Article paru dans les Dossiers de l'Allaitement n° 74 (Janvier – Février – Mars 2008)
Rôle de l’inflammation dans la dépression maternelle, et impact protecteur de l’allaitement
D’après : A new paradigm for depression in new mothers :
the central role of inflammation and how breastfeeding and anti-inflammatory treatments protect maternal mental health. K Kendall-Tackett. Int Breastfeed J 2007 ; 2 : 6.
Suivant les cultures, 10 à 20% des nouvelles mères présenteront une dépression du post-partum plus ou moins importante. Dans la mesure où la dépression peut avoir un important impact négatif sur la santé de l’enfant et de la mère, il est nécessaire de la dépister le plus tôt possible afin de la traiter efficacement. L’auteur fait le point sur les nouvelles connaissances psychoneuroimmunologiques en rapport avec la dépression, et discute de leurs implications chez les mères allaitantes.
La psychoneuroimmunologie (PNI) est une science en plein essor. Des études récentes ont constaté que l’inflammation était l’un des facteurs impliqués dans la pathogenèse de la dépression. Au départ, les chercheurs ont considéré que l’inflammation n’était que l’un des facteurs de risque parmi de nombreux autres. Toutefois, les recherches les plus récentes suggèrent un nouveau paradigme : le stress physique et psychosocial augmente le niveau d’inflammation. L’inflammation ne serait donc plus un simple facteur de risque, mais LE facteur de risque sous-jacent à tous les autres. Le niveau d’inflammation est significativement plus élevé pendant le dernier trimestre de la grossesse, ce qui rend la femme particulièrement vulnérable. En outre, l’adaptation au rôle de mère (manque de sommeil, douleur…) augmente le stress, qui augmente l’inflammation. Ce nouveau paradigme permet de répondre à une question importante : pourquoi les facteurs de stress physiques ou psychosociaux augmentent-ils le risque de dépression ? L’allaitement a également un rôle majeur à jouer dans l’état émotionnel de la mère. Des études ont montré que l’allaitement avait un impact calmant, qu’il abaissait le taux sanguin des hormones de stress, et la réactivité maternelle au stress. Il est donc particulièrement important de le préserver.
Inflammation et dépression
Afin de comprendre le rôle de l’inflammation dans la dépression, il est utile de connaître le mécanisme des réponses physiologiques au stress. Le système nerveux sympathique répond par la sécrétion de catécholamines (adrénaline, noradrénaline, dopamine), l’axe hypothalamo-hypophysaire (AHH) répond en sécrétant de l’hormone corticotrophine (CRH), de la corticostimuline (ACTH), le cortex surrénalien sécrète du cortisol, et le système immunitaire réagit en augmentant la production de cytokines pro-inflammatoires. Le niveau d’inflammation peut être plus élevé de 40 à 50% chez les personnes déprimées. Ce niveau influence le taux de catécholamines, ainsi que l’AHH, qui contrôle à son tour la sécrétion de cortisol. L’allaitement atténue l’impact du stress en abaissant la sécrétion d’ACTH, de cortisol, d’adrénaline et de noradrénaline. La dépression est également corrélée à des anomalies du système immunitaire. Pendant longtemps, on a pensé que la dépression induisait une immunosuppression. Toutefois, les études récentes montrent qu’elle induit plutôt des dysfonctionnements, avec inhibition de certaines réponses, et accentuation d’autres réponses. En l’occurrence, elle augmente la production de cytokines pro-inflammatoires, ainsi que celle de protéines telles que la protéine C-réactive (CRP). Les principales cytokines en cause sont l’interleukine-1béta (IL-1béta), l’interleukine-6 (IL-6), le TNF-alpha, et l’interféron-gamma. Leur augmentation dans certaines limites est normale dans certaines circonstances, pour aider à prévenir les infections. Mais une augmentation trop forte induira des troubles tels qu’altérations du sommeil, de l’appétit, de l’activité physique, de la libido, et de la socialisation. Il se crée un cercle vicieux : l’inflammation augmente le risque de dépression, et la dépression augmente le niveau d’inflammation.
