Extrait du numéro 75 d'Allaiter aujourd'hui (avril-mai-juin 2008)
Je suis l’heureuse maman de jumeaux. Ils viennent d’avoir 8 mois, et j’ai encore le grand bonheur de les allaiter.
La naissance de Mathéo et Andréas a été déclenchée à 37 semaines et demie, car ils manquaient de liquide amniotique. Ils pesaient chacun 3,4 kg. L’un était en siège, le second en transverse. Leur naissance, programmée, a été réalisée par césarienne.
Après la délivrance, les examens ont été réalisés, et je n’ai pas pu mettre au sein mes bébés, ni même les toucher. Le papa, présent, a insisté auprès du pédiatre pour que je puisse les voir à travers la couveuse. J’ai vu l’un de face, le second de dos.
On était en train de me recoudre lorsqu’il a fallu que je redise au pédiatre, qui partait en poussant la couveuse, que je souhaitais allaiter et voulais par conséquent qu’aucun biberon d’eau sucrée ou de lait maternisé ne leur soit donné. Le pédiatre a refusé, il n’a pas donné son accord pour qu’ils soient alimentés à la seringue, prétendant qu’il s’agissait d’une théorie dépassée depuis 20 ans !
Je suis restée sans mes petits jusqu’au soir. Ils étaient bien portants, mais toujours sous surveillance en néonatologie. J’ai très très mal vécu cette journée. Seule dans ma chambre, j’ai pleuré sans arrêt. Mon mari était auprès des petits, comme nous en avions rapidement convenu. La sage-femme, me voyant pleurer, évitait de me parler.
On ne m’a pas permis de tirer mon lait pour qu’il leur soit donné. Le lait destiné aux nourrissons devait être impérativement tiré au tire-lait en néonatologie, il ne pouvait en aucun cas être tiré par la maman en maternité pour être donné à son ou ses enfants hospitalisés en néonatologie. On a refusé de m’y emmener, le service de néonatologie n’étant pas accessible aux brancards, et les sages-femmes refusant que je puisse y aller en fauteuil roulant de peur que j’en tombe !
Je n’ai mis mes enfants au sein qu’à 18 h le soir. On m’a répété toute la journée qu’il n’y avait pas d’urgence à leur donner le sein !
Notre rencontre a commencé ainsi : je les ai mis ensemble au sein. J’avais préparé ce moment depuis plusieurs mois, en me documentant auprès de l’association Allaitement des jumeaux et +. J’avais été accompagnée par l’animatrice LLL. J’ai une fille de 11 ans, que je n’ai allaitée que trois semaines, et je voulais, cette fois, réussir l’allaitement.
Les débuts ont continué à être durs. J’ai essayé plusieurs techniques pour allaiter mes deux petits, qui s’endormaient très vite sur le sein. J’ai essayé de les allaiter simultanément, puis à tour de rôle, en changeant de sein à chaque tétée, puis une fois par tétée.
Mes petits ont perdu les 10 % réglementaires de leur poids de naissance, et ont eu du mal à reprendre instantanément du poids. On m’a incitée à leur donner des compléments, que les auxiliaires puéricultrices leur ont administrés. Les doses m’ont été cachées par certaines puéricultrices. Les compléments ont été donnés au biberon à la demande du pédiatre, alors que je m’étais battue pour qu’ils soient donnés à la seringue. Le pédiatre m’a vivement conseillé d’arrêter de mettre systématiquement les bébés au sein, et de programmer de leur donner un biberon sur deux.
Je suis rentrée à la maison à la fois soulagée et très inquiète : l’expérience voulait qu’avec une mise au sein tardive et un allaitement mixte, l’allaitement risque de ne pas durer longtemps. Rozenn, l’animatrice LLL, a toujours été là pour m’écouter, se rendant disponible pour me conseiller.
