Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 44 (Juillet – Août – Septembre 2000)
Depuis quelques décades, nous assistons à une augmentation galopante de la prévalence des pathologies allergiques chez les enfants des pays industrialisés. Les allergies alimentaires sont de mieux en mieux reconnues et diagnostiquées chez les jeunes enfants. Les études portant sur l'impact de l'allaitement sur la prévalence des allergies donnent des résultats contradictoires, et révèlent de plus en plus la complexité des relations entre l'allaitement et le terrain atopique.
Une prévalence de plus en plus élevée
La prévalence des allergies est en constante augmentation dans les pays occidentaux. En deux décennies, elle a été multipliée par 20. Environ 1 personne sur 5 développe une symptomatologie allergique avant l'âge de 20 ans. D'autre part, la symptomatologie allergique est beaucoup mieux connue aujourd'hui, et le diagnostic est beaucoup plus souvent posé.
Nous sommes de plus en plus exposés à divers allergènes. Notre alimentation, autrefois essentiellement composée de produits locaux, comporte de plus en plus d'aliments provenant de lieux éloignés et d'aliments traités par divers produits chimiques. Par ailleurs et de façon assez étonnante, le nombre d'espèces cultivées pour la consommation s'est de plus en plus réduit avec le temps. En outre, nous avons découvert que les allergènes alimentaires les plus fréquemment en cause sont des aliments couramment consommés dans les pays industrialisés : lait de vache, œufs, céréales... Les raisons pour lesquelles ces aliments induisent autant d'allergie restent obscures.
Il y a une prédisposition génétique pour les réactions allergiques, mettant en cause les lymphocytes T, avec modulation par le complexe d'histocompatibilité. Les personnes ayant hérité d'un terrain atopique auraient des réponses immunitaires différentes. L'hypersensibilité (ou allergie) est un phénomène qui met en jeu des réactions immunitaires à des substances mgérées (habituellement anodines, mais que l'organisme perçoit comme des agresseurs) avec médiation fréquente par les IgE. Ces réactions immunitaires peuvent être de deux ordres : générales (avec intervention des IgE), avec symptômes cardiovasculaires, respiratoires et /ou cutanés, ou localisées au tractus digestif (entérocolites). Par exemple, l'organisme sécrétera d'importantes quantités d'IgE ; ces dernières, lorsqu'elles entreront en contact avec l'allergène, induiront la libération de molécules dotées de puissants effets inflammatoires (histamine, prostaglandines, leucotriènes ... ) qui seront responsables de la symptomatologie.
Les antécédents allergologiques des parents sont importants pour le diagnostic des allergies chez un enfant. Si un des parents présente une pathologie allergique, le risque de problème allergique chez l'enfant est de 30 % ; ce chiffre sera doublé si les deux parents ont des problèmes d'allergie. Dans les familles à haut risque d'allergie, le sang du cordon devrait être prélevé pour recherche du taux d'IgE. La présence d'un taux élevé d'IgE peut signaler l'existence d'une allergie où ces IgE interviennent. De très nombreuses études ont démontré qu'un enfant peut être sensibilisé in utero en cas d'antécédents familiaux d'atopie. En pareil cas, on devrait conseiller aux mères d'éviter les aliments en cause pendant leur grossesse, puis pendant leur allaitement. Cette mesure ne diminue pas l'incidence des allergies à l'âge de 2 ans, mais elle retarde la survenue des symptômes.
Allaitement et allergie
Plus un allergène potentiel est introduit tôt dans la vie, plus il a de risques d'induire une réaction allergique. Les bébés allergiques ont souvent les réactions les plus violentes aux aliments qu'ils ont consommés en premier lieu. Lorsqu'un bébé est allaité, il est exposé uniquement à la très faible quantité de molécules étrangères qui passent dans le lait de sa mère. Bien que les résultats de nombreuses études soient souvent difficilement interprétables (en raison essentiellement de l'absence de définition précise de l'allaitement), il semble que l'allaitement abaisse la prévalence de l'allergie et recule l'âge d'apparition des symptômes. Cet effet protecteur peut être dû à plusieurs facteurs. Tout d'abord, un enfant allaité est nettement moins exposé aux allergènes alimentaires pendant ses premiers mois de vie. Ensuite, l'allaitement favorise le développement du système immunitaire ; ce dernier est très immature à la naissance, et le tube digestif du nourrisson est très perméable aux substances étrangères, le lait maternel apporte des IgA à un enfant qui est incapable de les synthétiser lui‑même. Un certain nombre d'études ont constaté cet impact protecteur de l'allaitement, y compris à long terme.
