Article paru dans le n° 108 des Dossiers de l'allaitement, mars 2016
D'après : Troubled sleep – Night waking, breastfeeding and parent-offspring conflict. Haig D. Evol Med Public Health 2014 ; 1 : 32-9.
Les réveils nocturnes sont l’une des choses dont les nouveaux parents se plaignent le plus souvent. Ils ne seront guère aidés par les avis contradictoires qu’ils pourront entendre, entre les spécialistes qui estiment qu’il faut « entraîner » le bébé à dormir toute la nuit dans son berceau pour le rendre indépendant, et ceux qui estiment que le sommeil partagé est la norme pour notre espèce, et qu’il favorise l’allaitement ainsi que l’attachement entre l’enfant et ses parents.
Dans ce domaine, les besoins du bébé (proximité, nourriture) entrent en conflit avec les besoins des parents (une bonne nuit de sommeil). Dans la mesure où les réveils nocturnes surviennent chez quasiment tous les bébés, on peut estimer que ce comportement est normal, et on peut donc se poser la question de son éventuel intérêt sur le plan de notre biologie. Des études ont constaté qu’un certain intervalle entre deux grossesses était nécessaire pour maximiser les chances de survie des enfants, en particulier dans les pays en voie de développement. Dans cet article, l’auteur analyse l’hypothèse selon laquelle les réveils nocturnes ont pour but d’augmenter la durée de l’aménorrhée lactationnelle, et de minimiser la possibilité de survenue rapide d’une nouvelle grossesse, afin de prolonger l’investissement maternel auprès de l’enfant, et donc d’augmenter ses chances de survie.
Les jeunes enfants demandent en effet un investissement maternel important, et une mère qui a rapidement un nouvel enfant aura moins de temps à lui consacrer, ainsi qu’à son aîné. Ce sera tout particulièrement le cas si la mère a un nouvel enfant dans les douze mois suivant la naissance précédente. La durée de l’aménorrhée du post-partum joue un rôle majeur dans la fertilité à l’échelle mondiale. Cette aménorrhée est d’autant plus longue que les tétées sont fréquentes, en particulier la nuit. Il semble donc compréhensible que la sélection naturelle ait encouragé les réveils nocturnes chez le bébé, afin de retarder la survenue d’une nouvelle grossesse.
La fatigue maternelle liée aux réveils nocturnes joue également un rôle, en limitant la fréquence des rapports sexuels. De ce point de vue, il est intéressant de constater que de nombreux bébés se réveillent plus souvent la nuit après 6 mois (période pendant laquelle la fertilité maternelle peut recommencer à augmenter). Ces réveils nocturnes seront particulièrement malvenus pour les mères qui n’allaitent pas ou qui ont sevré rapidement. On a constaté que les bébés non allaités se réveillaient moins, et il est donc possible que le bébé fasse la distinction entre l’allaitement et l’alimentation avec une formule lactée commerciale.
Le syndrome de Prader-Willi (SPW) et le syndrome d’Angelman (SA) sont tous les deux en rapport avec une anomalie génétique du chromosome 15, mais cette anomalie est transmise par le chromosome paternel dans le SPW, et par le chromosome maternel dans le SA. Or, les enfants souffrant de SPW dorment beaucoup, tandis que ceux souffrant de SA se réveillent souvent la nuit. Cela permet de penser que les gènes d’origine paternelle et maternelle ont un impact différent sur le sommeil, les gènes d’origine paternelle favorisant les réveils nocturnes, et donc un espacement plus important des naissances.
Le lait humain est un liquide complexe, dont la composition est censée correspondre de façon optimale aux besoins du petit. Si le bébé humain est génétiquement programmé pour se réveiller souvent la nuit, cela devrait se refléter au niveau de la composition du lait humain. Or, on sait que celui-ci est rapidement digéré (nettement plus rapidement que le lait de vache).
La médecine évolutionnaire part du principe que certaines pathologies physiques, psychologiques et psychosociales sont en rapport avec l’incompatibilité entre le mode de vie et l’environnement actuels, et nos besoins biologiques. Des anthropologues ont souligné les discordances entre les pratiques occidentales actuelles de soins aux jeunes enfants, et les besoins biologiques des enfants. C’est le cas en particulier pour ce qui est considéré chez nous comme un sommeil infantile « normal », dont les caractéristiques sont déterminées par la médecine pédiatrique. Certes, nombre de besoins biologiques étaient parfaitement adaptés aux époques ancestrales, mais les bébés occidentaux vivent actuellement dans un environnement où la mortalité infantile est très basse. Dans un tel contexte, on peut estimer que les réveils nocturnes n’ont plus vraiment d’intérêt.
