chirurgie esthétique),
- une hypothyroïdie non équilibrée,
- une hypoplasie d’une ou des deux glandes mammaires,
- des antécédents d’infertilité d’origine hormonale.
Mais n’oublions pas que l’allaitement, même s’il est partiel, sera source de nombreux bienfaits pour la mère comme pour l’enfant, et pourra être vécu de part et d’autre comme gratifiant.
L’insuffisance de lactation secondaire ou circonstancielle se définit, elle, par une lactation insuffisante en raison de facteurs extérieurs ; elle est, le plus souvent, réversible dès lors que son origine a été identifiée. Ces facteurs extérieurs peuvent être :
- la prise d’une contraception hormonale,
- la prise de certains médicaments,
- le don précoce de suppléments,
- des problèmes psychosociaux,
- une restriction des tétées,
- un problème de succion chez le bébé (frein de langue court et serré, laryngomalacie...),
- des multiples (jumeaux, triplés...) avec un allaitement mal accompagné.
Pour Diana West et Lisa Marasco, auteures de Plus de lait ! Réussir son projet d’allaitement, l’"équation du lait", c’est : "un tissu glandulaire suffisant + des voies nerveuses et des canaux lactifères intacts + des hormones et des récepteurs hormonaux adéquats + une stimulation et une extraction de lait efficace", le tout aboutissant à une bonne production lactée.
On comprend donc qu’une lactation adéquate nécessite la présence simultanée de plusieurs facteurs qui peuvent interagir. Une femme avec, par exemple, des antécédents de chirurgie mammaire pourra, selon l’opération effectuée, produire la totalité ou du moins une part importante du lait nécessaire à son bébé, à moins que d’autres causes (secondaires cette fois) ne viennent s’ajouter et impacter la quantité de lait produite.
Lorsqu’une femme ne produit pas suffisamment de lait, il est important et même essentiel de démêler la situation pour identifier la ou les causes possibles, ce qui permettra d’agir par la suite de manière optimale.
Savoir si le bébé obtient assez de lait
Un indicateur fiable pour s’assurer que l’enfant obtient assez de lait est de surveiller ses couches et d’être attentif à sa prise de poids.
Lorsque le bébé obtient beaucoup de lait, il émet des urines et selles en quantité. À l’inverse, un bébé qui ne reçoit pas suffisamment de lait mouille souvent peu de couches et fait peu de selles.
Les premiers jours, le nouveau-né mouille peu de couches et élimine le méconium (selles vert foncé, visqueuses et collantes). L’ingestion de colostrum (qui a entre autres un effet laxatif) permet justement de faciliter l’élimination du méconium. Par la suite, lorsque la montée de lait a eu lieu, un minimum de 5 à 6 couches bien mouillées d’urine et trois selles abondantes par jour sont le signe que le bébé reçoit du lait en quantité. Pour avoir une idée de ce qu’est une couche "bien mouillée", on peut se représenter le poids d’un oeuf dans la couche. À partir de 4 à 6 semaines, certains enfants se mettent à faire moins de selles, parfois moins d’une par semaine, voire encore moins. Ce n’est pas nécessairement le signe d’un problème ou d’une constipation dès lors que le bébé, allaité exclusivement, grandit et grossit bien, a le ventre souple et émet des gaz, ne semble pas avoir mal, et que, lorsque les selles arrivent, elles sont molles et abondantes (voir Selles et urines du bébé allaité).
En termes de prise de poids minimum, une étude de 2003 (Dewey KG et al. Risk factors for suboptimal infant breastfeeding behavior, delayed onset of lactation, and excess neonatal weight loss, Pediatrics 2003 ; 112(3 Pt 1) : 607-19) donne les indicateurs suivants :
- pendant les trois premiers mois : 30 g/jour ou 180 g/semaine,
- de 4 à 6 mois : 18 g par jour,
- de 7 à 9 mois : 12 g par jour,
- de 10 à 12 mois : 9 g par jour.
