Abcès du sein lactant : et si on ne les opérait plus ?
Debord MP et al. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015
L’abcès du sein est une complication rare suite à une mastite chez une mère allaitante. Le traitement le plus souvent préconisé est le drainage chirurgical sous anesthésie générale, mais cela implique bien souvent la séparation mère-enfant et la suspension de l’allaitement (voire un sevrage). Or, des études ont constaté que les abcès du sein pouvaient également être traités par ponction guidée par échographie sous anesthésie locale, même si plusieurs ponctions peuvent être nécessaires. Ce traitement est bien moins invasif et coûteux, il peut être effectué en ambulatoire, sans suspension de l’allaitement. Le but de cette étude rétrospective française était d’évaluer l’efficacité de cette stratégie.
Les dossiers de toutes les femmes allaitantes vues entre décembre 2007 et décembre 2013 dans un CHU lyonnais pour un abcès du sein ont été passés en revue. La présence d’un abcès, suspectée sur la clinique, était confirmée par échographie. Après cette confirmation, l’abcès était ponctionné par le radiologue, sous anesthésie locale (xylocaïne à 1 %), avec éventuel lavage de la cavité au sérum physiologique. Le liquide ponctionné était envoyé en bactériologie, ainsi qu’un prélèvement de lait obtenu par expression manuelle du sein touché. Toutes les femmes ont par ailleurs été mises sous antibiothérapie et antalgiques, et un suivi a été effectué aussi longtemps que nécessaire, d’autres ponctions étant pratiquées si besoin. Elles ont également été encouragées à poursuivre l’allaitement avec les deux seins si l’abcès n’était pas péri-aréolaire.
Les données concernaient 40 patientes (0,32 % du nombre d’accouchements survenus dans la maternité de ce CHU). 6 femmes ont été traitées chirurgicalement ou uniquement par antibiotiques, et 34 femmes ont été ponctionnées. 31 étaient primipares. L’abcès avait débuté en moyenne à 8 semaines, et les symptômes persistaient depuis en moyenne 9,9 jours au moment de la première consultation. L’abcès était unilatéral dans la très grande majorité des cas. Il était unique chez 28 femmes, 3 femmes présentaient 2 abcès, 1 femme en avait 4, et 2 femmes en avaient 5. La taille de l’abcès était en moyenne de 41,2 mm (10 à 150 mm). 91 % des femmes avaient auparavant présenté une mastite (principal facteur de risque), 38 % présentaient des crevasses des mamelons, 38 % utilisaient des bouts de sein en silicone. Un Staphylocoque doré était retrouvé dans le liquide ponctionné chez 82,4 % des femmes, et dans le lait pour 66,7 % des femmes. 19 femmes ont eu une seule ponction, 6 en ont eu 2, 5 en ont eu 3, 2 en ont eu 4, et 2 ont eu 5 ponctions. Les ponctions ont été une réussite pour 31 femmes, et un drainage chirurgical a été effectué chez 3 femmes. Suite à la ponction, l’abcès s’est fistulisé à la peau chez 5 femmes. Aucune récidive n’a été constatée après réussite des ponctions. 88 % des femmes ont poursuivi l’allaitement, dont 48,5 % avec le sein touché. Aucun des enfants allaités n’a présenté de signes d’infection.
L’échographie permet de confirmer le diagnostic, et de localiser avec précision le ou les abcès. La ponction ne nécessite qu’une anesthésie locale, n’induit pas de cicatrice disgracieuse et plus douloureuse, et elle est beaucoup moins susceptible d’endommager la glande mammaire ; elle permet une prise en charge ambulatoire, et favorise la poursuite de l’allaitement. Enfin, même s’il est souvent nécessaire d’effectuer plusieurs ponctions, le taux de réussite de cette stratégie est très élevé.