Cependant, cette protection n'est pas toujours efficace, en particulier en cas d'allergie alimentaire. D'autres études ont montré que des réactions allergiques telles que des dermatites atopiques ou des entérocolites pouvaient survenir chez des enfants allaités particulièrement sensibles. Des cas de choc anaphylactique dû aux protéines du lait de vache présentes dans le lait maternel ont été rapportés chez des enfants allaités. Deux mécanismes distincts ont été proposés pour expliquer ce type de réaction allergique chez des enfants exclusivement allaités. Le premier est un déséquilibre au niveau de certains composants du lait humain (acides gras en particulier), et le second est la présence dans le lait d'allergènes alimentaires provenant de l'alimentation maternelle.
La première hypothèse a été posée pour la première fois par Hansen et ses collègues dès 1947. Il avait observé que les enfants carencés en acide linoléïque développaient des troubles cutanés ressemblant à une dermatite atopique. Plus récemment, des auteurs ont constaté que des enfants allaités souffrant de dermatite atopique voyaient leur état s'améliorer lorsqu'ils recevaient des compléments d'acides gras polyinsaturés. Et on a retrouvé un déséquilibre entre les acides gras à propriétés pro et anti‑inflammatoires dans le lait des mères dont les enfants allaités souffraient d'un tel problème.
L'hypothèse du passage de molécules allergisantes dans le lait maternel est, quant à elle, supportée par les faits suivants :
- de telles molécules antigéniques ont été mises en évidence danss le lait humain ; toutefois, les résultats d'études récentes ayant constaté une réactivité croisée entre les protéines humaines et les protéines bovines remettent ce fait en question,
- l'élimination du lait de vache de l'alimentation maternelle induit une baisse du taux lacté de beta‑lactoglobuline,
- l'éviction de l'aliment en cause de l'alimentation maternelle amène dans de nombreux cas la disparition de la symptomatologie allergique chez l'enfant, ou bien les manifestions allergiques disparaissent lorsque le lait maternel est remplacé par un hydrolysat.
Ces deux causes possibles impliquent une approche différente, tant sur le plan diagnostique que sur celui du traitement et de l'évolution à long terme. On pourra demander à la mère de supprimer totalement l'aliment en cause. Cela ne sera pas toujours facile si cet aliment constitue une part importante de l'alimentation maternelle. D'un autre côté, sevrer l'enfant l'exposera à des doses élevées d'allergènes potentiels, qui pourront induire plus ou moins rapidement des pathologies inflammatoires ou immunologiques. En conséquence, il est nécessaire d'être très soigneux dans la démarche diagnostique, en relevant tous les symptômes, en pratiquant les tests nécessaires au dépistage d'une allergie alimentaire, puis, si un régime d'éviction est recommandé, en apportant à la mère toutes les informations et le soutien nécessaire pour qu'elle puisse suivre un tel régime sans risque de carence. Si le problème est une carence du lait maternel en certains acides gras, une supplèmentation de l'enfant et/ou de la mère pourra être suffisante.