L’évolution de la courbe dans son ensemble permet également de s’assurer que la croissance du bébé évolue favorablement. La croissance d’un bébé qui, depuis la naissance, prend moins de poids que la moyenne mais suit une courbe harmonieuse, sans stagnation ni perte de poids, pourra être considérée comme satisfaisante. À l’inverse, un bébé qui prenait du poids de manière considérable ou dans la moyenne, et qui était plutôt vers le haut de la courbe, pourra soulever plus d’inquiétudes s’il change de couloir, malgré sa bonne prise de poids initiale.
Pour être considérée comme fiable et représentative, la pesée doit respecter plusieurs conditions, et notamment : un bébé déshabillé et sans couche, une balance exacte, une absence d’erreur dans la lecture et le report de la pesée, des pesées aussi régulières que possible (par exemple, toujours au même moment de la journée).
Dans un article intitulé Comment les pratiques autour de la naissance affectent l’allaitement, le Dr Jack Newman écrit : "Des balances différentes peuvent donner des poids différents. Nous avons déjà vu deux balances donner, pour le même bébé pesé à quelques minutes d’intervalle, deux poids différents avec 400 g d’écart [...] Notez que la plupart des bébés sont pesés à la naissance, puis sur une autre balance en post-partum. Des erreurs en lisant la balance ou en reportant la pesée sont faites régulièrement."
Une astuce pour vérifier l’exactitude de la balance : peser un kilo de farine ou de sucre et voir le résultat qu’indique la balance.
Les choses à ne pas faire
Voici un pêle-mêle de recommandations et d’informations inutiles et/ou contre-productives qui, données aux mères en première intention et sans évaluation de leur situation individuelle, pourront influencer négativement la bonne conduite de l’allaitement.
Évaluer l’efficacité de l’allaitement en se basant uniquement sur la perte de poids du bébé immédiatement après la naissance.
Il est courant qu’on dise à la mère qu’elle ne produit pas suffisamment de lait car son bébé perd beaucoup de poids dans les jours qui suivent la naissance (limite régulièrement fixée à 10 % du poids de naissance, souvent moins). Bien que cette situation impose une vigilance particulière et l’évaluation par une personne compétente, dans beaucoup de situations, seule la perte de poids sera prise en compte. Or, l’évaluation de la perte de poids et de l’allaitement en général doit intégrer le volume de perfusions reçues par la mère pendant le travail et l’accouchement. Une méta-analyse de 2014 (Tawia S, McGuire L. Early weight loss and weight gain in healthy, full-term, exclusively-breastfed infants, Breastfeed Rev 2014 ; 22(1) : 31-42) indiquait que "11 études ont évalué l’impact des perfusions maternelles pendant l’accouchement sur la perte de poids néonatale. Si 3 d'entre elles ne constataient aucun impact, les 8 autres faisaient état d’une corrélation positive entre le volume perfusé et la perte de poids chez le nouveau-né". Une étude de 2011 (Noel-Weiss J et al. An observational study of associations among maternal fluids during parturition, neonatal output, and breastfed newborn weight loss, Int Breastfeed J 2011 ; 6 : 9.) avait conclu que "en cas de perfusion d’un volume important de liquide à la mère pendant l’accouchement, il serait préférable de prendre pour base le poids à 24 heures, et non le poids de naissance, pour évaluer la perte de poids néonatale".
Une des études analysées dans la méta-analyse précitée constatait que 68 % des nouveau-nés perdaient entre 4 et 9,8 % de leur poids de naissance, et que cette perte allait de 1 à 12,7 % chez 95 % des enfants. Les auteurs de cette méta-analyse mettaient également en garde "contre le fait de poser un pourcentage fixe comme limite pour une perte de poids considérée comme acceptable, car une telle limite ne prend pas en compte de nombreux facteurs susceptibles d’affecter le poids du nouveau-né. Par ailleurs, la perte de poids n’est pas en soi un facteur suffisant. Se fier à une limite peut amener à ne pas dépister un nourrisson à haut risque, ou au contraire à prendre des mesures qui n’étaient pas réellement justifiées".