La dépression peut également influencer l’AHH. Le cortisol a pour rôle de contrôler les réponses inflammatoires. Cependant, les personnes déprimées semblent répondre moins bien au cortisol. Une étude de Miller et al sur 72 femmes a constaté que celles qui étaient déprimées avaient des taux plus élevés d’IL-6 et de TNF-alpha et une réponse plus faible aux corticoïdes en réponse à un stress que les femmes qui n’étaient pas déprimées. Groër et Morgan ont fait la même constatation. Un certain nombre d’études ont constaté que la dépression augmentait le risque d’accouchement prématuré. Leurs auteurs soulèvent diverses hypothèses : augmentation du taux de cortisol, qui augmente le taux de CRH, qui déclenche l’accouchement ; ou augmentation du taux des cytokines pro-inflammatoires, qui accélèrent la maturation du col, et de la prostaglandine E2, qui joue un rôle important dans les contractions utérines. La prise de suppléments d’acide docosahexaénoïque (DHA), un acide gras en oméga-3 qui a des propriétés anti-inflammatoires, avait augmenté la durée de la grossesse de 6 jours en moyenne chez des femmes afro-américaines.
Stress physique et psychologique
La fatigue et les troubles du sommeil sont des facteurs de stress qui augmentent le risque de dépression, et qui ont un impact négatif sur la santé, même chez les personnes non déprimées. Les troubles du sommeil augmentent le taux de cortisol, de glucose, d’insuline, ainsi que la résistance à l’insuline. Ils sont la règle chez les nouvelles mères, et certains bébés se réveillent longtemps la nuit. Là aussi se crée un cercle vicieux : le manque de sommeil favorise la dépression, et la dépression favorise les troubles du sommeil. Des études polysomnographiques ont constaté des différences dans la qualité du sommeil entre des personnes déprimées et non déprimées, qui ont également pour résultat que la personne est plus fatiguée pendant la journée. Elles ont également permis de constater une corrélation entre la latence du sommeil REM (un marqueur de troubles du sommeil) et les taux d’IL-6 et d’ICAM (molécule d’adhésion intercellulaire, un autre marqueur de l’inflammation). Une autre étude a constaté une corrélation positive entre le niveau de fatigue à 4 semaines post-partum et le taux d’IL-1béta. Et une étude a constaté que les mères qui étaient stressées, fatiguées et déprimées avaient des taux sériques et lactés plus bas de prolactine, et un taux lacté plus élevé de mélatonine, l’hormone qui régule les rythmes circadiens.
La douleur est un autre facteur de risque pour le stress, l’inflammation et la dépression. Elle est fréquente en post-partum : suites de l’accouchement, difficultés d’allaite-ment… Les relations entre la douleur et l’inflammation sont elles aussi bidirectionnelles : la douleur augmente le niveau d’inflammation, et les cytokines pro-inflammatoires augmentent la douleur. Une étude a constaté que la substance P, un neuropeptide dont le taux est élevé chez les personnes qui souffrent, était élevé dans le liquide céphalo-rachidien des personnes déprimées. Un taux élevé de substance P est corrélé à une baisse du taux de sérotonine, ce qui augmente le risque de dépression. Par ailleurs, les cytokines pro-inflammatoires augmentent entre autres la synthèse de la prostaglandine cyclo-oxygénase-2 (COX-2), qui augmente la douleur. Le manque de sommeil augmente la douleur, lui aussi. Une exception intéressante au phénomène douleur/troubles du sommeil est le co-sommeil. Des études polysomnographiques sur des mères allaitantes qui dorment avec leur bébé ont montré que ces mères passaient moins de temps en sommeil profond que les mères qui ne dormaient pas avec leur enfant, sans que cela ait d’impact négatif sur la mère. Le co-sommeil pourrait être moins fatigant pour la mère, qui n’a pas besoin de se réveiller complètement pour nourrir son bébé.