Un drainage chirurgical sera effectué d’emblée si l’abcès est très volumineux. Il pourra également être effectué en cas d’échec des ponctions (pus très visqueux, abcès cloisonné, nombre important de ponctions, douleur très importante…). Le traitement antibiotique ne contre-indique pas l’allaitement, et la mère devrait être encouragée à le poursuivre avec les 2 seins, sauf si la bouche de l’enfant est très proche de la zone abcédée. Le sevrage brutal augmente la stase lactée, et peut favoriser la persistance de l’abcès. Si les tétées sont trop douloureuses, la mère pourra utiliser un tire-lait jusqu’à résolution de l’infection.
Cette étude confirme l’efficacité de la ponction guidée par échographie, qui devrait donc devenir la stratégie de première intention en cas d’abcès du sein chez une femme allaitante.
Allaitement de jumeaux malgré des abcès mammaires bilatéraux en cours de drainage au niveau des aréoles
Dr Yaël Grin. Gynécologue-Obstétricien.
La mère est une jeune femme de 26 ans, déjà maman d’un enfant de 3 ans, allaité 16 mois sans souci. Elle a accouché 10 jours avant cette première consultation de 2 vrais jumeaux, nés à 38 semaines, avec un poids de 2670 et 2420 g. Elle consulte en raison de douleurs bilatérales, de rougeur et d’induration des seins ; il y avait eu un petit épisode fébrile. La mère avait été traitée autour de l’accouchement par pristinamycine en raison d’un portage d’un streptocoque B. La patiente est possiblement allergique à la pénicilline.
Ce premier examen retrouve des aréoles très rouges, sur 80 % de leur surface. Au palper, on retrouve un nodule chaud et sensible de ces 2 régions (en externe à droite, entre 7 et 10 heures ; et en interne à gauche de 7 à 10 heures). A droite, au niveau d’un tubercule de Montgomery, il y a une issue de pus verdâtre, à gauche, il y a un petit point blanc sans issue de pus.
Une bactériologie bilatérale de l’écoulement est demandée, ainsi qu’une échographie. Le traitement par céfaclor 500 mg, à la posologie de 2 comprimés toutes les 8 heures, est démarré dès le prélèvement du pus (qui se révèlera contenir du Staphylocoque doré), accompagné par de l’acide fusidique en pommade, à appliquer 2 fois par jour, après une tétée, et à rincer avant la suivante ; ainsi que l’application de froid. L’échographie retrouve à droite un nodule hétérogène de 38 x 14 mm, image en faveur d’un abcès en voie de constitution, et à gauche, un abcès en voie de collection. Comme la patiente est très motivée pour poursuivre l’allaitement (avec ou sans mon assentiment), nous décidons de poursuivre les tétées avec l’occlusion des orifices de drainage du pus par une bande collante occlusive (Blenderm®) pendant la tétée.
La patiente est revue 6 jours plus tard ; elle n’a pas de fièvre, pas de douleurs pulsatiles (la douleur est « supportable »), les bébés grossissent bien. Le traitement est prolongé. Après 19 jours de traitement, la patiente est revue ; les enfants sont âgés d’un mois et pèsent 3450 et 3250 g (soit une prise de poids d’environ 800 g). L’examen retrouve à droite une petite olive rétromamelonnaire entre 7 et 10 heures ; à gauche, l’induration est plus large, mais le sein est plein de lait. Le traitement est prolongé de 10 jours.
Aux dernières nouvelles, les enfants vont bien, il n’y a plus de nodosité au niveau des seins : à 2 mois et une semaine, ils pèsent 5150 g et 5000 g, en allaitement complet. A 6 mois, ils pèsent 7600 g, et sont toujours exclusivement allaités. L’examen des seins retrouve un petit pois rétromamelonnaire gauche à 9 heures. A 9 mois, les enfants reçoivent 3 tétées quotidiennes chacun, l’examen mammaire est normal.
Abcès du sein à Staphylocoque doré résistant à la méticilline
Case report of methicillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA). B Wilson-Clay. JHL 2008 ; 24(3) : 326-9.
