Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 59, LLL France, 2004
Il y a près de douze ans, en octobre 1992, nous consacrions un numéro d’Allaiter aujourd’hui à l’enfant hospitalisé (AA n° 13, Aux côtés de l'enfant hospitalisé). Nous y dénoncions la non-prise en charge de sa douleur, le fait que la place des parents était trop souvent niée, et la difficulté à maintenir l’allaitement en cas d’hospitalisation et d’opération.
On peut dire que, depuis, les choses ont évolué dans le bon sens, même si elles peuvent encore être améliorées. Il y a eu le plan Kouchner de lutte contre la douleur. Il y a eu l’action remarquable d’associations comme Sparadrap (1) qui lutte inlassablement pour que « l’enfant malade soit respecté dans ses besoins affectifs et relationnels en dépit des contraintes de la maladie et des traitements ».
La place des parents
On commence à admettre ce qui aurait dû toujours être une évidence, à savoir que la place des parents est auprès de leur enfant souffrant, même et surtout pendant les examens et traitements douloureux. Le Dr Didier Cohen-Salmon, président de Sparadrap, raconte que, dans un hôpital, on avait observé que certains enfants semblaient avoir très mal à la sortie de la salle de réveil. Un des médecins proposa de « faire venir un parent, puis d’évaluer la douleur de l’enfant en sa présence. On favoriserait ainsi ce qu’Annie Gauvain-Piquard (première pédiatre à s’être mobilisée, en France, sur la douleur de l’enfant) a appelé l’homéostasie émotionnelle indispensable à l’évaluation de la douleur de l’enfant. Cette suggestion est mise en place. Chacun peut le constater, en présence des parents, le niveau des pleurs diminue et, par conséquent, on peut mieux évaluer et soulager la douleur des enfants avant qu’ils ne retournent dans leur chambre » (2).
Cela dit, encore trop souvent, les parents doivent se battre pour rester avec leur enfant, pour dormir sur place, pour être là quand il se réveille de l’anesthésie, etc. Comme le raconte Meyriem : « La première intervention que mon fils a dû subir était la pose d’un cathéter. Et là, les ennuis ont commencé. Il était exclu que nous assistions à cette opération pourtant banale et nous sommes restés, mon époux et moi-même, derrière la porte, à entendre hurler notre petit garçon. C’était la dernière fois que j’acceptais de m’en séparer… Les fois suivantes, j’ai catégoriquement refusé de leur laisser mon enfant. J’ai dit que je n’étais pas là pour juger et critiquer le travail des infirmières, que je souhaitais seulement rassurer mon fils. »
Rappelons à cette occasion que si l’enfant est allaité, beaucoup d’examens et de traitements peuvent être faits alors qu’il est au sein. Plusieurs études (3) ont vérifié l’effet analgésique de la tétée au sein, en cas par exemple de prélèvement sanguin.
L’enfant allaité
Quand l’enfant est allaité, la présence de sa mère de jour comme de nuit (idéalement dans une chambre mère/enfant, mais elles sont encore trop peu nombreuses) permet de préserver l’allaitement, et donc de continuer à lui apporter à la fois un aliment de premier choix, facile à digérer et bourré d’anticorps, et une nourriture affective, qui l’aideront à supporter cette épreuve.
En cas d’opération sous anesthésie générale, on recommande traditionnellement de ne rien absorber par voie orale dans les huit heures précédant l’anesthésie. Des recherches ont pourtant montré qu’une période de jeûne plus raisonnable est de six heures pour le lait industriel, de trois ou quatre heures pour le lait maternel et de deux heures pour les liquides clairs (4) (certains auteurs sont même d’avis d’assimiler le lait maternel à un liquide clair). En effet, la vidange gastrique est beaucoup plus rapide pour le lait humain que pour le lait industriel : la moitié du lait absorbé a quitté l’estomac au bout de 48 min avec le lait humain, contre 78 min avec le lait industriel (5).
Il est donc utile d’en discuter à l’avance avec le chirurgien et l’anesthésiste.
De même, après l’opération et sauf contre-indication médicale, le bébé peut être remis au sein dès qu’il est suffisamment réveillé pour ce faire. Bien des mères et des bébés ont trouvé que l’allaitement les réconfortaient pendant cette période si stressante.
(1) Association Sparadrap, 48, rue de la Plaine, 75020 Paris, 01 43 48 11 80, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser., www.sparadrap.org. Voir notamment toutes les petites brochures qu’édite l’association et dont nous parlons régulièrement dans ces pages. On trouve sur le site une très bonne bibliographie sur le sujet.
(2) La Lettre de Sparadrap n° 8.
(3) Dont une faite à l’hôpital de Poissy/Saint-Germain. British Medical Journal 2003, n° 326, p. 13-15. Voir aussi Tétée contre douleur et l'article Au sein, même pas mal !, Spirale n° 42, 2007.
(4) Voir notamment : Ferrari LR et al, Preoperative fasting practices in pediatrics, Anesthesiology 1999 ; 90(4) : 978-80 ; Nicholson SC, Schreiner MS, Feed the babies, Babs 8/95. Voir aussi le protocole de l'ABM Recommandations pour le jeûne pré-opératoire chez l’enfant allaité.
(5) Cavell B, Gastric emptying in infant fed human milk or infant formula, Acta Pædiatr Scand 1981 ; 70(5) : 639-51.
En savoir plus
- Allaiter aujourd’hui n° 13
- Traité de l’allaitement maternel, LLLI, p. 218-322.
- Annie Gauvain-Piquard et Michel Meignier, La douleur de l’enfant, Calmann-Lévy, 1993.
- Le bébé à l’hôpital, sous la dir. De Patrick Bensoussan, Syros, 1995.
- Daniel Annequin, Avoir mal, c’est pas du jeu !
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