Les traumatismes psychologiques peuvent favoriser la dépression. Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) survient lorsqu’une personne a subi un événement particulièrement traumatisant pour elle sur le plan psychologique. Le post-partum est, là encore, une période favorable au SSPT. L’accouchement peut avoir été très mal vécu par la femme, ou réactiver des traumatismes psychologiques passés. Un accouchement difficile a souvent pour corollaire un démarrage difficile de l’allaitement. Une femme qui a des antécédents de dépression ou de SSPT sera plus vulnérable aux stress, et aura des réponses pro-inflammatoires plus intenses. On sait que les sévices subis pendant l’enfance ont un impact à long terme, et induisent une hypersensibilité au stress persistante.
L’allaitement est bénéfique pour la mère et l’enfant
Prévenir et traiter la dépression maternelle nécessitera d’agir à différents niveaux. Le premier objectif sera d’abaisser le niveau maternel de stress. Et un moyen important d’y parvenir est d’encourager la mère à allaiter, et de la soutenir dans son allaitement. Comme cela a été dit ci-dessus, l’allaitement abaisse les réponses au stress. Il aide la mère dans son maternage, et la protège sur le plan émotionnel. Or, les mères déprimées sont plus enclines à sevrer rapidement, et elles ont des taux sériques plus bas de prolactine. L’allaitement exclusif protège également la mère des effets néfastes du stress sur le système immunitaire. L’allaitement protège également le bébé vis-à-vis de l’impact négatif chez lui d’une dépression maternelle, probablement parce qu’une mère qui allaite doit avoir des contacts physiques étroits et réguliers avec son bébé, tandis qu’une mère qui nourrit son enfant au lait industriel n’a même pas besoin de prendre son enfant dans ses bras pour le nourrir, ce qui favorise le désengagement maternel.
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Traitements non conventionnels de la dépression chez la femme enceinte et allaitante
D’après : Selected integrative medicine – Treatments for depression : considerations for women. MP Freeman, C Helgason, RA Hill. J Am Women Health Ass 2004 ; 59(3) : 216-24.
Les auteurs font le point sur les recherches publiées entre 1966 et 2004 sur les traitements non conventionnels de la dépression féminine, en prenant tout particulièrement en compte l’innocuité pendant la grossesse et l’allaitement. Cette étude n’est pas exhaustive, dans la mesure où les auteurs se sont limités aux traitements pour lesquels il existait des études fiables, en particulier des études randomisées en double aveugle, évaluant l’impact de ces thérapies.
Les acides gras polyinsaturés en oméga 3
Ils sont retrouvés dans le poisson et dans certaines plantes. Les plus connus sont l’acide eicosapentaénoïque (EPA), l’acide docosahexaénoïque (DHA) et l’acide linolénique. On estime actuellement que leur impact sur la dépression se ferait par le biais de l’augmentation de l’inhibition sérotoninergique de la la protéine kinase C, et par leur effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur. Hibbeln (Lancet 1998, J Affect Disord 2002) a constaté une relation inversement proportionnelle entre la quantité de poisson consommée par la femme et le risque de dépression post-natale, lors de grandes études transversales. 3 études randomisées en double aveugle ont fait état d’une efficacité de ces acides gras en traitement d’appoint de la dépression sévère résistant à un traitement classique. Une étude a fait état d’un taux plus bas de dépression post-natale chez des mères supplémentées en oméga 3. D’autres études donnent des résultats moins nets. Il semble que l’impact de ces acides gras pourrait être fonction des acides gras donnés, de leur dosage, de leur durée d’utilisation… Aucun effet secondaire n’a été rapporté suite à leur utilisation pendant la grossesse.
