Publié dans le n° 130 d'Allaiter aujourd'hui, janvier 2022.
Toutes les études le montrent, de nombreuses femmes qui avaient prévu d'allaiter vont sevrer durant le premier mois. Un sevrage subi, non choisi et qui laissera un goût amer chez la plupart d'entre elles, hypothéquant même parfois un allaitement ultérieur.
Pourquoi arrêter si vite alors qu'on avait fait le choix d’allaiter ? Les raisons sont multiples, mais avec un soutien personnalisé, des informations actualisées, adaptées, il est bien souvent possible de dépasser ces difficultés des premiers jours, des premières semaines, et de vivre ensuite un allaitement heureux.
Douleurs
La première des raisons qui met à mal l'allaitement, c’est la douleur lors des tétées, douleur qui peut se manifester dès la première tétée ou dans les heures, les jours qui suivent.
Comment y remédier ?
Il faut revenir aux fondamentaux et s'assurer que la position du bébé au sein est parfaite, gage de confort pour la maman et le bébé.
On oublie à ce moment la position assise verticale ou "position madone" pour essayer la position BN (pour "Biological Nurturing"), maintenant présentée sous le terme d’"allaitement instinctif". Pour ce faire, la maman va prendre son bébé contre elle, comme si elle voulait le mettre en peau à peau, puis elle va s'incliner en arrière pour passer en position semi-assise, installée bien confortablement, avec de nombreux coussins, oreillers… la soutenant. Le bébé va se retrouver à plat ventre sur sa mère, il ne peut pas être plus près d’elle. Beaucoup de mères reconnaissent là la position qu’elles ont eue en salle de naissance, mais qu’elles n’ont pas réutilisée depuis. La gravité devient alors l’alliée de la mère car, dans cette position, il est difficile au bébé de lever ses bras contre la pesanteur pour faire des moulinets : plaqués sur le corps de la mère, ils ne viennent plus interférer avec la prise du sein. Celle-ci peut guider le bébé pour qu'il soit face au sein, "devant le restaurant". Et normalement, comme tous les bébés mammifères, il va trouver le sein tout seul.
Le guider et pour ce faire lui (main)tenir la tête est absolument contre-productif, car il va chercher à se dégager de cette main qui le gêne. Même si, malheureusement, vous avez vu un professionnel de santé agir ainsi, c’est-à-dire essayer d’emboîter le bébé dans le sein comme deux legos, surtout ne copiez pas cette façon de faire ! Elle amène le bébé à avoir la tête enfouie dans le sein, peut-être même légèrement inclinée vers le thorax, ce qui n’est pas du tout confortable pour lui. Vous pouvez expérimenter vous-même ce qu'on lui fait vivre : penchez votre menton sur votre poitrine, ouvrez la bouche, tirez la langue et essayez d’avaler ; c'est impossible, or c'est ce qui se passe pour le bébé si l’on ne respecte pas sa motricité spontanée. Au contraire, pour bien prendre le sein, avoir une grande "bouchée de sein" comme on dit parfois, il va déplier son cou, incliner la tête légèrement en arrière, comme nous quand nous buvons un verre d'eau.
Parfois, certains bébés ont besoin d'être un petit peu aidés pour que leur bouche cueille le sein, et dans ce cas-là, le plus efficace est de prendre le sein qu'il va téter avec les quatre doigts de la main en dessous et le pouce au-dessus pour former un C avec les doigts et, en comprimant le sein, de lui donner une forme de pain bagnat ou de tacos, tout en en veillant à ce que les doigts soient bien parallèles aux lèvres du bébé. Ainsi, le sein sera facilement tété par le bébé puisqu'il sera dans le même axe que l'ouverture de sa bouche, comme une lettre entrant dans un boîte aux lettres. Les doigts de la mère ne doivent pas interférer avec la prise du sein, la bouche ne doit pas buter dessus. Le nez des bébés n'a absolument pas besoin d'être dégagé pendant la tétée. Si on laisse faire le bébé, il va modifier de lui-même sa position pour bien respirer. Et pour l’aider dans cette "position instinctive", le bras de la mère du côté du sein tété peut s’abaisser un petit peu, et le nez va se dégager tout seul. Appuyer sur le sein pour dégager le nez peut amener le mamelon à sortir de la bouche du bébé sur quelques millimètres, une source de douleur pouvant déboucher sur des crevasses. Dégager le nez en appuyant sur le sein va aussi modifier l’axe du mamelon dans la bouche, il ira frotter contre le palais, ce qui l’irritera.
