Cet article a été publié dans Allaiter aujourd'hui n° 36, LLL France 1998. Mise à jour dans AA 88/97.
"Allaitement" et "bébé malade", voilà des mots qui ne semblent pas bien aller ensemble.
Pourtant un bébé allaité peut être malade.
Soit qu'il soit né avec une affection, plus ou moins grave, plus ou moins chronique (par exemple une malformation cardiaque ou une mucoviscidose).
Soit qu'il tombe malade alors qu'il est allaité. En effet, même si d'un point de vue épidémiologique, les bébés allaités sont nettement moins souvent et moins gravement malades que ceux nourris au lait artificiel (1), l'allaitement n'en est pas pour autant une "assurance tous risques" qui garantirait que le bébé ne soit jamais malade.
Au fil des numéros d'Allaiter aujourd'hui, nous avons déjà abordé le thème de l'allaitement du bébé hospitalisé (2), du bébé handicapé, atteint d'une fente labio-palatine, cardiaque (3). Nous n'en reparlerons donc pas dans le présent dossier (4).
Le réconfort du petit malade
Quand un bébé est malade, il a encore plus besoin d'être allaité. Il ne se prive d'ailleurs pas de le faire savoir : il veut constamment être "à bras", le sein dans la bouche.
C'est que l'allaitement lui apporte alors tout ce dont il a besoin pour mieux supporter sa maladie : le contact rassurant de sa mère, un aliment complet et parfaitement digeste, qui sera souvent la seule nourriture acceptée par son organisme (donc moins de vomissements, et un risque moindre de déshydratation). Il est fréquent de voir un bébé qui mange déjà de bonnes quantités de solides, se remettre à un allaitement complet quand il est malade.
Mais comme le dit une mère, "allaiter un bébé malade, c'est (non seulement) adoucir sa souffrance, mais aussi hâter sa guérison : tout ce qu'une mère peut souhaiter en pareille circonstance".
En effet, tous les facteurs anti-infectieux que contient le lait maternel (anticorps, facteur bifidus, interféron, lactoferrine, lymphocites, etc.) se mettent alors en branle pour combattre la maladie. Et cela selon plusieurs mécanismes bien décrits par le Dr Jack Newman dans son article de Pour la science (5) : "Certaines molécules se lient aux micro-organismes dans les intestins, les empêchant de se fixer sur la muqueuse et de traverser cette couche de cellules. D'autres molécules diminuent la disponibilité de sels minéraux et de vitamines dont les bactéries ont besoin pour survivre dans le système digestif. Certaines cellules immunitaires du lait humain attaquent directement les micro-organismes, d'autres libèrent des substances qui stimulent les réactions immunitaires du nourrisson".
Autrement dit, le lait maternel empêche les microbes de passer, les affame ou leur tombe dessus ; et la plupart du temps, il fait tout ça à la fois !
Des anticorps spécialement adaptés
On sait maintenant que les anticorps du lait maternel sont spécifiquement dirigés contre les agents pathogènes présents dans l'environnement immédiat de la mère et de l'enfant, et donc éventuellement responsables de sa maladie : "La mère synthétise des anticorps lorsqu'elle rencontre des agents pathogènes, soit par contact, soit par absorption, soit par inhalation. Chaque anticorps est spécifique d'un antigène (molécule étrangère ou micro-organisme) : il ne se lie qu'à cet antigène, sans perdre de temps à attaquer des substances anodines" (5).
C'est vraiment du "sur-mesure" : à chaque microbe son ennemi !
Diarrhées, gastros...
On sait que l'allaitement diminue énormément le risque de diarrhée chez le nourrisson, y compris dans les pays développés : taux de maladie diarrhéïque trois fois moins élevé, d'après une étude de 1986 (6).
On sait aussi que les bébés allaités peuvent avoir des selles nombreuses et très molles - voire parfois verdâtres - sans avoir pour autant la diarrhée (7).
Il n'en reste pas moins que les bébés allaités ont parfois la diarrhée (définie par plus de 12 selles par jour, des selles liquides, sans substance et dégageant une odeur fétide), et dans ce cas il ne faut surtout pas arrêter l'allaitement.
Comme le lait maternel se digère très rapidement, même si le bébé vomit ou a la diarrhée, il absorbera quand même une certaine quantité de liquides et d'éléments nutritifs.
Toutes les recherches ont montré que la poursuite de l'allaitement diminue significativement la durée et la gravité de la diarrhée aiguë (8), ainsi que le risque de déshydratation.
Vomissements
En cas de vomissements (9) comme en cas de diarrhée, si le bébé accepte d'absorber quoi que ce soit par voie orale, la meilleure chose qu'il peut prendre, c'est du lait maternel. Comme celui-ci se digère très rapidement, même s'il en vomit la plus grande partie, il absorbera quand même une certaine quantité de liquides, d'éléments nutritifs... et d'anticorps.