Toutefois, il reste nécessaire de se demander dans quelle mesure les recommandations actuelles dans nos pays sur le sommeil des enfants ne sont pas susceptibles d’avoir des conséquences néfastes sur leur santé, et d’effectuer des études épidémiologiques pour l’évaluer. La sélection naturelle favorise l’adaptabilité à la fois chez les parents et chez les enfants, afin d’optimiser l’efficacité de l’adaptation à l’environnement. Ce qui est le mieux pour l’enfant n’est pas obligatoirement le mieux pour la mère, et vice versa. Les conflits génétiques au sein de la famille font partie de notre héritage biologique.
Merci pour cet article et pour votre travail en général. Sans vos articles et vidéos, j’aurais sans doute vécu mon allaitement moins sereinement.
Ma fille a 10 mois et est allaitée exclusivement. Elle est en cododo depuis sa naissance et termine parfois la nuit dans notre lit lorsque je ne souhaite pas trop interrompre mon sommeil pour l’allaiter, car elle fait encore 1-2 réveils nocturnes.
Je ne me soucie pas de ce que pensent les gens et je vis bien la situation, d’autant plus que ma fille est facile à vivre et, aux dires de tous ceux qui la côtoient, « calme, souriante, tonique, curieuse et bien éveillée. »
À ceux qui tentent de faire des sous-entendus concernant notre vie sexuelle qui doit forcément être inexistante vu que notre enfant dort avec nous, je rétorque que contrairement à l’idée communément répandue, il est possible d’avoir des rapports sexuels en-dehors d’un lit et des heures nocturnes, et qu’ils devraient essayer eux-aussi pour pimenter leur vie conjugale.
Aux personnes qui soulèvent leurs craintes quant au bon développement de ma fille et à la possibilité qu’elle devienne une assistée en raison de l’allaitement, je répond que les petits macaques restent accrochés au dos des guenons jusqu’à l’adolescence et que malgré cela, aucun phénomène « Tanguy » n’a été observé chez les singes : ils devienne généralement des adultes indépendants.
Ces deux arguments suffisent à leur clouer le bec et à clore la discussion. Et je me délecte de voir leurs regards gênés XD.
Safia, dans l'article intégral d'origine (https://academic.oup.com/emph/article/2014/1/32/1843905), c'est bien ce qui est dit :
Prader-Willi (PWS) and Angelman (AS) syndromes are caused by deletion of a cluster of imprinted genes at chromosome 15q13 but differ in the parental origin of the deletion. The paternally inherited cluster is deleted in PWS but the maternally inherited cluster in AS [50]. Infants with PWS have a feeble suck, weak cry and sleep a lot [51], whereas infants with AS wake frequently at night [52]. These phenotypes suggest that imprinted genes of paternal and maternal origin have contrasting effects on sleep in infants without deletions, with genes of paternal origin promoting suckling and waking.
Cela dépend peut-être de la fonction exacte du gène en question et de l'impact de la mutation génétique sur la fonction de ce gène, qui peut être différente en fonction du sexe. Le mécanisme n'est pas expliqué en détail dans l'article.
Vous dîtes:
"Le syndrome de Prader-Willi (SPW) et le syndrome d’Angelman (SA) sont tous les deux en rapport avec une anomalie génétique du chromosome 15, mais cette anomalie est transmise par le chromosome paternel dans le SPW, et par le chromosome maternel dans le SA. Or, les enfants souffrant de SPW dorment beaucoup, tandis que ceux souffrant de SA se réveillent souvent la nuit. Cela permet de penser que les gènes d’origine paternelle et maternelle ont un impact différent sur le sommeil, les gènes d’origine paternelle favorisant les réveils nocturnes, et donc un espacement plus important des naissances."
Or si SPW est lié à plus de sommeil et SA à moins, il serait logique de penser que ce sont les gènes d'origine maternelle qui favorisent les RÉVEILS nocturnes et non pas les gènes paternels comme mentionné sur l'article.
Simple erreur de rédaction ?
Merci pour cet article??
Je rejoins tellement ce qui a été dit par les autres mamans : avec la pression sociale (entourage et articles en ligne) familiale et celle du pédiatre (Elle doit faire ses nuits, c'est pas normal ces réveils, elle te teste (?!!!)....) , ça fait beaucoup de bien .
