S’il est prudent de prévoir la possibilité de problèmes d’allaitement lorsqu’une femme a subi une chirurgie mammaire, il est globalement impossible de prédire à l’avance ce qui se passera exactement. Le corps humain peut faire preuve de capacités de récupération surprenantes. Le mieux est donc de commencer à allaiter, et de suivre la situation de près, en particulier sur le plan de la croissance de l’enfant. Il est important de connaître les bases physiologiques du fonctionnement de l’allaitement, afin d’optimiser les chances de réussite de l’allaitement.
Extrait de Allaiter Aujourd'hui n° 57 sur Allaitement et chirurgie mammaire
Documentation LLL
Allaiter Aujourd'hui
• AA n° 123 - Allaitement et chirurgies mammaires
• AA n° 57 - Allaitement et chirurgie mammaire
• AA n° 26 - Manque de lait : mythes et vérités
Dossiers de l'allaitement
• DA n° 159 - Ablation d’implants mammaires chez une mère allaitante
• DA n° 68 - Cas cliniques : Chirurgie mammaire et allaitement : 2 cas
• DA n° 60 - Dossier : Chirurgie mammaire et allaitement - Dr L Marchand-Lucas (réduction mammaire, augmentation mammaire, chirurgie du mamelon, autres chirurgies, accompagnement de la femme ayant subi ou qui va subir une intervention de chirurgie mammaire)
• DA n° 76 - Lorsque la mère allaitante doit être hospitalisée
Actu
• Implants mammaires PIP et allaitement (2011)
Question/réponse
Q – On vient de me diagnostiquer une rupture extra-capsulaire d’un implant mammaire dans l'un de mes seins, avec du silicone répandu partout dans le sein. Est-ce que je dois sevrer en urgence, jeter mon lait congelé ? Mon fils a 10 mois.
R du Département LLL des ressources pour problèmes spécifiques (RPS) – En plus des articles de notre site qui traitent des implants envoyés par l’animatrice LLL, la mère peut contacter le Centre de Pharmacovigilance de Lyon et consulter cette page : https://www.e-lactancia.org/breastfeeding/silicone-implants/synonym/ (traduction possible avec Deepl).
Suite rapportée par l’animatrice LLL qui avait reçu la question : La maman a été rassurée par les articles envoyés sur le fait qu'elle n'a pas "empoisonné" son bébé, mais elle me dit qu'elle va sevrer par précaution, car si le silicone ne passe probablement pas dans le lait, le sein doit être au repos pour être opéré. Elle précise qu'en fait, les deux implants sont rompus, donc pas possible de n'allaiter que d'un sein.
Suite à nouveau : La mère a vu son chirurgien. Il lui a confirmé qu'il n'y a pas de risque que son lait soit contaminé et qu’il n’y a aucun souci pour poursuivre l'allaitement malgré la rupture de l'implant et la propagation du contenu dans les ganglions. Il précise : "Il y a plus de silicone dans les tétines que dans votre lait". Il lui a tout de même demandé de sevrer au moins un mois avant l'intervention "le temps que la glande mammaire régresse en taille pour la chirurgie afin d'avoir la taille exacte finale du sein". La maman est rassurée de pouvoir prendre le mois qui vient (juillet) pour sevrer son bébé (l'intervention étant prévue en septembre).
Q d’une animatrice LLL du RPS – Est-ce qu’après neuf mois à se préparer à allaiter et dix mois d’allaitement, les seins pourront récupérer leur taille d’avant-grossesse en un mois après le sevrage définitif ?
Témoignages
Diana West (auteure de Defining your own success) : Lorsque je suis tombée enceinte pour la première fois, la seule chose dont j’étais sûre, c’est que je n’allaiterais pas. J’avais eu une réduction mammaire et mon chirurgien m’avait prévenue que ce serait impossible.
À l’époque de mon opération, j’avais 25 ans, pas de mari en vue et encore moins d’enfant, cela ne m’avait pas semblé important. Je me disais que je donnerais des biberons, quelle différence ? Pendant cette première grossesse, j’ai sauté tous les chapitres sur l’allaitement dans les livres, et je me suis programmé une opération du pied la semaine qui suivait mon accouchement puisque je n’aurais pas à m’inquiéter du fait que les médicaments passeraient dans mon lait.