Donner des compléments en première intention et d’une manière inadaptée (par exemple, utilisation d’un accessoire qui présente un risque pour l’allaitement, compléments donnés avec un volume et/ou une fréquence inadaptés à la situation individuelle de la dyade).
Lorsqu’un bébé a du mal à obtenir le lait disponible, si on lui donne un biberon et qu’il semble repu après l’avoir bu, on pourra en tirer la conclusion que le problème venait bien d’un manque de lait. Et ironiquement, le don de compléments dans ce contexte peut aboutir à une lactation qui diminue, voire devient insuffisante, sans permettre au bébé de devenir plus efficace au sein. Lorsque des compléments sont nécessaires, il existe des possibilités qui préservent autant que faire se peut l’allaitement : don du lait avec un DAL au sein ou avec un gobelet, utilisation de lait maternel exprimé plutôt que de préparations pour nourrissons (PPN)...
Espacer les tétées ou donner le sein "à l’horloge" pour que les seins "puissent se remplir".
D’abord fortement influencée par le climat hormonal dans la période qui suit la naissance, la lactation devient par la suite de plus en plus dépendante de la quantité et de l’efficacité des stimulations. Il n’y a donc aucun intérêt à attendre que les seins se remplissent puisque la lactation repose sur la loi de l’offre et de la demande. De plus, lorsqu’un bébé ne prend pas suffisamment de poids, diminuer la fréquence des tétées risque fortement de réduire encore ses possibilités d’obtenir du lait.
Donner une sucette au bébé qui réclame sans cesse à téter, car "il a un fort besoin de succion" et "prend sa mère pour une tétine".
Le fait de donner une sucette au bébé, lorsque la prise de poids est limite ou insuffisante, peut aboutir à encore plus de difficultés. Elle peut diminuer la visibilité des signes précoces de faim qu’il envoie, et impacter négativement son accès au sein.
Un bébé qui ne tète pas efficacement peut passer longtemps au sein sans obtenir beaucoup de lait, mais un bébé qui a des difficultés à en obtenir et dont on restreint d’une manière ou d’une autre l’accès au sein en reçoit encore moins ! Par ailleurs, l’allaitement, c’est bien plus que du lait, et un bébé pourra souhaiter accéder au sein pour de nombreuses autres raisons.
Donner un sein par tétée, voire pour plusieurs tétées, pour permettre au bébé d’obtenir "le lait gras de fin de tétée".
Voir à ce sujet un article éclairant sur notre site : Un sein ou les deux seins ? de Marie Courdent.
Dire à la mère qu’un bébé allaité prend l’essentiel de sa ration pendant les premières minutes.
C’est une information erronée, tout dépend de l’efficacité du bébé et de la lactation de la mère. Certains bébés n’auront besoin que de quelques minutes, tandis que d’autres devront téter bien plus longtemps.
À l’inverse, dire à la mère que plus le bébé tète, plus il y a de lait.
Information erronée également : plus le bébé tète efficacement, plus il y a de lait. Certains bébés peuvent passer de longs moments au sein sans recevoir suffisamment de lait pour autant.
En cas de douleurs, recommander d’enlever le bébé du sein et de recommencer la mise au sein.
Une mère qui a les mamelons ou les seins douloureux et recommence sans cesse la mise au sein risque de décupler encore ses douleurs. L’idéal est de pouvoir ajuster la prise du sein du bébé, par exemple en faisant des micromouvements (Voir "Aider les mères et les bébés à optimiser la position au sein et le transfert de lait", Dossiers de l’allaitement n° 130, janvier 2018.).
Dire à la mère que pour prendre tel traitement ou effectuer tel examen médical, il est nécessaire de suspendre l’allaitement x temps (variante : "vous êtes malade, vous devez arrêter d’allaiter votre bébé pour ne pas le contaminer").
