Un article de Marie Courdent, animatrice LLL, IBCLC, DIULHAM, 2017, mis à jour en octobre 2021.
Régurgiter, puis sourire, et régurgiter à nouveau est banal pour un bébé. C’est presque physiologique. En effet, il boit des doses importantes de lait sous une forme liquide par rapport à son poids, reste longtemps allongé à plat dos. Son œsophage est relativement court. L’angle de Hiss,angle entre l’œsophage et l’estomac, est plus ouvert que le nôtre. Le sphincter inférieur de son œsophage se relâche facilement... autant de raisons pour renvoyer du lait, qui s’extériorisera par la bouche et ira mouiller bavoirs ou drap, ou restera un reflux interne.
Dans cette dernière situation, le lait fait comme dans un ascenseur dans l’œsophage, le bébé peut crachouiller a minima, se gratter la gorge, ré-avaler, mettre sa tête en arrière, en hyperextension car il est gêné dans l’arrière-gorge.
Les enfants allaités sont favorisés par rapport à ceux qui sont nourris avec du lait industriel infantile car, s'ils boivent peut-être plus souvent, c'est généralement des volumes moindres. Et surtout, la digestion, et plus précisément la vidange gastrique (de l’estomac) est plus rapide qu’avec du lait industriel infantile à base de lait de vache en poudre.
Quand un bébé régurgite beaucoup, souvent, non seulement le jour, ce qui est, on l’a vu, assez habituel (c’est bien pour cela qu’existent les bavoirs !), mais aussi la nuit et que cela occasionne,non seulement des quantités de lessive conséquentes, mais aussi une gêne importante pour le bébé, un inconfort qui se traduit par des pleurs fréquents, les mamans s’entendent parfois dire d’épaissir le lait.
Si cela est relativement facile avec du lait industriel infantile à base de lait de vache en poudre, car on ajoute, soit en usine, soit à la maison, une poudre à base de caroube ou de maïs (la pectine de pomme est de moins en moins utilisée à cause des risques d’effets secondaires), comment faire en cas d’allaitement maternel au sein ?
Tirer le lait et l’épaissir n’est pas une réponse satisfaisante pour les mamans allaitantes qui veulent garder cette relation unique avec leur bébé tétant au sein.
Au siècle dernier, dans les écoles de puériculture (CHR de Lille, 1973), on apprenait, pour épaissir le lait maternel et réduire les régurgitations, à utiliser de la caroube (Gumilk de la firme Gallia, en pharmacie ou sur internet au XXIe siècle), non pas mélangée au lait maternel dans un biberon, mais, pour respecter les tétées, avec de l’eau, à la dose de 3 %.
Attention, changement de poids : en 2021, la cuillère-mesure pèse dorénavant 1,5 g (et non plus 2 g). Cela correspond donc à 2 cuillères-mesures, soit 3 g de poudre de caroube Gumilk pour 100 ml d’eau, ou, pour moins de gâchis, une cuillère-mesure de 1,5 g pour 50 ml d’eau. La dose à donner à l’enfant est alors de 5 ml avant la tétée, soit une cuillère à café, ou 5 ml à la seringue (et éventuellement 5 ml de cette préparation à nouveau en cours de tétée) et l'on voit si, pour ce bébé-là, c’était efficace ou non.
Cette approche est à discuter avec le médecin qui suit l’enfant. Chez certains bébés, la caroube peut avoir un effet laxatif, d’où des coliques et des selles liquides, et l’essai sera donc arrêté.
Les boites font 400 g et leur prix, élevé, varie de 17 à plus de 20 €.
Pour un nouveau-né de moins d’1 mois, afin d’éviter des troubles intestinaux, la dose de 1 ml avant les tétées semble plus adaptée. On augmentera ensuite progressivement les doses, selon la tolérance de l’enfant.
D’autres approches sont à considérer en parallèle quand un enfant allaité régurgite beaucoup, au risque d’avoir une irritation de l’œsophage et donc un reflux gastro-œsophagien pathologique avec une œsophagite :
- Est-il gardé suffisamment longtemps en position verticale après les tétées pour faire ses rots ? Il circule une rumeur disant que les enfants nourris au sein ne font pas de rots. Elle n’a aucun fondement scientifique. Tous les humains, petits ou grands, ont une poche d’air dans l’estomac, et quand celle-ci est comprimée par un gros volume de lait, un rot gêne et finit pas sortir, accompagné ou non de lait.
- Les couches sont-elles trop serrées, entraînant une hyperpression abdominale ?
- Le bébé est-il souvent installé dans un maxi-cosy (et non en transat) qui a le même effet d’hypercompression abdominale ?
- Est-il porté en porte-bébé physiologique (c’est-à-dire qu’il est assis dans le porte-bébé, et non suspendu) dans la journée, dans la maison, pour réduire les régurgitations grâce à la position verticale ?
- La maman a t-elle un REF (Réflexe d’Éjection Fort) et/ou une hyperlactation à calmer ? Voir Réflexe d'éjection fort (REF) ?
- Le bébé tirerait-il profit d’une séance d’ostéopathie ou de chiropraxie ?
- Les régurgitations répétées, importantes, générant un inconfort marqué du bébé, seraient-elles un signe d’allergie à un aliment, qu’il ne consomme pas personnellement mais que sa mère mange ? En premier lieu, il faut considérer le lait de vache sous toutes ses formes. Un régime d’exclusion pour la maman de tous les laits animaux (vache, brebis, chèvre) sous toutes leurs formes, et des protéines de soja à cause des allergies croisées, pendant 3-4 semaines, pour voir s’il y a une amélioration franche des régurgitations, a t-il été envisagé avec le médecin ? Voir le dossier Allergies. Si les régurgitations fréquentes, qui entraînent un inconfort important du bébé, sont liées à une APLV (Allergie aux Protéines du Lait de Vache), il y a de grandes chances que l’utilisation du Gumilk pour épaissir le bol alimentaire ne soit pas efficace, car les régurgitations ne sont pas dans ce cas d’origine mécanique, mais allergique.
- Certains enfants ont besoin d’un traitement médicamenteux, et il faut savoir interpeller le médecin si l’enfant semble souffrir et pleure beaucoup.