Notre site montre des vidéos de l’"allaitement instinctif" ou BN , il y a des écrits, des photos, faites-vous aider et, en quelques tétées, vous deviendrez experte. Si vraiment vous n'êtes pas à l'aise avec cette approche, la position "madone inversée" est aussi très utile quand un bébé a du mal à prendre le sein. Au lieu de rester verticale ou de se pencher vers son enfant, la mère est inclinée en arrière pour bénéficier de la gravité ; le bébé est tourné vers elle pour être mis au sein, mais il va être tenu par le bras opposé à celui du sein tété. Si le bébé tète le sein droit, la mère va le plaquer contre elle avec son avant-bras gauche, celui-ci faisant comme un tuteur le long de sa colonne vertébrale ; le bébé est aussi proche de sa maman que l’est son soutien-gorge. La paume de main de la mère est située au niveau des omoplates du bébé, ses doigts font comme un petit oreiller au niveau des joues du bébé, la tête du bébé est bien mobile et le pouce de la mère est sous l'oreille ; le nez est face au mamelon ; s’il faut stimuler le bébé, la mère prend son sein dans sa main droite pour venir chatouiller le bébé sous le nez. Toujours avec la main droite, elle peut présenter son sein comme une lettre dans la boîte aux lettres, en formant cette fois-ci un U. Quand l’enfant a pris le sein, la mère peut le tenir en "madone classique" si c’est plus confortable pour elle.
Quand tout ira bien, quand votre nouveau-né aura grandi, la position "madone classique" peut être pratique, mais toute légère inclinaison en arrière de votre corps est bénéfique parce que, du coup, c'est vraiment votre corps qui porte le bébé et non vos bras. Cela vous évitera les tensions au niveau des épaules, de la nuque, des bras, des poignets.
Certaines femmes se voient proposer la position "en ballon de rugby" ; il faut alors beaucoup de coussins près du corps de la mère pour être là aussi confortable, mais c'est une position plutôt inhabituelle, sauf en cas de jumeaux. A-t-on déjà vu un tableau de Vierge à l’enfant, une sculpture, une peinture d'une mère qui allaite ainsi au long cours ?
La succion du bébé
Le second point à vérifier en cas de douleurs lors des tétées, de blessures (appelées "crevasses", comme celles de nos lèvres), c’est la façon dont le bébé tète au sein, sa succion.
Pour être efficace, le bébé a besoin de téter non pas le mamelon, mais bien le sein, d'avoir beaucoup d’aréole dans la bouche. Il a donc le menton dans le sein et le nez qui frôle le sein. Là aussi, être en BN est d'une grande aide car, en "position madone", le bébé, attiré par la pesanteur, peut se retrouver comme "accroché à la branche", serrant le mamelon pour ne pas le perdre, au risque de le blesser. La peau du mamelon va alors être irritée et les crevasses vont arriver.
Quand la douleur est là lors des tétées, la première chose à faire est donc de revoir la position de la mère et du bébé, puis d'évaluer la succion du bébé, ce qui demande de l'expérience. Le moment où cela fait mal et l’emplacement des crevasses (au bout des mamelons ou dans le sillon entre mamelon et aréole) aident à comprendre ce qui se passe quand le bébé tète. La plupart du temps, modifier la position du bébé au sein suffit à améliorer la situation.
Certains bébés vont avoir besoin qu'on libère leur frein de langue pas assez mobile (on le qualifie alors de restrictif), mais ce n’est pas aussi courant qu’on le pense parfois aujourd'hui. Ce sujet est difficile, complexe, l’évaluation d'un frein de langue ne se faisant pas uniquement en regardant la bouche du bébé, mais en analysant l’aspect et la mobilité de cette langue et de la lèvre supérieure avec les doigts. Avant d’envisager de libérer les freins en les coupant au ciseau ou au laser, des séances d’ostéopathie ou de chiropractie pédiatrique peuvent aider à lever les tensions qui gênent l’ouverture de la bouche du bébé et permettre une mobilité de langue et de mâchoire optimale.