Les données scientifiques existantes montrent que, dans la très grosse majorité des cas, il est possible de trouver un traitement compatible avec l’allaitement. Les examens (radiographie, échographie, scanner, IRM) et les soins (y compris les opérations sous anesthésie locale ou générale) ne nécessitent le plus souvent pas de suspension de l’allaitement. En cas d’anesthésie générale, on considère que lorsque la mère a recouvré un bon niveau de vigilance, elle peut reprendre l’allaitement.
Des sources fiables existent pour permettre aux mères, en accord avec leur professionnel de santé, de trouver la meilleure façon de se maintenir en bonne santé tout en préservant leur allaitement.
Utiliser un tire-lait pour mesurer la quantité de lait produite.
La quantité de lait exprimée n’est pas représentative de la quantité de lait produite, cela peut donc induire une anxiété chez certaines mères qui voient ainsi se confirmer leur peur de "manquer de lait".
Peser le bébé avant et après les tétées.
Une étude australienne menée sur 203 mères (Kent JC et al. Impact of measuring milk production by test weighing on breastfeeding confidence in mothers of term infants, Breastfeed Med 2015 ; 10(6) : 318-25) indiquait qu’en dépit de sa possible utilité dans certains cas, par exemple chez des enfants prématurés, les tests de pesée pouvaient avoir des conséquences sur le niveau de confiance maternel. Quand les résultats de la pesée sont satisfaisants, ils concourent à maintenir le niveau de confiance chez les mères qui avaient déjà confiance en elles. Chez d’autres mères, et malgré des résultats "normaux", le niveau de confiance, bas au départ, ne s’améliorait pas.
En fonction des mères, la recommandation de peser avant et après les tétées pourra être une importante source de stress, d’autant plus si une pression est exercée quant au don de compléments.
En cas de manque de lait avéré, que faire ?
Favoriser la proximité de la mère avec son enfant l’aide à identifier les signes précoces de faim chez son bébé et à y répondre.
Dans ce but, les maternités labellisées IHAB ne possèdent pas de nurseries séparées pour les nourrissons, et encouragent le peau à peau le plus souvent possible.
Une prise de sein optimale permet de prévenir et de traiter les crevasses, de stimuler la lactation et d’obtenir efficacement le lait disponible.
Il est donc primordial, en cas de manque de lait, qu’une personne compétente puisse rencontrer la mère et reprendre point par point avec elle ses antécédents médicaux, chirurgicaux, obstétricaux, ainsi que son vécu d’allaitement. Une observation de la tétée permettra d’évaluer et d’améliorer la prise de sein le cas échéant.
Aider la mère à reconnaître les signes qui indiquent que son bébé reçoit ou non du lait pourra l’aider à adapter sa conduite lors des tétées.
Une fois la montée de lait arrivée, il sera plus facile de voir si le bébé reçoit (ou non) du lait. Lorsque le bébé en obtient, on peut observer ceci : en début de tétée, les mouvements de succion sont rapides (pour stimuler l’arrivée du lait), puis, dès que le premier réflexe d’éjection du lait a lieu, les mouvements deviennent plus lents et plus amples. En observant le menton, on peut voir qu’il fait régulièrement une "pause". Cette pause correspond au fait que le bébé reçoit du lait et déglutit ; plus la pause est longue, plus le volume de lait est important (Voir sur le site LLL quatre vidéos pour reconnaître si le bébé prend assez de lait).
La compression du sein, utilisée sur le premier sein puis sur le second, lorsque le bébé tétouille et ne boit plus efficacement, pourra lui permettre de continuer à vider un sein, et donc d’obtenir plus de lait avant de passer à l’autre.
Voici la marche à suivre : lorsque le bébé ne fait plus de mouvements du type décrit ci-dessus (bouche ouverte - pause du menton - bouche qui se ferme) et avant qu’il ne s’endorme, comprimer le sein - le pouce au-dessus, les autres doigts sous le sein, en ne positionnant pas la main trop proche du mamelon - et maintenir la pression. Le bébé devrait se remettre à boire. La compression peut être maintenue jusqu’à ce que le bébé tétouille de nouveau. Le fait de comprimer le sein ne doit pas provoquer de douleur.
