Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 34, LLL France, 1999
Le premier numéro d'Allaiter aujourd'hui sur le sommeil des bébés date déjà de cinq ans (AA n° 10, janv-fév-mars 1992), et nous avons eu envie de revenir sur le sujet en publiant des extraits d'un article d'abord paru dans Slate Magazine et repris dans Time en avril dernier.
Les techniques d'"apprentissage du sommeil" qui y sont décrites sont très connues aux États-Unis. Même si elles le sont moins en France, on les trouve quand même préconisées dans un certain nombre d'ouvrages, notamment Le sommeil, le rêve et l'enfant, de Marie Thirion et Marie-Josèphe Challamel. Signalons que l'ouvrage de Richard Ferber a été publié en français en 1990 (Protégez le sommeil de votre enfant, ESF éditeur).
Voici donc le point de vue très polémique de Robert Wright sur le sujet, point de vue qui rejoint ce que dit LLL depuis toujours (même si nous ne pensons pas que le "lit familial" soit la seule et unique option possible, valable pour toutes les familles).
Point de vue de Robert Wright
Travaux de McKenna
Le point de vue de Richard Wright
Chaque nuit, des milliers de parents, obéissant aux conseils courants en matière de puériculture, procèdent à un rituel assez terrifiant. Ils posent leur bébé âgé de quelques mois dans son berceau, quittent la pièce puis s'appliquent à ignorer ses pleurs. Ceux-ci peuvent durer vingt à trente minutes avant qu'un des parents soit autorisé à retourner le voir. II peut alors donner de petites tapes à l'enfant, mais sans le prendre dans les bras, puis doit rapidement quitter à nouveau la pièce, après quoi généralement les pleurs reprennent. Au bout d'un certain temps, le sommeil finit par venir, mais le rituel se répète à chaque réveil de l'enfant tout au long de la nuit.
Les choses se passent de la même façon la nuit suivante, sauf que les parents doivent attendre cinq minutes de plus avant le tapotage autorisé. Cela dure une semaine, deux semaines, voire même un mois. Si tout va bien, le jour arrive enfin où l'enfant s'endort sans faire d'histoires et "fait ses nuits" sans se réveiller. Pour Papa et Maman, c'est la fête.
Cela s'appelle "ferberiser" un enfant, du nom de Richard Ferber, le spécialiste américain bien connu du sommeil des bébés. Beaucoup de parents trouvent ses conseils de dressage très durs, mais ils persistent à les suivre car on les a convaincus de leur innocuité. Ferber fait passer ce rituel pour une progression naturelle de l'enfant vers l'autonomie. Ce qui, à une oreille non avertie, évoque les pleurs désespérés d'un bébé se sentant abandonné, est décrit par Ferber comme "l'apprentissage de nouvelles associations d'idées". Je dois maintenant vous avouer quelque chose : ma femme et moi sommes des "ferberiseurs" ratés. Lorsque notre première fille s'est révélée capable de pleurer pendant 45 minutes d'affilée, nous avons craqué et l'avons laissée dormir dans notre lit. À la naissance de notre seconde fille, nous n'avons même pas pris la peine d'installer le berceau.
Qu'est-ce qui nous a donné l'audace d'aller à l'encontre du courant dominant en matière de puériculture ? Tout simplement le darwinisme. Pour notre espèce, la chose naturelle semble être que les enfants dorment près de leur mère pendant leurs premières années. C'est en tout cas la norme dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Les mères y endorment leurs enfants au sein, et les allaitent à la demande pendant la nuit. Quand le bébé crie, la mère le met au sein automatiquement, souvent sans même se réveiller vraiment (et le père, je peux en témoigner personnellement, ne se réveille pas du tout).