Mais la nature avait d’autres projets pour moi. Mon fils, Alex, est né après un long travail de trois heures de poussée sous péridurale, et à peine l’avais-je aperçu que j’ai eu un besoin viscéral de le mettre au sein. Peu importe que je ne puisse pas allaiter, je voulais juste le faire. Il a bien tété et s’est insinué en moi l’idée que je voulais allaiter. Je voyais que j’avais du colostrum (le premier lait), alors peut-être que le chirurgien s’était trompé. Peut-être que je pouvais finalement le faire. J’étais déterminée à essayer. J’ai continué à le mettre au sein dès qu’il en manifestait l’envie. Lire la suite.
Océane : Le chirurgien qui m’a posé il y a sept ans des prothèses mammaires sous-pectorales m’avait précisé qu’il faudrait éviter d’allaiter pour ne pas risquer d’"abîmer son travail". À cette époque, j’étais sans projet d’enfant, et cela me paraissait un petit sacrifice, voire juste une petite concession, par rapport à mon désir de chirurgie esthétique depuis plusieurs années.
Sauf qu’une fois enceinte, consciente que la santé de ma fille serait améliorée par l’allaitement, désireuse d’expérimenter cet art ancestral intrigant et de favoriser au maximum l’attachement mère-fille, je ne voyais plus les choses pareil ; et je voulais tenter l’expérience coûte que coûte.
Par chance, comme j’avais choisi une petite taille de prothèses, elles avaient pu être placées en position sous-pectorale, la glande mammaire n’avait ainsi pas été touchée, et ses canaux étaient supposés intacts.
Je me renseigne autour de moi, auprès de puéricultrices, de sages-femmes, de collègues gynécologues, sur leurs expériences dans ce domaine, sans préciser que je me trouve dans cette situation. "Ah si, j’ai connu une patiente qui avait des prothèses et qui a pu allaiter quelques mois, mais souvent c’est l’échec" ; "Ces patientes, quand elles veulent nourrir... Arf, c’est dur, mieux vaut éviter !" ; "Le problème, c’est qu’en cas d’abcès, va se poser la question de l’ablation de la prothèse », etc. Je me dis que j’essaierai, en gardant en tête que ce sera probablement un échec, mais qu’au moins, j’aurai essayé. Quand même, disons honnêtement que je pars perdante. Et déçue.
Au troisième trimestre de ma grossesse, un ami sage-femme m’incite à commencer l’expression manuelle pour recueillir du colostrum en fin de grossesse. Je lis sur le site LLL des articles scientifiques sur ce thème, et comprends qu’en tout cas, ça pourrait favoriser ma confiance en moi (mais si je n’arrive pas à exprimer de colostrum par contre ?...), sans, a priori, augmenter le risque d’accouchement prématuré (crainte liée au fait que la stimulation mammaire libère de l’ocytocine, hormone qui fait contracter l’utérus). Par précaution, je décide de commencer au moment où il n’y a plus de prématurité, soit à 37 semaines d’aménorrhée, et de le faire deux fois par jour, avec l’aide de mon conjoint (son expression manuelle était beaucoup plus forte, plus efficace que celle que je parvenais à faire moi-même). Finalement, ça l’a aussi impliqué précocement dans le choix d’allaiter notre enfant, il s’est vraiment senti acteur de la démarche.
La première collecte s’élève à 2 ml, mais deux semaines plus tard, quasiment à 10 ! En effet, j’étais alors plus confiante : mon corps produit du lait.
Accouchement difficile, qui se termine par une césarienne en urgence, et mon bébé n’est en peau à peau avec moi qu’à 45 minutes de vie. Elle n’arrive pas à téter, et au bout de quelques heures, on me propose le "bout de sein" en silicone, avec lequel elle y parvient. Coïncidence ou pas, impossible de le savoir, mais j’ai eu beaucoup de colostrum durant ces premiers jours – ce qui m’arrangeait, car ma fille ne pesait que 2 840 g à la naissance. Je pense vraiment que l’expression précoce et pluriquotidienne de colostrum prénatale y a été pour quelque chose.