Cette primipare a accouché à 38 semaines par césarienne suite à un arrêt de la progression du travail. Son bébé pesait 2 722 g. La mère a présenté des crevasses sur les mamelons. L’équipe soignante lui a conseillé de les traiter avec des pansements hydrogel et l’application de lanoline. La mère allaitait exclusivement à la sortie de maternité.
Le traitement a permis une amélioration partielle de l’état des mamelons, mais pas la disparition des lésions et de la douleur. Par ailleurs, les tétées sont progressivement devenues de plus en plus difficiles ; le bébé était très agité, il lâchait souvent le sein, le repoussait, pleurait. Cela jouait probablement un rôle dans la persistance des lésions des mamelons, mais la croissance de l’enfant était excellente : il avait doublé son poids de naissance à 8 semaines. A 9 semaines post-partum, le pédiatre a diagnostiqué un reflux chez le bébé, et a prescrit de l’oméprazole.
La mère avait depuis longtemps une asymétrie mammaire franche ; le sein gauche produisait beaucoup plus de lait que le sein droit. En maternité, on lui avait conseillé de tirer son lait pendant 20 mn après la plupart des tétées, et de donner le lait tiré à son bébé en plus des tétées, afin d’abaisser son taux de bilirubine. La mère a continué à tirer son lait pendant des mois pour le congeler, en vue de la reprise de son travail. Elle tirait en moyenne 234 ml de lait plusieurs fois par jour (177 ml à partir du sein gauche, 57 ml à partir du sein droit). Elle avait donc une production lactée très abondante, que l’expression régulière du lait avait encore augmentée.
A 4 semaines post-partum, la mère a constaté la présence d’une petite tuméfaction dans le quadrant supéro-externe du sein gauche, qu’elle a attribuée à un canal lactifère bouché. Cette tuméfaction a disparu au bout de quelques jours. Une semaine plus tard, elle a commencé à ressentir un malaise généralisé, sans fièvre, mais avec une douleur localisée au niveau de la tuméfaction dont elle avait souffert la semaine précédente. Elle a contacté son médecin traitant, qui a prescrit la prise de céphalexine, 500 mg 2 fois par jour pendant 1 semaine.
Pendant ce traitement, son bébé a commencé à souffrir de très violentes coliques, et la mère a cessé le traitement au bout de 5 jours. 2 semaines plus tard, la mère avait à nouveau une tuméfaction douloureuse, toujours au même endroit, sans fièvre. Elle a pris pendant 10 jours de la docloxacilline, 250 mg 4 fois par jour, sans aucun changement dans la symptomatologie locale. Elle a été référée à un radiologiste pour évaluation de la tuméfaction. L’échographie a constaté la présence d’un abcès multiloculaire. Sous guidage échographique, le radiologiste a ponctionné l’abcès dans sa zone la plus importante, et a posé un drain.
Un staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) a été isolé à partir du pus ponctionné. La mère a été hospitalisée pour drainage chirurgical de l’abcès, et mise sous vancomycine en IV. Après la chirurgie, cette mère a décidé de cesser l’allaitement brutalement. La consultante en lactation lui a fourni des informations pour l’aider dans ce sevrage « en urgence ». La mère l’a recontactée 2 semaines plus tard pour des informations sur une relactation : son bébé pleurait beaucoup, et le lait industriel le constipait. Le chirurgien avait dit à la mère qu’elle ne devait plus stimuler le sein opéré. La consultante en lactation a suggéré une relactation avec uniquement le sein droit. La mère a recontacté la consultante en lactation à 6 mois post-partum. Le sein gauche avait bien cicatrisé. La mère estimait fournir environ la moitié du lait nécessaire à son bébé avec le sein droit, et elle donnait un lait industriel en complément. La reprise de l’allaitement avait fait disparaître la constipation du bébé, et permettait à la mère de le réconforter quand il pleurait. Le bébé n’a présenté aucun signe d’infection à SARM.