Les crevasses sont très douloureuses, même si parfois elles sont minimes. Varier les positions du bébé au sein ne peut qu’aider, car la pression de la langue se répartira sur les différents quadrants de l’aréole.
À savoir : chaque mère dispose d'un produit super efficace, gratuit et toujours disponible, pour guérir ses blessures : son propre colostrum, à masser avec un doigt propre après chaque tétée et même, si possible, beaucoup plus souvent dans la journée. La lanoline ultrapurifiée est une autre possibilité ; elle doit être appliquée avec parcimonie, sinon une épaisseur trop importante de cette pommade grasse transformera le mamelon en toboggan pour la bouche du bébé lors de la prochaine tétée. De plus, cet excès de pommade pourrait boucher les pores par où s’écoule le lait. Mieux vaut donc en mettre peu mais souvent. Elle ne demande pas être enlevée avant les tétées. Mamelons et aréoles sont des muqueuses, et les plaies guérissent vite si position et succion ont été améliorées.
Pendant le temps à la maternité, période pendant laquelle la maman produit ce concentré d'anticorps qu’est le colostrum, sur des blessures récentes, neuves, non infectées, des pansements humides de colostrum peuvent aider à cicatriser les crevasses. Par la suite, l’expérience nous amène à ne pas les recommander, car enfermer le mamelon et l’aréole dans du film plastique transforme cette zone en étuve, ce qui facilite la prolifération des germes et des champignons.
Les blessures du mamelon peuvent en effet se surinfecter. Il faut y penser devant des crevasses qui ne guérissent pas, qui brûlent. Germes ou plus rarement champignons ont pu proliférer, d’où la nécessité d’une pommade adaptée compatible avec l'allaitement et que l’on n’aura pas besoin d’enlever avant la prochaine tétée.
Pour passer ce cap douloureux, certaines mamans essaient des bouts de sein, ou écrans en silicone, ou membranes. Le soulagement n’est pas toujours au rendez-vous, cela dépend de l’emplacement des crevasses, de la taille des bouts de sein (a-t-elle été bien mesurée ?), de la façon dont le bébé va prendre le bout de sein en bouche... Le bout de sein réalise une barrière entre la bouche du bébé et le mamelon, d’où une moindre stimulation de la production lactée possible, qui sera surtout notable si le bout de sein est proposé très rapidement après la naissance et que la production de lait est déjà limite. Si le bébé ne tète pas bien, si l’arrivée du lait en abondance tarde, il sera alors judicieux d’associer 2-3 séances quotidiennes de stimulation au tire-lait en parallèle, et d’envisager très vite de se sevrer des bouts de sein.
Quand la douleur est trop forte, les plaies trop importantes, que les crevasses saignent, exprimer le lait à la main ou avec un tire-lait moderne à faible puissance, peut parfois aider à passer un cap. Se pose alors la question du volume de lait à fournir, de comment procéder pour nourrir le bébé (avec un gobelet, une sonde au doigt, une soft-cup ou biberon-tasse, un biberon donné quasi à l’horizontale). Il faut se faire aider, car les questions sont multiples. Elles seront traitées dans le chapitre suivant.
Produire du lait est naturel, et le corps s’y prépare dès la grossesse avec le colostrum présent dès le quatrième mois de grossesse. Par contre, allaiter est très influencé par la société dans laquelle vivent les parents. Combien de jeunes femmes en France ont réellement vu un bébé téter avant d’avoir le leur dans les bras ? D’où l’impérieuse nécessité de se préparer, de s’informer pendant la grossesse, de rencontrer des femmes qui allaitent dans les groupes de soutien comme ceux de LLL, pour éviter tous les désagréments qui viennent d’être évoqués.
Questions de poids
Passé les premières heures, les parents peuvent avoir à faire face à une autre difficulté : le bébé perd du poids, et cette chute de poids (habituelle) peut parfois être estimée trop importante par le personnel de la maternité, ou durer au de-là des trois ou quatre premiers jours. Quelques repères peuvent aider à appréhender la situation.