Des tétées courtes et fréquentes réconforteront le bébé, préviendront le risque de déshydratation et diminueront le risque de le voir tout rejeter aussitôt.
Rhumes, otites
Là aussi bien sûr, le lait maternel est la meilleure médecine préventive et curative (10).
La difficulté est qu'il arrive que le bébé ait alors du mal à téter. Lorsqu'il est enrhumé, il peut lui être impossible de respirer par le nez alors qu'il tète. Et s'il a une otite, la tétée peut être douloureuse, car la succion augmente la pression dans les oreilles.
S'il refuse de téter, il peut être nécessaire de temporairement tirer son lait et le lui donner (si possible autrement que dans un biberon : cuiller, gobelet, etc.), tout en essayant régulièrement de le remettre au sein. Dès qu'il ira mieux, il reprendra le sein avec plaisir.
Les maladies chroniques
Nous n'avons pas voulu aborder dans cet article le chapitre des maladies chroniques. Mais il est évident que sauf quelques très rares contre-indications (11), l'allaitement améliore la qualité de vie de l'enfant malade chronique, l'aide à guérir ou du moins à stabiliser au mieux son affection (12).
Et dans certains cas (déficit enzymatique, par exemple), le lait maternel, c'est la vie, tout simplement.
(1) Voir "Le lait maternel, c'est bon pour la santé !", AA n° 27.
(2) Voir AA n° 13.
(3) Voir AA n° 24.
(4) Contentons-nous de signaler qu'il y a maintenant un consensus des experts pour dire qu'un bébé allaité peut téter jusqu'à trois heures avant une opération avec anesthésie. Voir par exemple Schreiner M. Preoperative and postoperative fasting in children. Ped Clinics N Amer 1994 ; 4(1) : 111-20.
(5) "L'allaitement maternel protège le nourrisson", Pour la science, n° 220, février 1996. Cet article est très complet sur les substances et les mécanismes qui protègent les enfants allaités des infections. Sur ce sujet, voir aussi "Propriétés immunologiques du lait maternel", Dossiers de l'allaitement, n° 25, p. 14-16.
(6) Am J Dis Child 140 : 1164-68.
(7) Des selles constamment vertes et liquides peuvent être le signe que le bébé réagit à un aliment ou un médicament particulier, ou qu'il absorbe trop de lait "de début de tétée" riche en lactose.
(8) Haffejee, J. Cow's milk-based formula, human milk, and soya feeds in acute infantile diarrhea : a therapeutic trial, J Ped Gastro Nutr 1990 ; 10 : 193-98.
(10) Chez certains peuples, on voit même les femmes allaitantes presser directement du lait de leur sein dans l'oreille de personnes souffrant d'otites !
(11) Voir AA n° 33.
(12) Pour plus de renseignements, adressez-vous à une animatrice LLL.
Témoignage
Caty : En janvier dernier, ma petite Judith (2 mois) a été hospitalisée pour une bronchiolite.
Nous avons passé neuf jours dans l'unité mère-enfant. Les premières vingt-quatre heures, on l'a perfusée et l'on m'a interdit de l'allaiter sous prétexte de ne pas la fatiguer. Ce fut terrible : elle a hurlé plusieurs heures sans discontinuer. Je tirais mon lait toutes les deux heures, à côté d'elle, avec un engorgement de plus en plus douloureux. Je pensais que ses pleurs devaient la fatiguer bien davantage qu'une tétée, mais j'étais trop déstabilisée pour passer outre les ordres du corps médical.
Quelle joie lorsque, le lendemain matin, j'ai enfin pu lui donner le sein !
Pendant les huit jours qui suivirent, l'allaitement a été, pour elle comme pour moi, le plus grand des réconforts. Pour ce qui est des aspects pratiques, le fait de l'allaiter m'a donné "droit" à une chambre individuelle avec un lit pour moi (il n'y en a que trois dans tout le service, et elles sont réservées aux mères qui allaitent). Cela peut sembler bassement matériel, mais après avoir passé les 48 premières heures dans un box vitré assise sur un fauteuil, avec mon bébé dans un horrible lit-cage, j'ai apprécié l'intimité d'une vraie chambre, protégée des regards extérieurs, où j'ai pu coucher mon bébé avec moi. Par ailleurs, seules les mères allaitantes étaient nourries par l'hôpital : grâce à l'allaitement, j'ai donc pu prendre tous mes repas dans la chambre, sans avoir à quitter mon bébé !