Il existe encore une autre façon d'envisager les choses. Tout d'abord, l'allaitement est le moyen normal de nourrir nos enfants, mis au point par des millénaires d'évolution. Pendant cette évolution, les glandes mammaires se sont adaptées pour fournir à l'enfant le produit le plus adapté à l'environnement dans lequel il allait vivre. L'Homo sapiens doit exister depuis environ 200 000 ans, et notre environnement actuel n'a plus grand chose à voir avec ce qu'il était à cette époque. La mise en place de sociétés agraires, grâce au développement de l'élevage et de l'agriculture, est beaucoup plus récente (environ 10 000 ans), et notre alimentation a considérablement évolué, surtout dans les pays occidentaux. Sur le plan de l'évolution génétique, nous n'avons probablement pas vraiment eu le temps de nous adapter à tous les aliments qui sont apparus dans notre assiette, il est donc normal d'observer des réactions d'intolérance. L'intolérance au lactose en est un bon exemple. Dans les temps préhistoriques, la lactase, enzyme nécessaire à la digestion du lactose, sucre présent uniquement dans le lait, disparaissait après l'âge du sevrage. En particulier, bon nombre de personnes originaires d'Afrique, d'Asie, les Esquimaux, n'ont plus de lactase à l'âge adulte, le lait ne faisant pas partie de leur alimentation traditionnelle. En revanche, partout où les populations ont pris l'habitude de consommer des laitages pendant toute leur vie, une adaptation s'est faite par sélection naturelle pour permettre la sécrétion de lactase chez les adultes. Un phénomène similaire pourrait être en cause dans d'autres allergies alimentaires.
Symptomatologie
Symptômes qui doivent faire évoquer une allergie en cas de troubles persistants (plusieurs symptômes sont généralement présents, liste non exhaustive)
Troubles digestifs
- Renvois importants, vomissements
- Diarrhée
- Présence de sang dans les selles
- Coliques
- Constipation
- Gaz
- Malabsorption
- Colite
- Entéropathie
- Thrombocytémie
Troubles respiratoires
- Rhinite
- Toux
- Respiration bruyante
- Asthme
- Irritation ou congestion des muqueuses nasales
- Saignements de nez fréquents (épistaxis)
- Stridor
Troubles oculaires
- Paupières enflées
- Conjonctivite
- Larmoiement constant
- Cernes importants sous les yeux
Troubles cutanés
- Eczéma
- Dermatite
- Urticaire
- Démangeaisons
- Irritation anale
- Joues excessivement colorées ou anormalement pâles
Système nerveux central
- Irritabilité
- Agitation
- Troubles importants du sommeil
- Pleurs très fréquents
- Somnolence perpétuelle
Autres symptômes
- Otites
- Hoquet très fréquent
- Faible prise de poids
- Bave abondante
- Transpiration excessive
- Hypertonie
- Difficultés à maintenir son attention
Elle peut être complexe et déroutante, ce qui rend compte des difficultés à poser un diagnostic précis. Le tractus digestif est très souvent le siège des troubles chez le nourrisson , mais l'arbre respiratoire, la peau, les yeux, le système nerveux central... peuvent aussi être touchés, isolément ou en conjonction.
L'existence d'une symptomatologie en dehors du tractus digestif indique la présence d'une allergie à médiation par les IgE. En pareil cas, l'allergie chez un bébé peut se manifester à peu près n'importe comment : troubles digestifs (régurgitations, nausées, vomissements, reflux, anorexie ou boulimie, mais aussi diarrhée et proctocolite), problèmes respiratoires (asthme, wheezing, congestion muqueuse permanente) ou cutanés (eczéma, dermatites, éruptions variées), en passant par le choc anaphylactique. S'il n'y a pas intervention des IgE, les troubles seront souvent limités à la partie inférieure du tube digestif : diarrhée, présence de sang dans les selles.
Les troubles les plus fréquents sont digestifs (régurgitations, coliques et vomissements), cutanés (dermatite atopique) et comportementaux (pleurs fréquents, troubles du sommeil). Lorsqu'un bébé est nourri avec un lait industriel à base de lait de vache, il reçoit des quantités massives d'allergènes potentiels ; la quantité de lait qu'absorbe un bébé par rapport à son poids représenterait l'équivalent de 8 litres par jour pour un adulte. En général, cet apport massif d'allergènes induit des signes cliniques sans élévation des IgE. Une exposition minime et/ou occasionnelle aux protéines du lait de vache induira une sécrétion d'IgE, avec une symptomatologie pouvant être à la fois plus importante et plus polymorphe. Un bébé exclusivement allaité peut ainsi réagir aux quantités minimes de protéines du lait de vache présentes dans le lait de sa mère. Dans ce cas, éliminer totalement ces protéines de l'alimentation maternelle amènera une spectaculaire amélioration de l'état de l'enfant, la réintroduction de ces protéines faisant réapparaître les troubles.