Si, à la naissance, on observe un nouveau-né à terme (avec une naissance la moins techniquée possible et un poids normal pour son âge gestationnel), installé en peau à peau, en BN, on verra qu’il va d'abord atterrir, se poser, observer, prendre ses marques et, plus ou moins rapidement, aller vers le sein, aidé en cela par sa mère. Comme tous les petits mammifères du monde, il est capable de trouver seul le mamelon, de s'y fixer et de téter longuement un sein, parfois les deux.
Ensuite, il y a souvent une phase de récupération de plusieurs heures durant lesquelles il dort ; puis, peu à peu, il va émerger et se mettre à chercher à nouveau le sein. En restant en peau à peau non-stop, non seulement il a bien chaud, mais il retrouve ses repères connus depuis neuf mois : odeur du liquide amniotique dont il a mouillé sa mère en venant au sein (donc ne pas se doucher trop vite pour garder ce chemin olfactif qui conduit au sein), odeur qu’il retrouve au niveau de l’aréole des seins grâce aux tubercules de Montgomery et au colostrum, voix de ses parents, bruits du cœur de sa mère. En peau à peau, celle-ci peut observer le comportement de son bébé et repérer les petits mouvements des yeux sous les paupières, de la bouche, des doigts, indiquant qu’il quitte le sommeil profond, sommeil pendant lequel il ne bouge pas d’un poil, pour passer dans un stade plus intermédiaire où là, il est très facile de le glisser devant le sein pour qu'il puisse téter.
Les premières 24-48 heures, plus il s’accrochera au sein pour téter, plus l'arrivée du lait en abondance se fera rapidement. 6-8-10-12 tétées les premiers jours, soit par moment toutes les 30 minutes ou une heure ou deux après le début de la tétée précédente, stimulent la production lactée. Le colostrum, ce lait épais qui a la couleur de l’or et qui vaut de l’or par sa richesse en protéines et en anticorps, dont la digestion est très rapide, se transforme en lait de transition, puis en lait mature de plus en plus abondant et de couleur argentée. Comme l'objectif est de stimuler la montée de lait, lui proposer à chaque tétée les deux seins est très judicieux : il tète le premier sein, fait une pause, rote (rarement à cet âge), puis accepte de téter sur le deuxième sein ou non : la mère le lui propose, il dispose (un peu, beaucoup, passionnément, c’est son affaire, il sait ce dont il a besoin). En parallèle de ces tétées à volonté (car aucun délai entre les tétées n’est nécessaire ou recommandé), la mère peut pratiquer la compression du sein pour exprimer du colostrum dans une cuillère et le lui donner en complément, surtout s’il y a des raisons pour qu'il en ait besoin (retard de croissance, diabète gestationnel de la mère, légère prématurité, voir plus bas tous les cas particuliers où l’allaitement risque de rencontrer des difficultés à bien s’installer).
Les jours qui suivent, les semaines, les mois seront rythmés par des tétées toujours fréquentes sur les deux seins, ou non, en fonction de son appétit et de la capacité de stockage du lait de chaque sein, propre à chaque mère.
Ce qui est capital, dès les premiers jours, c'est d’être guidée et d'apprendre à observer si le bébé est efficace au sein : est-ce qu’il est au sein ou est-ce qu'il tète au sein ? est-ce qu'il est simplement en train de boire de l'amour, ce qui ne fait pas grossir, car en fait il tétouille, ou est-ce qu'il aval ?, est-ce qu’il déglutit d’abord des petites gorgées de colostrum puis, après la "montée de lait", de grandes lampées de lait ? Il tète bien, donc les oreilles bougent, mais ce seul critère ne nous dit pas s’il se nourrit de lait. Il déglutit quand on voit le menton s’abaisser un petit peu plus, qu’on observe que l’amplitude du mouvement est plus grande et qu’on entend en même temps un bruit de déglutition. Les seins fonctionnent un peu comme les pompes à eau sur les trottoirs : on pompe vite, l’eau arrive, et pour obtenir une seconde livraison, il faut repomper. Après la période du colostrum, lors des tétées, le bébé a d’abord une succion rapide, puis, dès que le lait déboule, sa succion ralentit, devient plus ample, et là, on voit le menton s’abaisser quasi à chaque mouvement de succion et on entend "gloups, gloups" ; ensuite, les déglutitions ralentissent, et il doit restimuler, re-téter activement pour faire venir le second réflexe d’éjection, la seconde livraison, et ainsi de suite. Il ne s’endort pas toujours accroché au sein, se réveillant dès que vous l’ôtez du sein, mais, rassasié, il pousse le sein hors de sa bouche après avoir dégluti pendant au moins une dizaine de minutes.