Dire que la "ferberisation" est anti-naturelle ne signifie pas nécessairement qu'elle soit mauvaise. Si des parents trouvent que cela vaut la peine de s'embêter ainsi, libre à eux. Le problème avec Ferber, c'est qu'il présente son "régime" non pas seulement comme un choix possible, mais comme un devoir parental. II affirme que les enfants ont besoin de dormir seuls. "Même si vous et votre enfant semblez heureux de partager votre lit la nuit", écrit-il, "et même s'il semble bien y dormir, à long terme cette habitude se révèlera probablement nocive et pour lui et pour vous". Apprendre à dormir seul, dit Ferber, permet à l'enfant de "se percevoir comme un individu autonome". Je m'interroge : comment un bébé peut-il développer un solide sens de son autonomie en restant confiné dans un petit box à barreaux et en étant privé de tout moyen d'influer sur son environnement ?
(...) Ferber et les autres experts font des suppositions sur ce qui se passe dans la tête de 1'enfant. Selon eux, si vous laissez un bambin dormir entre vous et votre conjoint, "vous séparant en quelque sorte, il peut se sentir trop puissant et en être troublé". OK, c'est possible, j'imagine. Ou bien il peut tout simplement se sentir à l'aise. Difficile à dire (bien qu'à l'évidence, il ait l'air de se sentir plutôt à l’aise…).
(...) Selon Ferber, l'ennui, quand on laisse un enfant qui a peur de dormir seul venir dans son lit, c'est qu'"on ne résoud pas vraiment le problème. II doit bien y avoir une raison à ses craintes". Certes, certes, il doit y avoir une raison. En voici une, selon moi : peut-être bien que le cerveau des bébés a été façonné par des millions d'années de sélection naturelle où les mères dormaient avec leurs bébés. Peut-être bien qu'autrefois, si un bébé se retrouvait tout seul la nuit, c'était souvent très mauvais signe (la mère avait pu être dévorée par une bête sauvage, par exemple). Peut-être bien que le cerveau des tout-petits est programmé pour réagir à cette situation en hurlant, de sorte que toute personne proche l'entende et puisse le trouver. Bref, peut-être bien que si les enfants laissés seuls semblent terrifiés, c'est tout simplement parce qu'ils sont naturellement terrifiés. C’est juste une hypothèse...
(...) Ajoutons que s'il est probable que la plupart sinon tous les avantages de l'allaitement maternel peuvent être obtenus avec des tétées uniquement diurnes, nous ne savons pas si un intervalle de onze heures sans tétées n'est pas nocif. Nous savons qu'un tel intervalle n'est sûrement pas ce qu'a prévu la nature pour un bébé de 5 mois - du moins si l'on en juge par ce qui se passe dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs ; ou par la composition du lait de femme, plutôt peu concentré et aqueux, typique d'une espèce qui allaite ses petits à intervalles rapprochés ; ou par les mères : arrêter brutalement d'allaiter la nuit se traduit souvent par un engorgement sévère, voire par une infection du sein (...)
Les travaux de Mc Kenna
L'anthropologue James J. McKenna et son équipe (Sleep Disorders Laboratory, University of California, Irvine Medical Center) étudient depuis plusieurs années dans leur laboratoire le sommeil des mères et des bébés, selon qu'il s'agit de sommeil partagé ou séparé. Voici ce qu'il a à dire sur le sujet.
Le tout-petit qui dort près de sa mère trouve protection, chaleur et réconfort et absorbe le lait maternel selon des modalités naturelles. Cette façon de dormir permet à la mère (et au père) de réagir rapidement si l'enfant pleure, s'il s'étouffe ou encore s'il a besoin qu'on lui dégage les voies nasales, qu'on le rafraîchisse, qu'on le caresse, qu'on le berce ou qu'on le prenne dans les bras. Cela contribue à régulariser la respiration de 1'enfant, son sommeil, ses modes d'éveil, son rythme cardiaque et sa température (...) Des études sur le sommeil en laboratoire ont montré que lorsque les tout-petits partageaient le lit de leur mère au lieu de dormir tout seuls, ils prenaient presque deux fois plus le sein et la durée totale de l'allaitement pendant la nuit était multipliée par trois. Les enfants pleuraient beaucoup moins lorsqu'ils dormaient près de leur mère et ils étaient moins souvent éveillés. Nous pensons que plus les enfants prennent le sein souvent, moins ils sont exposés au risque de mort subite du nourrisson.