18 % des enfants de moins de 2 ans souffrent de dermatite atopique. Une étude a retrouvé une corrélation très forte (rapport de risque 3,5) entre la dermatite atopique et la présence chez les enfants concernés d'un taux élevé d'IgE spécifiques des protéines du lait de vache, des œufs ou des cacahuètes. Les études menées dans la famille de ces enfants ont montré un lien entre la survenue d'une dermatite atopique et l'existence dans le génome d'une région 5 q3 1, adjacente à la fraction de génome codant pour l'interleukine‑4.
Les coliques affectent 15 à 40 % des enfants pendant les 4 premiers mois. De nombreuses hypothèses ont été soulevées pour en expliquer l'origine. Une étude australienne a montré que des modifications de l'alimentation, tout particulièrement chez les mères allaitant un enfant de moins de 6 semaines souffrant de coliques, peut amener une nette amélioration de la symptomatologie. L'association coliques‑vomissements a été attribuée à un reflux gastro‑œsophagien. Ce dernier a tout d'abord été considéré comme un trouble de la motilité, mais de récents travaux ont soulevé l'hypothèse d'une origine allergique (aux protéines alimentaires) pour cette pathologie. Les auteurs ont aussi identifié récemment un groupe d'enfants dont les « coliques » attribuées à un RGO n'avaient été calmées par aucun des traitements prescrits : antagonistes des récepteurs H2, prokinétiques, multiples changements de marque de lait industriel... Chez les 2/3 de ces enfants, la symptomatologie a disparu lorsqu'ils ont été nourris avec un lait industriel hypoallergénique à base de soja, ou avec un hydrolysat.
Une analyse plus poussée des enfants présentant une allergie au lait de vache et à d'autres protéines alimentaires a permis d'identifier un nouveau syndrome, l'allergie infantile à de multiples protéines alimentaires. Les tests de régime d'exclusion et de réintroduction ont même mis en évidence l'apparition de réactions débutant dans les jours qui suivent l'introduction d'un lait industriel hypoallergénique à base de soja, ou celle d'un hydrolysat. Le suivi de ces enfants à 3 ans montrait que la plupart d'entre eux arrivaient à tolérer la plupart des aliments, sauf le lait de vache, les œufs et les cacahuètes
Diagnostic
Lorsqu'un bébé présente des troubles chroniques, et tout spécialement si sa croissance pondérale est insuffisante, il sera nécessaire de rechercher s'il ne souffre pas d'allergie. Pour ce faire, il est particulièrement important de recueillir un maximum d'informations sur le comportement de l'enfant : sommeil, existence de coliques (et leur horaire), schéma des pleurs. Un examen clinique sera aussi indispensable. Parfois, il sera nécessaire d'examiner le bébé juste après une tétée, certains bébés ayant une réaction très rapide. Les examens biologiques pourront montrer une élévation des leucocytes, une éosinophilie, la présence de sang dans les selles, un taux trop bas d'hémoglobine, un taux trop bas d'albumine sérique. La mesure du taux d'albumine représente un bon moyen de détecter l'existence d'une allergie, tout particulièrement lorsqu'il n'est pas possible ou souhaitable de pratiquer une endoscopie. Le test le plus fiable reste l'épreuve alimentaire, avec disparition des symptômes après éviction de l'aliment en cause, et récidive lors de leur réintroduction.
Les prick-tests et les patchs sont des examens peu invasifs, et peuvent être une aide précieuse lorsqu'ils sont positifs. Une endoscopie du tractus digestif (avec éventuellement biopsie) pourra être utile dans certains cas. Il est important de noter que l'existence d'une diarrhée ou la présence de sang dans les selles peuvent aussi être dues à une intolérance au lactose, à des fissures rectales, à une maladie de Crohn, ou à une infection à certains germes (Clostridium difficile).