De même, très belle montée de lait au troisième jour, et j’ai toujours eu de belles quantités par la suite. Même jusqu’à l’engorgement d’ailleurs, particulièrement inquiétant dans ce contexte de prothèses, mais finalement sans conséquences dramatiques en organisant une lutte efficace contre l’engorgement.
Pour finir, je dois surtout partager que l’allaitement m’a "sauvée". Sauvée de la dépression du post-partum probablement ou, en tout cas, protégée en partie de l’anxiété. En effet, suite à ma césarienne, j’ai dû être réopérée deux fois (abcès de paroi, puis désunion de cicatrice), j’ai vraiment cru que les complications n’allaient plus s’arrêter. L’alitement était spécialement difficile avec un nouveau-né, je me sentais incapable de m’occuper d’elle et donc particulièrement humiliée. L’allaiter, être la seule à pouvoir lui donner ce qui est connu pour être la meilleure alimentation pour elle, me remontait le moral.
En revanche, mon allaitement a été suspendu trois fois (pour les deux anesthésies générales, puis pour un scanner avec injection de produits de contraste iodés). La première fois, un anesthésiste peu informé (et qui souhaitait se protéger) parlait arbitrairement de 24 heures de suspension. Dangereux, aussi précocement après la mise en place de l’allaitement ! Heureusement, une animatrice LLL m’a trouvé le jour-même (un dimanche) la littérature nécessaire pour le convaincre de son erreur. Je retiens de cette expérience que beaucoup de professionnels (moi la première) sont insuffisamment informés/formés sur l’allaitement, et qu’il ne faut donc pas hésiter à prendre plusieurs avis et à s’entourer assez tôt de personnes compétentes, disponibles et à l’écoute. Pour ma part, LLL a sauvé mon allaitement, et je les en remercie infiniment.
Danielle : J’ai découvert mon adénofibrome lorsque j’avais 23 ans. Très vite, le gynécologue que j’ai consulté m’a rassurée : "C’est courant, bénin, et on n’opère que s’il dépasse 3 cm." Je l’ai presque oublié ; et puis, sept ans plus tard, il a recommencé à tirer, à être douloureux. Une mammographie et une radiographie ont confirmé qu’il avait beaucoup grossi (il avait atteint les 3 cm), mais il restait bénin. J’avais prévu de le faire enlever, mais une grossesse inattendue a retardé mes démarches.
Pendant la grossesse et ensuite pendant l’allaitement, je l’ai régulièrement palpé. Je sentais qu’il avait encore grossi, mais ma gynécologue m’assurait que c’était normal vu les changements hormonaux que provoque la maternité.
Et puis, lorsque ma fille a eu 5 mois, elle a refusé de téter le sein où se situait l’adénofibrome. Elle n’y tétait déjà pas beaucoup, mais là, j’y ai vu un signal d’alerte.
Et c’était reparti ! Rendez-vous avec la gynécologue et avec un radiologue pour une première échographie, qui fait ressortir une information un peu inquiétante : l’adénofibrome mesure 5,2 cm, une autre boule ressemblant à une tumeur semble en sortir. Une biopsie est organisée, ainsi qu’une mammographie.
Ce n’est pas facile d’allaiter sereinement dans ces conditions. Mon bébé avait repris la tétée sur le sein affecté, mais j’étais inquiète de lui transmettre une quelconque maladie. Grâce au soutien des membres du forum LLL et de ma mère, grâce à l’écoute du corps médical, et aussi parce que je tenais à poursuivre l’allaitement, j’ai pu me préparer aux examens avec moins d’anxiété.
Jour après jour, j’ai réduit le nombre de tétées sur le sein en cause. La biopsie devant se réaliser sous anesthésie locale, j’ai tiré mon lait le matin avant l’examen ; une heure avant, j’ai donné deux longues tétées ; et 7 heures après, j’ai pu reprendre l’allaitement tranquillement.