L’existence de crevasses persistantes a certainement joué un rôle dans l’étiologie de cet abcès, ainsi que la surproduction lactée au niveau du sein gauche. Des études avaient constaté que le flot de lait pouvait s’inverser après un réflexe d’éjection ; ce reflux du lait pourrait favoriser l’infiltration de la glande mammaire par des germes pathogènes présents au niveau des crevasses. Chez cette mère, l’absence de signes généraux (fièvre en particulier) ont amené à sous-estimer la gravité de l’infection mammaire. Les traitements antibiotiques inadéquats (durée insuffisante du premier, posologie trop basse pour le second) ont également favorisé l’abcédation. L’abcès du sein est une pathologie traumatisante. La prévention est capitale. Toute femme présentant des lésions du mamelon ou une inflammation/induration mammaire qui ne disparaissent pas rapidement avec un traitement adéquat doit bénéficier d’un bilan détaillé à la recherche d’un SARM, même en
l’absence de signes généraux.
Abcès du sein
Breast abcess : a case report. Powers DC, Tapia V. Clin Lact 2012 ; 3(2) : 75-7.
Cette mère allaitait son bébé de 3 semaines lorsqu’elle a commencé à présenter une fièvre avec syndrome grippal et douleur mammaire profonde. Elle s’est rendue dans une consultation, où on a diagnostiqué une mastite, et prescrit de la dicloxacilline (500 mg 4 fois par jour pendant 10 jours), ce qui a guéri la mastite. 7 semaines 1/2 plus tard, la mère a contacté une consultante en lactation ; elle présentait une tuméfaction dans le cadran supéro-externe du sein gauche, qui ne disparaissait pas après les tétées, mais qui apparaissait et
disparaissait de façon itérative depuis quelques semaines. Elle ne présentait aucun autre signe associé. La consultante a suggéré la possibilité d’un canal lactifère bouché, et proposé des massages de la zone concernée.
3 jours plus tard, la mère a contacté son gynécologue : la zone du sein en regard de la tuméfaction était maintenant rouge et enflée, avec une petite ampoule au centre de la tuméfaction. La douleur était intense. Un nouveau traitement par dicloxacilline a été prescrit, mais le traitement n’a pas empêché l’aggravation de la situation pendant les jours suivant, la tuméfaction touchant les 3/4 du sein gauche. La petite ampoule s’était ouverte, et du pus semblait s’en écouler. La mère était en vacances ; elle s’est rendue chez un généraliste local, qui a prescrit de l’amoxicilline, ainsi que des antalgiques : propoxyphène + paracétamol, et ibuprofène en alternance. Ces traitements n’ont amené aucune amélioration, ni sur la douleur, ni sur l’inflammation mammaire.
2 jours plus tard, la famille rentrait de vacances, et la mère est allée dans une consultation hospitalière : une zone du sein gauche virait au noir, et l’écoulement de pus augmentait. Une échographie a été effectuée. On lui a dit qu’elle n’avait pas d’abcès, et qu’elle devait poursuivre le traitement prescrit par le dernier médecin vu par la mère. 2 jours plus tard, la mère a décidé d’aller aux urgences de l’hôpital local. Le médecin qui l’a reçue a décidé de faire une petite incision au niveau de l’ouverture où du pus s’écoulait, avec pour résultat la sortie explosive d’environ 500 ml d’un mélange de pus et de lait, et la création d’une importante ouverture cutanée en raison de la nécrose de la zone touchée. Le médecin a énergiquement nettoyé la plaie (ce qui a été extrêmement douloureux pour la mère), laissant une cavité de la taille d’un pamplemousse, qu’il a remplie avec de la gaze. Il souhaitait hospitaliser la mère, mais elle voulait rentrer chez elle pour pouvoir continuer à allaiter son bébé (elle allaitait toujours avec les 2 seins). Le médecin l’a laissée sortir, en lui disant qu’elle devait consulter son obstétricien dès le lendemain.