L'allaitement a aussi permis à ma petite fille de ne pas dépendre du personnel (dévoué mais débordé !) pour les repas : de jour comme de nuit, Judith mangeait à la demande, contrairement aux autres bébés qui devaient attendre en pleurant le passage à heures fixes (une fois avec 1 h 1/4 de retard !) des infirmières apportant les biberons. C'est peu de chose quand on le raconte, mais j'ai encore le cœur serré au souvenir de ces bébés souffrants et désorientés, qui, outre la peur et la douleur, devaient encore hurler de faim plusieurs fois par jour.
Mais le plus important a sans doute été l'aspect "consolateur" de l'allaitement : après les pénibles séances de kiné respiratoire (quatre par jour au début !), je mettais immédiatement Judith au sein. Ses pleurs se calmaient instantanément, elle fermait les yeux, je la serrais contre mon cœur, et elle s'endormait avec de grands soupirs. J'avais vraiment le sentiment de pouvoir l'aider dans l'épreuve qu'elle traversait. J'attribue aussi à l'allaitement le fait que mon bébé ait récupéré exceptionnellement vite (au dire même du personnel soignant) et sans séquelles. Le lait maternel étant parfaitement digeste, pourvu d'anticorps et fourni dans un contenant hautement gratifiant, je pense que l'organisme de Judith a pu se consacrer entièrement à sa guérison, sans avoir à gérer de problèmes parasites (digestifs ou affectifs). Allaiter un bébé malade, c'est adoucir sa souffrance et hâter sa guérison : tout ce qu'une mère peut souhaiter en pareille circonstance.
(Allaiter aujourd'hui n° 36)
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de cet article.
Bonjour et merci pour vos articles,
Je me pose beaucoup de questions quant à l'efficacité de mon allaitement suite à un hiver très difficile avec des otites, des rhinopharyngites et des bronchites à répétitions. Notre petit garçon, de 22mois, est entré à la crèche en septembre dernier et les infections se sont enchaînées depuis. Avant la collectivité il n'avait jamais été malade et je me félicitais de mon maternage par l'allaitement, le portage et le cocodo... Nous allons entamer un suivi médical chez un pneumopediatre et faire un bilan Orl (1ans d'attente). Le simple fait de me faire rappeler que je suis une source de réconfort pour mon enfant m'encourage à poursuivre mon allaitement et à écouter mon enfant plutôt que les mauvaises langues qui me font douter de moi même.
Mon Dieu, que vous avez dû avoir peur.
Et non, l'allaitement n'est pas une garantie à 100 %...
Apparemment votre bébé a eu un syndrome hémolytique et urémique, une maladie grave et heureusement rare, causée habituellement par un Escherichia Coli, mais pas n'importe lequel, une souche productrice d'entérotoxines responsables de la gravité des symptômes. L'insuffisance rénale aiguë (qui causait les œdèmes) explique que la quantité de protéines reçues devait être étroitement contrôlée, et c'est pour ça que le lait maternel a été suspendu. Par contre, on peut se demander pourquoi un lait artificiel de substitution à base d'hydrolysats de protéines (pour bébé allergique aux protéines de lait de vache) a été poursuivi après la sortie d'hospitalisation.
Exception qui confirme la règle, bébé n°1 allaitement exclusif à attrapé une gastro a 1 mois en plein été. Personne n'était malade autour. J'ai dû arrêter l'allaitement car les intestins ne remplissaient plus leur travail ce qui entraînait une augmentation du volume d'eau dans son corps (oedème généralisé)- anémie sévère car sang dilué (2 transfusions) - Augmentation considérable du volume de son abdomen = irrigation des jambes très difficile. Reprise de l'alimentation après 10j pas sonde naso gastrique avec du lait artificiel dépourvu de protéine. J'ai été autorisé à reprendre l'allaitement 2 mois après, je n'avait plus de lait ...
Merci pour ce témoignage extrêmement touchant de cette mère avec sa petite Judith à l’hôpital. C’est d’une douceur et d’une sensibilité rare. Je souhaite à toutes les mères qui vivent un moment si difficiles de pouvoir avoir cette ressource qui est décrite par cette mère. Bravo et toutes mes pensées aux mères du monde qui vivent des situations difficiles psychologiques, sociales et physiques.
Gabrielle-Rachel
Sublime texte, mon bébé a un rhume il a bientôt 7mois, je l'allaite depuis sa naissance. J'espère que ça va vite passer.
Même si l'allaitement a été très dur au début dut à ma fatigue, je ne regrette pas d'avoir persévérer !
C'est super de savoir que non seulement le lait maternel nourrit et console son enfant mais qu'il l'aide aussi à guérir plus vite quand il est malade.
Merci pour cet article, ca fait du bien de le lire en cette période de retour des gastro-entérites !
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