Les aliments susceptibles d'être à l'origine des troubles sont variables suivant les cultures et leurs modes spécifiques d'alimentation. Cependant, le lait de vache et ses dérivés arrivent en tête de liste. Plus de 20 molécules du lait de vache sont allergisantes pour l'homme. Environ 50 % des enfants allergiques aux protéines du lait de vache le seront aussi aux protéines du lait de soja, et il y a actuellement du soja dans de très nombreux produits alimentaires du commerce courant.
Absolument TOUS les aliments peuvent induire des allergies, et l'enfant peut être allergique à plusieurs aliments, ce qui pourra rendre très difficile la détection du ou des aliments en cause. Les autres aliments les plus fréquemment à l'onigine de réactions allergiques sont les œufs, le porc, le poisson, le blé, le maïs, les cacahuètes (symptomatologie souvent très sévère), les tomates, les oignons, les choux, les noix, les épices, les agrumes (et leurs jus) et le chocolat. Certaines personnes sont allergiques non à l'aliment lui‑même, niais aux produits chimiques avec lesquels il a été traité pendant sa culture, ou aux additifs qui lui ont été ajoutés. On sait aussi que les antibiotiques donnés aux animaux dont la viande sera consommée peuvent également induire des allergies. Enfin, les excipients présents dans les vitamines ou les médicaments donnés à l'enfant peuvent être responsables.
Traitement
Il n'est a priori pas nécessaire d'éliminer un quelconque aliment de l'alimentation d'une mère allaitante s'il n'existe aucun antécédent d'allergie. La mère peut continuer à s'alimenter comme elle en a l'habitude. Mais si l'on soupçonne une allergie, il faudra envisager cette option. Il n'existe aucun moyen de « guérir » une allergie. Le moyen le plus simple et le plus radical de la traiter est de ne pas s'exposer à l'allergène. Détecter le ou les facteurs en cause pourra s'avérer un véritable travail de détective, mais cela peut être payant.
L'allaitement exclusif représente la première mesure prophylactique. Lorsque l'enfant est exclusivement allaité, la mère devra tenir un « journal de bord » où elle notera soigneusement tous les aliments consommés, ainsi que le comportement du bébé et les troubles éventuellement constatés. Si un bébé très allergique peut présenter une réaction 1 à 2 heures après consommation de l'aliment en cause par sa mère, on observe le plus souvent un délai de 4 à 24 heures avant l'apparition des symptômes. Lorsque l'on pense avoir découvert l'aliment responsable, il sera totalement éliminé ; si cette éviction amène une amélioration franche, la mère pourra tenter de le réintroduire dans son alimentation ; si les troubles réapparaissent, la sensibilisation du bébé à cet aliment est confirmée. L'amélioration pourra n'apparaître qu'après 5 à 7 jours d'éviction, plusieurs semaines peuvent être nécessaires avant que toute trace de l'allergène soit éliminée du corps de la mère et de l'enfant, et il faudra donc attendre au moins 3 semaines avant de conclure à l'inefficacité de l'éviction. Ce délai peut rendre difficile la détection de la cause de l'allergie. Après une période d'éviction, on effectuera à intervalles réguliers une prudente réintroduction de l'aliment en cause, afin de voir si le régime est ou non toujours nécessaire. La plupart des troubles allergiques disparaîtront entre 6 et 18 mois.
Supprimer les produits à base de lait de vache de l'alimentation maternelle suffira relativement souvent à faire disparaître les troubles présentés par l'enfant. Il n'est pas nécessaire d'éliminer plusieurs aliments en première intention. Toutefois, dans certains cas, l'enfant sera aussi allergique à d'autres aliments, ce qui rendra beaucoup plus difficile la détection des aliments en cause. Supprimer de son alimentation un ou plusieurs produits qu'elle consomme largement et qu'elle aime ne sera pas toujours facile pour la mère. Si toutefois elle constate que son bébé se porte beaucoup mieux ainsi, elle pourra trouver que cela mérite réellement de faire un effort. Il peut aussi y avoir un effet de « seuil », à savoir que le bébé ne réagira pas ou réagira peu si la mère consomme l'aliment incriminé en petite quantité, et/ou de façon espacée dans le temps (1 fois par semaine, par exemple), ou si l'aliment est cuit.