Ça rassure. Ça explique.
La LL est vraiment devenue ma bible ?? je réponds tjs au pédiatre/famille/amis en disant "ah c'est étonnant j'ai lu sur la LL...". J'ai souvent gain de cause. Haha.
Idem ici choix de l'allaitement long et du co dodo, ça nous semble naturel et instinctivement la meilleure chose pour nous.
Par contre , j'ai fait le choix de prolonger le congé parental : je n'ai aucune idée de comment on arrive a assumer un bébé allaité et une reprise de carrière.(admiration absolue pour les mamans qui doivent le faire.)
Le droit français devrait vraiment évoluer sur ça.
En effet, ici un bébé de 6 mois qui se réveille encore chaque nuit (parfois plusieurs fois) pour téter. Par facilite on pratique le cododo.
Le retour de couche n'est toujours pas arrivé non plus.
Il serait bien de cesser de stigmatiser les parents qui pratiquent le cododo (oui ce n'est pas conventionnel, mais nous au moins, on DORT !). Et un allongement des congés parentaux serait le bienvenu. J'ai la chance de ne pas travailler et de pouvoir m'accomoder de ces réveils nocturnes (sans avoir besoin de siestes en journée, vive les hormones de l'allaitement !). Mais pour les mamans allaitantes qui doivent se lever le matin, je comprends le découragement qu'elles peuvent ressentir.
Merci pour cet article, je me sens moins coupable car j’allaite encore mon bébé de 6 mois contre tous les avis de l’entourage et médicaux, car « c’est pas normal qu’elle ne fasse pas ses nuits » ... elle n’est pas prête à arrêter et je ne suis pas prête à la laisser pleurer. Alors oui c’est dur mais ça passe vite ...
Bonjour, merci pour cet article qui vient de me déculpabiliser de fait de dormir avec mon bébé la nuit et de lui donner encore 2 tétées la nuit. J'avais lu qu'à 4 mois plus besoin de se nourrir la nuit et qu'il fallait que la laisse pleurer dans sa chambre pour qu'elle apprenne à dormir seule. Je me sens beaucoup mieux ! Un grand merci !
Au sujet du paragraphe suivant: "Le syndrome de Prader-Willi (SPW) et le syndrome d’Angelman (SA) sont tous les deux en rapport avec une anomalie génétique du chromosome 15, mais cette anomalie est transmise par le chromosome paternel dans le SPW, et par le chromosome maternel dans le SA. Or, les enfants souffrant de SPW dorment beaucoup, tandis que ceux souffrant de SA se réveillent souvent la nuit. Cela permet de penser que les gènes d’origine paternelle et maternelle ont un impact différent sur le sommeil, les gènes d’origine paternelle favorisant les réveils nocturnes, et donc un espacement plus important des naissances."
Si le SPW est transmis par le chromosome paternel et que les enfants souffrant de SPW dorment beaucoup de manière générale alors que le SA est transmis par le chromosome maternel et que les enfants souffrant de SA se réveillent souvent la nuit, ne faudrait-il pas en conclure au contraire que ce sont les gènes maternels plutôt que les gênes paternels qui influencent la qualité du sommeil nocturne ?
Bonjour,
J'allaite depuis 4 mois seulement, je n'ai pas encore eu mon retour de couches. Mon fils dormait des nuits de 9-10h jusqu'à ses trois mois, et là il a tendance à se réveiller une à deux fois par nuit, en général en plein milieu puis vers la fin de nuit. Il fait tout de même des séquences de 5 à 7 heures sans se réveiller. Quand il se réveille mon contact le réconforte énormément, je l'allaite dans le lit et nous nous rendormons à trois, ce qui est apaisant pour tout le monde. Merci pour cet article très bien synthétisé, j'ai eu accès à la version intégrale en anglais.
Cindy
Bonjour,
J'allaite et dors avec mon fils depuis qu'il est né il y a bientôt 14 mois (nous dormons à 3 et c'est super !). J'ai eu mon retour de couches 10 mois après mon accouchement. Il se reveille de moins en moins souvent la nuit: 1 ou 2 fois en début de soirée et 1 ou 2 fois près du matin. Sinon; il fait bien ses nuits car il dort bien 5 à 6 heures d'affilée. Le sommeil des bébés est très mal connu en France et c'est regretable...
Merci pour cet article !
Amélie
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