Les études scientifiques que nous avons faites sur les mères et les enfants qui dorment ensemble ont révélé une imbrication extrêmement étroite des aspects physiologiques et sociaux de la relation mère-enfant.
Paru dans Santé du monde, mars-avril 1996.
Les travaux de McKenna et son équipe ont été publiés dans diverses revues : Early Human Development, Acta Paediatr, Sleep, Breastfeeding Abstracts, Children's Environments, Rappelons que l'ouvrage du Dr Sears, Être parent la nuit aussi, développe la même problématique (en vente à la boutique).
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C'est si doux de dormir avec son enfant....
Encore parfois lorsque ma fille de 7 ans a passé une mauvaise journée d'école, je vais dormir avec elle. Elle colle ses petits pieds aux miens et s'endort paisiblement...et voilà les ptis bobos de cœur se soignent. Idem quand elle a de la fièvre, sinon je ne dors pas de toutes façons.
Je retourne dans mon lit en pleine nuit avec mon loulou de 5 mois et son papa pour la tétée nocturne lorsque je l'entends gigoter.
Je l'entends bien avant qu'il ne se réveille.
Quelques fois cet hiver je me suis réveillée car il avait le nez bouché. D'autres fois parceque je l'entendais régurgiter, mon réflexe est de le mettre tout de suite sur le coté et d'attendre un peu. Je me suis toujours réveillée lorsqu'il avait besoin de moi.
Le fait de mettre notre fils dans notre lit donne lieu à des moments partagés plutôt que de la séparation. Evidemment si on parle de la vie sexuelle c'est sur qu'il faudra du temps pour s'organiser et trouver des moments. Mais j'ai le sentiment que tout se fait assez naturellement, tranquillement, pourvu que l'on ne q'inquiète pas trop d'une pause dans la sexualité à la naissance d'un enfant. D'autres échanges prennent le relais, des échanges tout aussi intimes, profonds qui vont lier la relation entre les deux parents durablement dans le temps.
Ne cédons pas à toutes cette cohorte médiatique d'une société centrée autour de la sexualité ou du désir sexuel autour de cette image de la femme hyper sexualisée aussi. Désirable seulement mince, hors grossesse, dégagée de la maternité, maquillée etc...
C'est un temps privilégié dans un couple de se rencontrer autour d'autre chose justement. De trouver des stratégies d'adaptation ensemble, de s'observer, de regarder l'autre devenir papa/maman sereinement.
Que les femmes arrêtent de se culpabiliser de ne pas avoir envie de faire l'amour après la naissance de leur enfant (et j'en fais partie aussi de ses femmes mais je lutte contre ses idées inculquées qui ne tiennent pas compte de la nature humaine). Comme dit ma fille "nous ne sommes pas des animaux comme les autres"... :)
Goûter donc au plaisir de dormir avec votre loulou au moins une nuit...lorsqu'il sera ado vous regretterez ces moments là ! C'est tout de suite que le bonheur se fabrique :) que la vie se savoure...
Nous aussi, nous nous sommes posés la question: doit-on laisser notre fille pleurer et s'endormir seule? Et nous avons rapidement (et je pense heureusement) capitulé face à ses hurlements. Parfois avec culpabilité, nous l'avons longtemps bercée pour l'endormir, craignant de l'empêcher ainsi de devenir autonome pour dormir. Et en grandissant elle s'est d'elle même mise à savoir s'endormir d'elle même. Pour notre second enfant, nous ne nous sommes même pas posé de question, quel soulagement et simplicité!
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