L’obstétricien a changé la gaze (qui était imbibée de pus et de lait), et a référé immédiatement la mère à un chirurgien pour un drainage chirurgical correct. Le chirurgien souhaitait l’hospitaliser immédiatement pour débuter une antibiothérapie en IV, mais la mère a demandé à rentrer chez elle, et à revenir le lendemain pour la chirurgie et le traitement. Elle a donc été hospitalisée le lendemain matin, pour drainage chirurgical, et antibiothérapie en IV. Elle est sortie de l’hôpital au bout de 2 jours. Pendant toute cette période, son bébé a continué à prendre le sein droit, ainsi que le sein gauche de temps à autre, jusqu’à ce qu’une consultante en lactation lui dise, pendant son hospitalisation, qu’il valait mieux arrêter d’allaiter avec le sein gauche, et de tirer le lait de ce côté : la production lactée avait de toute façon fini par se tarir de ce côté en raison de la sévérité des lésions.
Cette mère a consulté de nombreux professionnels de santé dès la survenue de son problème, et a scrupuleusement suivi tous les traitements médicaux qui lui ont été prescrits. La fatigue maternelle et le refus de la mère de se faire hospitaliser lorsque cela lui a été recommandé la première fois ont pu jouer un rôle dans l’aggravation de l’abcès. Toutefois, la sévérité du problème aurait dû être diagnostiquée bien plus tôt, au moment où l’abcès à commencé à s’ouvrir à la peau, avec écoulement de pus. Un drainage à ce moment aurait probablement évité à cette mère de souffrir d’une infection mutilante.
Abcès du sein
Delphine Oxoby. Puéricultrice, Consultante en lactation IBCLC.
Cette mère avait allaité sans aucun problème son premier enfant pendant plus d’un an, et elle souhaitait allaiter son second enfant au moins aussi longtemps. Elle a accouché de ce second enfant, à terme, en septembre 2013. À l’occasion d’une visite de suivi du post-partum effectuée à environ 6 semaines, la gynécologue s’est inquiétée de la présence d’une tumeur mobile d’environ 2 cm de diamètre dans le cadrant inféro-externe du sein droit. Elle a suspecté un adénofibrome, et a recommandé de passer rapidement un examen radiologique. La mère pensait quant à elle que cette tumeur, apparue brusquement quelques jours plus tôt, était probablement en rapport avec l’allaitement. Elle n’avait par ailleurs ni fièvre, ni douleur, et son bébé n’avait pas modifié son comportement vis-à-vis de ce sein ; les tentatives de drainage plus approfondi du sein n’avaient eu aucun impact sur le volume de la boule.
Le radiologue a confirmé la présence d’un adénofibrome, tout en étant surpris de la rapidité d’apparition. Il a dit à la mère qu’elle devait l’avoir depuis plus longtemps sans l’avoir remarqué. Toutefois, la mère avait eu les seins examinés à diverses reprises pendant la grossesse et en post-partum, sans que personne ne remarque quoi que ce soit. La gynécologue et le radiologue lui ont affirmé que cette tumeur était bénigne, et on lui a dit de revenir consulter 6 mois plus tard, sauf encas d’augmentation brutale de volume, ce qui a totalement rassuré la mère.
Fin 2013, la tumeur a augmenté au point de devenir visible à la surface du sein, et elle est devenue douloureuse. Début 2014, la mère a donc consulté, et on a alors diagnostiqué un abcès. On lui a prescrit de l’amoxicilline, de l’extranase, des massages du sein avec le Baume Saint Bernard, et on l’a prévenue qu’il serait nécessaire d’opérer pour drainer l’abcès en l’absence d’amélioration dans les 7 jours. En lisant la notice d’utilisation du Baume Saint Bernard, la mère a constaté qu’il était fortement déconseillé d’en appliquer sur les seins d’une mère allaitante (présence de camphre et de menthol). Elle a contacté des consultantes en lactation, qui lui ont toutes confirmé que le traitement qui lui avait été prescrit n’était pas optimal en cas d’abcès, mais la mère ne connaissait aucun médecin plus compétent dans le domaine de l’allaitement. Elle a donc pris l’amoxicilline, en espérant que cela ferait disparaître la grosseur. Cela n’a pas été le cas.