Le millepertuis
Il est devenu très populaire, en particulier en Europe. Son impact semble être lié à son effet inhibiteur de la recapture d’un certain nombre de neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, noradrénaline, GABA, L-glutamate…). Des études ont constaté qu’il était plus efficace qu’un placebo pour le traitement d’une dépression légère ou d’intensité moyenne, et qu’il était au moins aussi efficace qu’un antidépresseur courant, tout en induisant moins d’effets secondaires. Il semblerait qu’il soit également efficace pour le traitement des dépressions importantes ou des dépressions saisonnières. Toutefois, une étude comparant l’impact du millepertuis, de la sertraline ou d’un placebo n’a constaté aucune différence entre les 3 groupes suivis ; et une autre étude n’a constaté aucune différence entre le groupe traité par millepertuis et le groupe placebo. Le millepertuis est à l’origine d’interactions médicamenteuses, en particulier avec les contraceptifs oraux. Son excrétion lactée a été étudiée ; seuls l’un des principes actifs du millepertuis était détectable dans le lait, et aucun n’était détectable dans le sang des bébés.
La S-adénosine-méthionine (SAM)
Elle est naturellement présente dans notre organisme. Son taux est particulièrement important dans le foie et le cerveau, et elle est utilisée pour la synthèse de diverses molécules, en particulier la dopamine et la sérotonine. Les personnes souffrant de dépression sévère ont un taux plus bas de SAM dans le liquide cérébrospinal que les personnes témoin, et une supplémentation en SAM augmente ce taux. Les études portant sur la SAM font état d’une efficacité significative dans le traitement de la dépression sévère, similaire à celle des tricycliques, et d’une bonne tolérance. Il n’existe aucune donnée sur son utilisation pendant la grossesse ou l’allaitement.
Les folates jouent un rôle important dans notre organisme. L’un des mécanismes possibles pour leur efficacité contre la dépression est leur action sur l’homocystéine, qui est ensuite convertie en SAM. Une étude a constaté une baisse plus importante de la dépression chez des femmes qui recevaient des folates que chez celles recevant un placebo en plus d’un antidépresseur courant. De plus, ce produit est très bien toléré. Une supplémentation en folates est recommandée pendant la grossesse pour abaisser le risque d’anomalie du tube neural.
Le 5-hydroxytryptophane
C’est un autre supplément alimentaire souvent recommandé. C’est un métabolite du L-tryptophane, trouvé dans l’alimentation. Il est ensuite converti en sérotonine. Il n’existe que 2 études de bonne qualité à son sujet, qui concluent toutes les 2 qu’il est plus efficace qu’un placebo pour le traitement des dépressions. Il n’existe aucune donnée sur son utilisation pendant la grossesse ou l’allaitement.
L’exercice physique
Il a la réputation d’abaisser le risque de dépression. Toutefois, les études sur le sujet ne permettent pas de donner une conclusion fiable, probablement en raison de problèmes méthodologiques. Les auteurs d’une méta-analyse récente (Lawlor, 2001) notaient un impact sur le risque de dépression, tout en reconnaissant que les biais méthodologiques limitaient cette constatation. L’impact pourrait se faire par le biais de facteurs physiologiques (sécrétion d’endorphines, impact sur l’axe adrénergique…) ou psychosociaux. Dans une étude randomisée évaluant l’impact de l’exercice physique, seul ou combiné avec la prise d’un antidépresseur classique, chez des personnes souffrant de dépression grave, une amélioration significative était constatée dans tous les groupes, cette amélioration étant toutefois plus rapide dans le groupe exercice physique + antidépresseur. On ne peut que recommander la pratique régulière de séances d’exercice physique, en particulier chez les femmes enceintes et allaitantes ; cette pratique a un coût très modeste, et présente de nombreux avantages sur le plan de la santé.
L’acupuncture
Il n’existe qu’une seule étude randomisée en double aveugle évaluant l’efficacité de cette médecine traditionnelle chinoise dans le traitement de la dépression, qui a constaté l’efficacité de l’acupuncture, avec moins d’effets secondaires qu’un traitement classique. Son utilisation pendant la grossesse doit être très prudente, pour éviter une stimulation anormale de l’utérus.
