Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 61, LLL France, 2004
On estime que chaque année, dans le monde, cent millions de femmes doivent décider du type de contraception qu’elles utiliseront en post-partum. La décision concerne tant le mode de contraception que le moment à partir de laquelle elle sera mise en œuvre. Le choix peut être limité pendant l’allaitement, en raison de l’impact que peut avoir une contraception sur la lactation et sur l’enfant allaité. Dans l’idéal, la méthode choisie ne devrait pas interférer avec l’allaitement.
Nous avons traité de la MAMA dans le numéro 60 de la revue et n’y reviendrons donc pas ici.
La contraception hormonale
Elle peut être orale ou injectable ou sous forme d'anneau libérant de la progestérone, combinée ou uniquement progestative. Les hormones de synthèse, aux doses habituellement prescrites pour un usage contraceptif, ne semblent pas avoir un impact négatif significatif sur la santé des enfants, mais très peu d’études ont été effectuées sur le sujet. Lorsqu’une femme continue à allaiter alors qu’elle est enceinte, le fœtus et l’enfant encore allaité reçoivent des doses massives d’œstrogène et de progestérone maternels, sans que cela semble les affecter. Toutefois, il peut exister d’importantes différences dans la biodisponibilité et les effets biologiques entre les stéroïdes de synthèse et les stéroïdes naturels. L’âge de l’enfant et son stade de développement pourraient aussi jouer en la matière.
Les progestatifs seuls
Ils semblent la plupart du temps n’avoir aucun impact sur l’allaitement. Toutefois, leur utilisation en post-partum précoce peut interférer avec le démarrage de la lactation, qui est normalement stimulé par la chute brutale du taux de progestérone en post-partum précoce.
Un certain nombre de cas de baisse de la sécrétion lactée ont été rapportés, surtout avec la médroxyprogestérone (Voir Contraception par pilule progestative et baisse de la sécrétion lactée : 8 cas). Certains considèrent donc préférable d’attendre six semaines post-partum avant de commencer à les utiliser (ce sont d’ailleurs les recommandations actuelles de l’ANAES).
Les progestatifs donnés seuls sont à privilégier pendant les six premiers mois lorsque la femme souhaite une contraception hormonale.
La contraception orale combinée
Presque toutes les études concluent que la combinaison œstrogènes-progestatifs abaisse le volume de la sécrétion lactée, y compris sur une lactation bien installée. Des études portant sur des doses de 50 mcg d’éthinyloestradiol ont montré une nette baisse de la sécrétion lactée, ce qui amenait à supplémenter l’enfant et induisait un sevrage précoce. Les études portant sur 30 mcg/jour d’éthinyloestradiol (dose couramment utilisée actuellement) ont donné des résultats similaires. Il semblerait que l’abaissement de la sécrétion lactée serait dose-dépendant, et fonction de la précocité de la mise en œuvre de la contraception après l’accouchement.
Ce type de contraception peut donc être proposé pendant le sevrage, lorsque l’enfant consomme des solides en quantité suffisante, en prévenant la femme que même après ce délai un impact sur la lactation reste fréquent, surtout si elle envisage de poursuivre l’allaitement pendant encore un certain temps. Elle peut être utilisée plus tôt si la femme souhaite arrêter rapidement l’allaitement.
Les méthodes naturelles de régulation des naissances
Elles reposent sur l’observation des signes de la fertilité (glaire, mouvements et consistance du col de l’utérus, température, longueur du cycle), et suscitent de plus en plus d’intérêt. Elles sont difficiles à mettre en œuvre tant que la femme est aménorrhéïque. Toutefois, si la femme utilisait déjà ces méthodes avant sa grossesse, elle pourra avoir une expérience pratique qui en facilitera l’utilisation. La fertilité est basse pendant l’allaitement, et ces méthodes vont généralement surestimer le nombre de jours fertiles. Certains couples combineront ces méthodes avec une méthode locale supprimant les périodes d’abstinence. Pour un bon apprentissage de ces méthodes, il est utile de se faire aider par une personne expérimentée. Il faut savoir que l’apprentissage de ces méthodes est plus difficile pendant l’allaitement, avant le retour de couches.
Les méthodes locales
Elles peuvent toutes être utilisées pendant l’allaitement, car elles ne présentent strictement aucun risque pour l’enfant. Le préservatif, le diaphragme, la cape cervicale, les spermicides, peuvent être utilisés soit isolément, soit en association, pour chaque rapport ou seulement pendant les périodes fertiles du cycle, en fonction des préférences du couple.
Le DIU ou stérilet
Le risque plus élevé de perforation utérine et d’expulsion est moins élevé lorsqu’il est posé soit à la naissance (immédiatement après l’expulsion du placenta), soit après au moins quatre semaines, en ce qui concerne les stérilets au cuivre. Il est préférable d’attendre jusqu’à au moins six semaines post-partum pour poser un stérilet libérant de la progestérone. Ensuite, aucune étude n’a fait état de différences dans la survenue de complications entre les femmes allaitantes et les femmes non allaitantes.