Les tétées alternées ou "super-alternance"
Donner un sein puis l'autre tour à tour permet de stimuler intensément la lactation tout en incitant le bébé à avoir un rythme de succion actif et à obtenir plus de lait. Les seins peuvent être alternés (4, 6, 8 fois...) dès que le rythme de déglutition du bébé ralentit ou qu'il s'interrompt régulièrement. Les mères observent habituellement un effet sur leur lactation en quelques jours.
Les plantes médicinales, plébiscitées dans de nombreuses cultures et par de nombreuses mères, pourront être d’une aide précieuse, même si elles ne sauraient remplacer des stimulations fréquentes et efficaces.
Attention, bien qu’elles soient naturelles, elles peuvent avoir des effets secondaires et doivent être utilisées avec vigilance (voir le protocole de l’Academy of Breastfeeding Medicine Utilisation des galactogènes pour l’induction ou l’augmentation de la sécrétion lactée).
Parmi les plantes réputées galactogènes, on peut citer le fenugrec, le chardon béni, le galéga... Une étude randomisée en double aveugle portant sur un petit nombre de mères (Bumrungpert A et al. Effects of fenugreek, ginger, and turmeric supplementation on human milk volume and nutrient content in breastfeeding mothers : a randomized double-blind controlled trial, Breastfeed Med 2018 ; 13(10).) qui prenaient 3 fois par jour et pendant 4 semaines des gélules contenant 200 mg de fenugrec, 120 mg de gingembre et 100 mg de curcuma, a conclu à "une augmentation franche de la production lactée dans le groupe intervention, déjà significative à 2 semaines et importante à 4 semaines, sans modification de la composition du lait, sans aucun effet négatif significatif".
Certains aliments sont aussi considérés comme ayant un impact positif sur la lactation.
On peut citer : les flocons d’avoine, les amandes...
Certaines molécules médicamenteuses sont également utilisées pour leur effet galactogène, notamment la dompéridone et le métoclopramide.
Concernant la dompéridone, les Dossiers de l’allaitement de novembre 2017 nous apprennent que "[...] la dompéridone est un galactogogue modérément efficace, susceptible d’avoir des effets secondaires sérieux mais rares chez la mère. Elle peut être perçue comme un remède miracle en cas de problèmes d’allaitement, mais évaluer soigneusement les pratiques d’allaitement et les optimiser, ainsi que rassurer la mère, semble être beaucoup plus efficace pour assurer une production lactée adéquate dans la plupart des cas".
Le métoclopramide, quant à lui, a fait l’objet de conclusions mitigées. En tant qu’antagoniste de la dopamine, il augmente le niveau de prolactine. Toutefois, certaines études n’ont pas démontré d’effet galactogène. Le site e-lactancia (site hispanophone et anglophone, fondé en 2002 par un pédiatre et dont l’équipe actuelle est composée de pédiatres, pharmaciens, journaliste, qui référence la compatibilité de diverses substances avec l’allaitement) conclut l’article sur le métoclopramide en indiquant que "le meilleur galactagogue est un soutien efficace pendant la grossesse et après l’accouchement pour permettre un allaitement fréquent à la demande avec une technique correcte chez une mère sûre d’elle".
À noter qu’aucune de ces deux molécules n’a d’AAM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour cette indication en France.
Diverses techniques telles que les applications chaudes, les massages ou l’assouplissement de l’aréole par contre-pression avant la tétée ou l’expression du lait, peuvent aider à stimuler l’éjection du lait.
Exprimer son lait, au moins dix à vingt minutes, après ou entre les tétées, permet d’augmenter le nombre de stimulations et d’inciter le corps à ajuster sa production.
De manière générale, utiliser un tire-lait électrique en double pompage permet d’optimiser les séances d’expression. Certaines mères pourront néanmoins se sentir plus à l’aise en exprimant leur lait manuellement ou avec un tire-lait manuel.