Il est intéressant de noter que, lorsqu'un enfant est allergique à un aliment via le lait de sa mère, cette dernière est souvent, elle aussi, allergique à cet aliment, bien que généralement de façon plus subtile. De nombreuses mères se sont aperçues que l'éviction d'un tel aliment permettait non seulement à leur enfant de se porter nettement mieux, mais que cela faisait en outre disparaître chez elles des problèmes de santé qu'elles n'avaient jamais pensé attribuer à une allergie.
Lorsque des parents ont un enfant allergique, ils souhaiteront généralement tout faire pour éviter les mêmes problèmes chez leurs autres enfants. En cas d'antécédents familiaux d'atopie, il pourra être utile de supprimer dès le début de la grossesse et pendant toute la durée de l'allaitement les aliments qui induisent des allergies dans la famille. Une consultation avec un nutritionniste sera alors nécessaire pour voir avec la mère comment elle peut avoir une alimentation équilibrée. Les autres traitements possibles en cas d'allergie sont les médicaments anti‑allergiques, l'immunothérapie et la désensibilisation. Ils seront particulièrement utiles en cas d'allergie multiple, ou lorsque l'allergène est plus ou moins impossible à éliminer.
Conclusion
La réaction allergique peut prendre des formes variées. La plupart des symptômes d'allergie ne sont pas spécifiques, ce qui peut amener à diagnostiquer une allergie là où elle n'existe pas, et à méconnaître une allergie bien réelle. Faire la chasse aux allergènes peut être long et ardu, mais le résultat peut être à la hauteur des difficultés rencontrées. Lorsqu'un enfant perpétuellement grognon, toujours plus ou moins malade, souffrant d'éruptions à répétition, dormant très mal ... devient calme, souriant, détendu, en bonne santé et bon dormeur, les parents seront prêts à faire beaucoup pour lui permettre de rester ainsi.
Le lait maternel est INDISCUTABLEMENT l'aliment normal du jeune enfant. On peut donc raisonnablement supposer qu'il n'est pas censé induire des pathologies chez celui pour lequel il est conçu. L'existence d'une allergie alimentaire chez un enfant allaité semble due à une substance passant dans le lait maternel non au lait maternel lui‑même. Il est possible que la survenue de ces allergies soient en relation avec l'évolution considérable de l'alimentation dans les pays occidentaux, et/ou avec les modifications importantes de notre environnement. Les résultats d'études récentes semblent montrer que l'augmentation des pathologies allergiques dans les pays occidentaux, y compris dans ceux où l'allaitement est la norme, pourrait aussi être en relation avec l'excès d'hygiène et de désinfection, l'enfant ne serait plus exposé aux antigènes « normaux » pour lesquels son système immunitaire était conçu.Il semblerait que l'exposition à ces antigènes joue un rôle capital dans la maturation des défenses immunitaires, et que l'absence d'exposition induirait des réponses déséquilibrées et inappropriées. Il est certain que nous ignorons encore beaucoup de choses sur ce type de pathologie. L'existence d'une période d'intolérance aux protéines alimentaires pourrait aussi être une étape normale du développement du système immurataire, dans la mesure où cette intolérance se manifeste vis‑à‑vis de protéines couramment consommées par les enfants.
Les points qu'il serait bon d'étudier sont la mise au point de mesures diététiques adaptées à ces enfants, l'identification des marqueurs génétiques prédisposant à ces troubles, les facteurs du lait humain qui protègent vis‑à‑vis des allergies ou au contraire les favorisent, ainsi que tous les facteurs susceptibles d'avoir un impact sur nos réactions immunitaires.
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