La « pilule du lendemain »
Théoriquement, la prise d’œstrogènes est susceptible de modifier la sécrétion lactée. Toutefois, de nombreuses femmes ayant utilisé ce type de contraception d’urgence n’ont constaté aucun impact sur leur allaitement. Il peut être utile de prévenir la mère de cet effet secondaire théorique, et de lui dire que si cela survient, quelques jours de tétées plus fréquentes suffiront à ramener les choses à la normale.
L’interruption volontaire de grossesse
L’aspiration sous anesthésie paracervicale donne habituellement lieu à une hospitalisation d’une demi-journée. La mère peut reprendre l’allaitement dès que l’intervention est terminée.
Les méthodes médicamenteuses font appel à des prostaglandines E1 locales (Cervagème ovule®) ou per os (Cytotec®), ou à des prostaglandines E2 locales (Prostine E2 1 et 2 mg®) ou en IV (Nalador®, Prostine E2 10 mg/l®), ou à un analogue de la prostaglandine E1, le misoprostol (Gymiso®, Misoone®), ou à un anti-progestatif, la mifépristone (Mifegyne®, Miffee®).
Des essais d’utilisation des prostaglandines pour l’inhibition de la lactation ont été effectués ; à doses élevées, elles avaient un impact significatif. Il n’existe aucune donnée sur leur passage lacté. Toutefois, leur demi-vie est très courte, et il est donc improbable qu’elles puissent être excrétées à un taux significatif dans le lait. Et leur utilisation ponctuelle rend improbable un impact sur la sécrétion lactée. Elles sont considérées comme utilisables pendant l’allaitement.
"La mifépristone et le misoprostol sont recommandés pour l'interruption médicale de grossesse. Comme ils ne sont généralement administrés qu'en une seule fois, tout risque d'accumulation chez le nourrisson à la suite d'une exposition par le lait maternel est limité.Il n'existe pas de données sur l'effet direct de la mifépristone ou du misoprostol sur la lactation ou sur un nourrisson allaité.
Des données limitées suggèrent que les niveaux de mifépristone dans le lait sont faibles, en particulier lors de l'utilisation de la dose de 200 mg, et que l'allaitement peut être poursuivi en toute sécurité et de manière ininterrompue lors d'une IVG médicamenteuse.
Le misoprostol oral est excrété dans le lait maternel en petites quantités qui sont rapidement éliminées. Aucune interruption de l'allaitement n'est nécessaire lorsque le misoprostol est administré par quelque voie que ce soit."
(Extrait de Can mothers breastfeed after a medical termination of pregnancy ?, octobre 2020).
Une étude sur la mifépristone : Acta Obstet Gynecol Scand. 2010 ; 89(5) : 618-22. Medical abortion in lactating women--low levels of mifepristone in breast milk. Sääv I, Fiala C, Hämäläinen JM, Heikinheimo O, Gemzell-Danielsson K. Department of Woman and Child Health, Division of Obstetrics and Gynecology, Karolinska Institutet, Karolinska University Hospital, Stockholm, Sweden.
OBJECTIVE: Medical abortion using mifepristone followed by misoprostol is increasingly used for termination of an unwanted pregnancy. Consequently, an increasing number of women undergo medical abortion while still breastfeeding from a previous pregnancy. But there are no data on mifepristone use during lactation. We studied the levels of mifepristone in breast milk collected from women undergoing medical abortion.
DESIGN AND SAMPLES: Samples of milk were collected from 12 women during the first 7 days after intake of either 200 mg (n = 2) or 600 mg (n = 10) of mifepristone. In addition, serum samples were collected on day 3 (n = 4). Main outcome measures. The levels of mifepristone, quantified using radioimmunoassay.
RESULTS: The milk concentrations of mifepristone were highest in the first samples collected during the first 12 hours following drug intake, and ranged from undetectable (< 0.013 micromol/l) to 0.913 micromol/l). Thereafter, declining concentrations of mifepristone were detected up to 7 days. The lowest levels of mifepristone in milk were measured following ingestion of the 200 mg dose. The milk:serum ratio of mifepristone ranged from <0.013:1 to 0.042:1 on day 3 (n = 4). The calculated relative infant dose (RID) was 1.5 % at its highest.
CONCLUSIONS: The levels of mifepristone in milk are low, especially when using the 200 mg dose. Breastfeeding can be safely continued in an uninterrupted manner during medical abortion of this kind.
Soit : Le taux de mifépristone dans le lait est bas, notamment à la dose de 200 mg. L'allaitement peut être poursuivi sans danger et sans interruption pendant une IVG médicamenteuse de ce type.
Pour plus de renseignements (et notamment des références bibliographiques) voir l’article « Allaitement et régulation des naissances » dans les Dossiers de l’allaitement n° 60.
Un sondage sur le retour de couches
En 2019, la question suivante a été posée sur le groupe Facebook de LLL France : "Quel âge avait votre enfant quand vous avez eu votre retour de couches ?". 1 526 femmes ont répondu. Les âges se répartissaient ainsi (il n'y avait pas de question sur l'exclusivité de l'allaitement, la date de la diversification, etc.) :
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