Certaines mères utiliseront avec succès le protocole de power pumping (ou "marathon de tirages").
Créé par Catherine Watson, consultante en lactation IBCLC, ce protocole vise à provoquer une augmentation de la lactation en stimulant les seins de manière intensive. Cette méthode n’est donc pas à suivre au long cours, mais peut être utilisée ponctuellement. On observe généralement des effets dans les 48 à 72 heures qui suivent.
Voici comment procéder :
- placez le tire-lait dans un endroit de votre maison où vous passez souvent et où vous serez confortable, assise ou debout ;
- chaque fois que vous passez près du tire-lait, utilisez-le pendant 5 à 10 minutes ; arrêtez quand vous commencez à avoir la bougeotte ou à vous ennuyer ; vous pouvez tirer votre lait aussi souvent que toutes les 45 minutes, tirer plus souvent n’est pas utile ;
- laissez le tire-lait tel quel, il n’y a pas besoin de réfrigérer le lait entre chaque session de tirage ni de nettoyer le kit à chaque fois ; vous pouvez continuer à tirer dans les mêmes récipients et à utiliser le même kit d’accessoires pendant 4 à 6 heures, selon la température de votre maison (une maison plus chaude nécessitera des mises au réfrigérateur et des lavages plus fréquents) ; à ce moment, mettez juste le lait accumulé au frigo, nettoyez le kit, et c’est reparti pour 4 à 6 heures ;
- prévoyez de tirer au moins 10 fois par jour ;
- essayez de faire une sieste dans l’après-midi et d’avoir une période de sommeil ininterrompu de 4 à 6 heures la nuit. Ne vous réveillez pas spécifiquement pour tirer, mais si votre enfant vous réveille, vous pouvez en profiter pour faire un rapide tirage avant de vous rendormir.
Conclusion
Pour conclure, j’aimerais citer Diana West qui, lors de la Journée Internationale de l’Allaitement 2013, concluait ainsi son intervention sur l’augmentation de la production lactée : "Lorsque la mère est fondamentalement convaincue de réussir à allaiter, elle sera auto-efficace. Ce niveau de certitude va plus loin que la confiance en soi, c’est une conviction qu’elle réussira telle que la mère n’y réfléchit même pas. Autrefois, les mères allaitantes ne se posaient même pas la question du “succès” de l’allaitement, pas plus que les mères qui donnent des biberons de formule lactée commerciale ne se posent actuellement de questions sur le succès de cette méthode. Les problèmes avec la biologie humaine ont toujours existé. Les reins peuvent avoir une défaillance, nous pouvons perdre la vue, mais dans la vie réelle nous n’“espérons pas” garder nos reins et notre vision, et si nous avons un problème, nous recherchons immédiatement une solution. Nous avons un fort sentiment d’auto-efficacité pour n’importe quel événement de routine de notre vie quotidienne. Malheureusement, l’allaitement n’est plus une routine. Un fort sentiment d’auto-efficacité pourra prévenir les causes de mauvais conseils sur l’allaitement [...] La mère qui a un fort sentiment d’auto-efficacité n’est pas “très motivée pour allaiter”. Elle allaite, tout simplement."
Ressources complémentaires
- Diana West et Lisa Marasco, Plus de lait !, éditions L’Instant présent, 2015.
- Jack Newman et Teresa Pitman, La prise de sein et autres clefs de l’allaitement réussi, Le Hêtre, 2010.
- Le b.a.-ba de l’allaitement, Allaiter aujourd’hui n° 117, octobre 2018.
- Jack Newman, Remèdes à base de plantes pour la lactation, 2016.
- Academy of Breastfeeding Medicine, Utilisation des galactogènes pour l’induction ou l’augmentation de la sécrétion lactée, 2018.
- Academy of Breastfeeding Medicine, Recommandations pour le don de compléments en maternité chez le nouveau-né à terme et en bonne santé allaité, 2017.
Vos articles m’inspirent et me rassurent! Merci!
3ème allaitement en cours!
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