Il ne faut pas hésiter à informer le corps médical que vous allaitez et à quelle fréquence, afin qu’ils mettent tout en œuvre pour ne pas interférer.
Les résultats sont favorables : mon adénofibrome a juste trop grossi, il y en a un deuxième à côté ; mais il faut l’enlever, car sa taille se rapproche des situations où il peut devenir problématique. Pressée de m’en débarrasser, je n’attends pas le sevrage (que j’avais prévu aux 12 mois de ma fille).
Encore une fois, le chirurgien a été compréhensif quand je lui ai dit que je voulais poursuivre mon allaitement, sur les deux seins. Il a fait en sorte de ne pas toucher aux canaux lactifères, et je lui en suis plus que reconnaissante.
L’opération était une mastectomie partielle sous anesthésie générale. D’après l’équipe médicale, il me suffisait de tirer mon lait après l’opération et d’allaiter sur le sein non opéré pour la première journée. Mais ayant eu besoin de morphine, je devais attendre 4 heures au minimum pour tirer.
On m’avait dit que je pourrais remettre le bébé au sein opéré au bout de 48 à 72 heures, mais pour ma part, et sans doute parce qu’elle tète avec beaucoup de vigueur, cela s’est fait au bout de 4 jours, et j’ai dû attendre environ 6 jours pour retrouver un rythme de tétées normal. J’ai bu beaucoup d’eau et tiré mon lait une fois par jour sur le sein opéré par peur d’avoir une baisse de production. Pour être honnête, ma fille ne tète pas longtemps sur ce sein, le réflexe d’éjection semble plus lent, mais elle parvient à se rassasier.
Le sein cicatrise vite, et si vous vous reposez bien, que vous êtes bien entourée, vous reprendrez une vie normale très rapidement. J’ai eu la chance d’être opérée un vendredi, mon compagnon a pris le relais pour tous les soins au bébé et pour toutes les tâches ménagères pendant quatre jours. Il a aussi fait mes pansements. Cela m’a beaucoup aidée, parce que j’ai une poitrine énorme, pas facile à manipuler !
Deux semaines plus tard, je suis en pleine forme et j’allaite comme avant sur les deux seins.
Pour terminer, je dirais de ne pas hésiter à partager vos craintes et vos attentes auprès des spécialistes. Assurez-vous que vous ne serez pas seule pendant cette épreuve, et n’hésitez pas à demander de l’aide autour de vous.
Feuillets Newman
• L'allaitement après une chirurgie mammaire (première partie)
• La chirurgie mammaire et ses effets sur l'allaitement (deuxième partie)
• Chirurgie mammaire et allaitement (troisième partie)
Autres documents
• Article de Marie Courdent, "Allaiter après une intervention sur les seins", publié dans Profession sage-femme n° 190. À télécharger ci-dessous.
• Recommandations de la CoFAM, Allaitement et chirurgie mammaire
Livres
• Defining your own success, de Diana West, 2001. Pour celles qui lisent l'anglais, c'est le livre à lire sur le sujet. Écrit par une animatrice LLL qui a été elle-même confrontée au problème, il en couvre absolument tous les aspects : les différentes formes de chirurgie et leurs conséquences sur l'allaitement, toutes les études sur le sujet, les capacités de réparation, les variations de production de lait selon les femmes, etc.
• Plus de lait !, de Diana West et Lisa Marasco, comporte toute une partie sur la chirurgie mammaire.
Plus de lait !
En France, le taux d'allaitement maternel à la naissance progresse régulièrement depuis les années 70. Malheureusement, ce taux baisse assez vite après la naissance. La cause principale de ce sevrage précoce donnée par les mères est le manque de lait. Pourtant, les mères françaises ne sont pas physiologiquement différentes des mères norvégiennes qui semblent ne pas souffrir de ce problème d'insuffisance de lait.
22,00 €
Liens
• Un site (en anglais) entièrement dédié à l'allaitement après une chirurgie mammaire.
• Allaitement pour tous : un site pour les mères qui allaitent avec un DAL, un soutien au jour le jour essentiel.
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