J’ai réessayé plusieurs techniques pour respecter les bébés dans leur individualité. Je les ai allaités chacun leur tour lorsqu’ils avaient faim à des moments différents, ensemble lorsqu’ils avaient faim ensemble. Lors des tétées simultanées, je les ai allaités assise au bord du lit, en ballon de rugby, avec un coussin Corpomed, mais cette position ne m’a pas sécurisée : je craignais toujours que l’un glisse pendant que j’installais le second au sein. Par contre, j’installais un premier bébé au sein, en position classique, et s’il advenait, en cours de tétée, que le second ait faim, je le mettais alors au second sein en ballon de rugby.
Et c’est la position couchée que j’ai finalement choisie lorsque les deux bébés voulaient téter simultanément : un enfant allongé de chaque côté le long de mon corps, chacun des deux maintenu par un traversin assez rigide. L’allaitement simultané permet aussi de ne pas perdre le lait si précieux qui s’écoule du second sein, et profite ainsi au bébé qui tète le moins vigoureusement.
Je n’ai jamais fait un allaitement mixte classique, en allaitant alternativement l’un ou l’autre. J’ai systématiquement mis chaque bébé au sein, toutes les trois heures au début, puis à leur demande. Si l’un des deux ou les deux ne semblaient pas rassasiés, je complétais alors avec du lait maternisé, administré au biberon.
Mathéo a toujours bien fait la différence entre sein et biberon, et a su s’adapter aux deux. Il n’a jamais refusé le sein, ni le biberon lorsque je le lui présentais.
À notre retour à la maison, ce n’est jamais moi mais leur papa qui leur a donné le lait maternisé, en position assise et non semi-allongée comme au sein, soit face à lui, soit contre son abdomen, pour les aider à faire la différence.
Par contre, en rentrant de la maternité, Andréas ne voulait plus du sein. J’ai donc arrêté de le lui donner. J’ai tiré mon lait et lui ai proposé au gobelet durant deux jours. Ses lèvres affleuraient le lait pour le téter. Il pleurait, car il lui fallait faire un effort certain pour s’alimenter, mais il se débrouillait très bien. Puis il a de nouveau accepté le sein. J’ai décidé de continuer à lui donner le lait maternisé au biberon.
Quelque temps après, il n’a plus voulu du biberon, j’ai réussi à l’allaiter exclusivement et à allaiter son frère à moitié. Mais je n’ai pas voulu défavoriser Mathéo, j’ai donc redonné le lait maternisé au gobelet à Andréas, qui a ensuite réaccepté le biberon.
Aujourd’hui, je les allaite dans la journée à trois reprises au moins et toujours simultanément ; ce sont de grands moments d’échange et de bonheur.
Célia
Quelle honte le comportement des professionnels à la maternité!!
Cela me révolte!
Aujourd'hui en 2019 j'ai vécu une expérience similaire, pourtant avec un seul enfant, que l'on a essayé à maintes reprises de me décourager d'allaiter, jusqu'à me "briser", heureusement en vain, mais cela a rendu les débuts bien plus difficiles et mon allaitement un peu plus fragile.
À 6 mois je continue et n'ai pas l'intention d'arrêter avant le sevrage naturel, mais les réflexions se multiplient, jusqu'à différents pédiatres me demandant quand est- ce que je compte enfin passer au lait de croissance!
Navrant.
Je suis pourtant moi- même infirmière puéricultrice et c'est ma propre expérience en tant que maman qui m'a permise de me rendre compte à quel j'avais été mal formée à l'allaitement, mais je n'ai pour autant jamais eu cette attitude ni même ces idées, bien au contraire. Je n'ai jamais réussi à concevoir que certain(e)s de mes collègues (à tous niveaux professionnels) puissent penser et agir de la sorte.
D'abord ne pas nuire!
Heureusement ces comportements restent minoritaires et personne-dépendants.
Je pense que si un tel séjour en maternité devait se reproduire pour mon 2ème enfant je n'hésiterais plus à faire beaucoup de bruit.
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