La sage-femme qui l’avait suivie lui a signalé l’existence de consultations d’allaitement dans une PMI proche de son domicile, et la mère a immédiatement contacté la puéricultrice consultante en lactation IBCLC qui gérait ces consultations. Celle-ci a communiqué à la mère une brochure de l’OMS sur les mastites, ainsi que l’adresse du site du CRAT, et lui a conseillé de faire une nouvelle mammographie afin de suivre l’évolution de l’abcès. La mammographie a constaté que l’abcès n’était pas collecté. Le médecin généraliste a prescrit de l’acide niflumique et de l’amoxicilline / acide clavulanique. Quelques jours plus tard, des points blancs sont apparus sur la plaque cutanée rouge vif en regard de l’abcès, et le lendemain, celui-ci commençait à s’ouvrir à la peau. Le médecin généraliste a recommandé d’arrêter d’allaiter avec le sein touché (ce que la mère n’a pas fait, suite aux recommandations de la brochure de l’OMS). Elle a obtenu un rendez-vous le jour même en espérant pouvoir faire ponctionner l’abcès, afin d’éviter la chirurgie. Toutefois, en raison de l’importance de l’abcès et de l’ouverture à la peau, elle a été référée à un chirurgien qui l’a opérée le jour même.
La mère a donc été séparée de son bébé sans aucune préparation, ce qui a été très difficile à vivre ; le bébé n’avait jamais reçu de biberons, et il a refusé de les prendre pendant les 15 heures de la séparation mère-enfant. Le chirurgien avait également dit à la mère qu’elle devrait arrêter l’allaitement pour éviter une mauvaise cicatrisation, ainsi qu’une récidive de l’abcès, ce qui a angoissé la mère, même si elle avait vu dans la brochure de l’OMS que la poursuite de l’allaitement était tout à fait possible. Avant sa sortie, elle a fait part de son souhait de poursuivre l’allaitement, et a demandé quels médicaments lui étaient prescrits, afin d’en vérifier la compatibilité. Si elle s’est heurtée à l’ignorance (« Les antibiotiques sont dangereux pour le bébé ») et à l’incompréhension (« Votre bébé a 3 mois, pourquoi continuer à allaiter ? »), elle a cependant pu avoir son bébé avec elle dans une chambre seule pour l’allaiter pendant toutes les formalités administratives avant sa sortie du service. Elle a constaté que la tétée n’était pas douloureuse.
La mère était motivée pour poursuivre l’allaitement, mais tout ce qu’on lui avait dit l’avait quand même inquiétée. La consultante en lactation IBCLC l’a soutenue pendant les premiers jours difficiles qui ont suivi la chirurgie. La mère a continué à allaiter exclusivement avec les 2 seins, avec une fréquence accrue des tétées pendant 3 semaines suite à une baisse de la lactation. Après ce délai, les tétées se sont à nouveau espacées. La prise de poids du bébé a été parfaitement normale pendant toute cette période. La plaie a cicatrisé très rapidement d’après les infirmiers qui assuraient les soins post-opératoires à domicile, mais pas assez vite du point de vue du chirurgien, qui a prescrit un médicament pour « couper » le lait, qui estimait que le souhait d’allaiter de cette mère était « un caprice », et que son bébé finirait bien par prendre les biberons lorsqu’il aurait assez faim. La mère a continué à allaiter, et la plaie a guéri sans le moindre problème.
Abcès du sein : attention aux situations cliniques parfois trompeuses !
Dr Camille Schelstraete, Généraliste, Consultante en Lactation IBCLC.
Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 63 (Avril - Mai - Juin 2005)
C est très intéressant ce que vous présentez comme cas cliniques. Je vous remercie.
Jai des abcès mammaire à répétition et je n'est jamais allaiter mes enfants
je trouve votre publication tres instructive et tres interessante je suis moi meme gynecologue obsterticenne a alger chu mustapha clinique naima a belcourt.
dans notre formation l a bces du sein n est pas aborde en detail par contre il fait partie des pathologies frequentes dans le post partum merci et bonne continuation bravo pour ce que vous faites
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