La luminothérapie
Elle s’est avérée aussi efficace que les antidépresseurs pour le traitement de la dépression saisonnière, mais aussi en cas de dépression non saisonnière. Son mécanisme d’action reste mal connu, mais semble impliquer les neurotransmetteurs sérotoninergiques. Cette thérapie est particulièrement intéressante chez les femmes enceintes et allaitantes, chez qui des études randomisées en double aveugle ont constaté son efficacité.
En conclusion
Les données actuelles permettent de penser que ces traitements non conventionnels de la dépression constituent une alternative ou un traitement d’appoint fiable et habituellement très bien toléré de la dépression chez les femmes. Certains produits peuvent être difficiles à acheter dans certains pays, et ils ne sont pas remboursés par les assurances maladie. Chez la femme enceinte ou allaitante, les acides gras oméga 3, les folates, et l’exercice physique sont tout particulièrement recommandés pour leurs autres avantages. Il sera nécessaire de prendre en compte les interactions médicamenteuses en cas de traitement par le millepertuis. D’autres études sur ce type de traitements seraient nécessaires.
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Bonjour, je ne lis pas du tout cette phrase de la même façon que toi Lucie. Je ne lis pas que les mères non-allaitantes prennent moins leur bébé dans les bras, mais qu'en cas de dépression (post-partum ou chronique), il sera plus "facile" pour une mère allaitante de prendre son bébé dans les bras (pas forcément moins pesant mais de fait, pour l'allaiter, elle le prendra dans ses bras, qu'elle en est "envie" ou non).
Et c'est exactement ce que j'ai vécu.
Le lien avec mon fils a été long à rétablir/construire; et je me demande souvent si nous aurions réussi à le faire si l'allaitement ne nous avait pas liés physiquement, en attendant que le reste (le coeur et la tête) ne (re)vienne. J'ai parfois eu l'impression que l'allaitement me pesait et l'on me demandait pourquoi je le poursuivais (en premier lieu la PMI et la psychiatre du centre hospitalier).
Je l'ai allaité trois ans et je sais maintenant comme je pressentais alors que si je ne l'avais pas fait, j'aurais pu "laisser partir" cet enfant (abandon? gardes supplémentaires?). Il m'est arrivé de le changer "comme un robot" et si je ne l'avais pas allaiter, je ne l'aurais pas pris dans mes bras. Clairement.
Merci à mon groupe local de la LLL qui, sans le savoir (je n'en ai jamais parlé dans cet espace) a permis cela. M'y rendre tout les mois était un rituel important. Je m'y suis rendu compte que l'allaitement de mon fils était très facile (techniquement, par rapport à d'autres), que le problème était ailleurs... L'allaitement a recollé les bouts, dans notre cas.
"L’allaitement protège également le bébé vis-à-vis de l’impact négatif chez lui d’une dépression maternelle, probablement parce qu’une mère qui allaite doit avoir des contacts physiques étroits et réguliers avec son bébé, tandis qu’une mère qui nourrit son enfant au lait industriel n’a même pas besoin de prendre son enfant dans ses bras pour le nourrir, ce qui favorise le désengagement maternel."
--> est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous écrivez et à quel point vous pointez du doigt les mamans qui ont choisis de ne pas allaiter ? Pensez-vous vraiment que les mères qui n'allaitent pas ne prennent pas la peine de prendre leur enfant dans les bras ?
Je crie haut et fort oui à l'allaitement, mais il y a souvent dans vos articles des propos culpabilisants (pour celles qui ont des difficultés avec leur allaitement, ou celle qui ne le font pas), alors qu'il serait si simple de respecter les choix de chacune, la maternité étant déjà par essence une période où l'on a tendance à (trop?) se remettre en question à force de vouloir bien faire.
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