On peut dire que la plupart des bébés du monde occidental ont en moyenne entre 8 et 12 tétées par 24 heures, mais comme c’est une moyenne, certains grossiront très bien avec moins de tétées tandis que d’autres auront besoin de plus de tétées, du moins certains jours.
Avec ces tétées très nombreuses, la perte de poids, habituelle les premiers jours de vie, devrait être limitée aux alentours de 6 à 8 % du poids de naissance. Ensuite, le poids va repartir à la hausse. Les repères de l'association des consultants en lactation ILCA indiquent un poids de naissance repris au dixième jour. Et quand tout va bien, on s'attend à ce que, le premier mois, le bébé prenne environ 900 g (généralement plus pour un garçon) et ne sorte pas de son "couloir" par la suite (voir les courbes OMS).
En plus des déglutitions fréquentes, l’autre critère qui montre que l’enfant se nourrit bien, c’est la balance des entrées de lait et des sorties (urines et selles). Leur volume augmente ainsi : le premier jour, 1 pipi, le deuxième jour, 2 pipis, le troisième jour, 3 pipis, pour arriver, à 1 semaine de vie, à 5-6 couches jetables bien mouillées ; à J10, être mouillées ne suffit plus, elles doivent être trempées d’urine.
Les selles sont d'abord du méconium noir, visqueux, puis des selles méconiales moins noires, moins collantes, et avec l'arrivée du lait en abondance, la fameuse "montée de lait", les selles deviennent plus liquides, molles, ressemblant classiquement à de l'œuf brouillé, mais pouvant être aussi comme de la moutarde. À partir de J7, c'est 2 à 3 selles par 24 heures, de la taille d'une cuillère à soupe qui sont attendues. La tâche de caca, la goutte de selles, la ligne de selles entre les fesses ne comptent pas. En résumé, beaucoup d'entrées de lait génèrent beaucoup de sorties et rassurent tout le monde.
Dès qu'on rentre dans les cas particuliers suivants, l’allaitement risque de rencontrer des difficultés à s’installer sereinement : nouveau-né somnolent à la suite d’un accouchement difficile, médicalisé, avec extraction instrumentale (forceps, ventouse) ; nouveau-né séparé de la mère à la suite d’une césarienne et qui n’a pu avoir une première tétée dans l’heure qui a suivi sa naissance ; nouveau-né laissé dans son berceau et dont on attend qu’il réclame à cor et à cri pour lui proposer une tétée ; nouveau-né éloigné de sa mère car mis en nursery la nuit ; nouveau-né né à 36-37 semaines, que l’on considère comme presqu’à terme alors qu’il a besoin de la prise en charge spécifique des nouveau-nés prématurés, et ce dès le jour de sa naissance et non pas quand il a perdu plus de 10 % de son poids de naissance ; nouveau-né qui a eu froid lors de la naissance ou qui a eu besoin de manœuvres de réanimation ; nouveau-né qui a déjà une tétine en remontant de la salle de naissance, car elle fait partie de la panoplie des objets de puériculture, ou qui a pris l’habitude de sucer son pouce in utéro ; nouveau-né avec des problèmes de succion, dont la mobilité de la langue et de la mâchoire n’est pas optimale ; nouveau-né dont le poids est surestimé, car les apports hydriques en perfusion dont a bénéficié sa mère durant le travail ont faussé le poids de naissance (il va émettre beaucoup d’urines le premier jour et perdre beaucoup d’eau ; la perte de poids sera considérée comme excessive alors que, dans ce cas, c’est le poids à H24 qui devrait être considéré comme repère, on pourrait même dire comme son réel poids de naissance) ; parents sans repères, sans informations précises, à qui on n'a pas expliqué la différence entre "allaitement aux horaires" (complètement obsolète), "allaitement à la demande" qui signifie quand le bébé pleure, sort le tambour pour demander à manger (complètement dépassé) et "allaitement à l'éveil" dès que le bébé manifeste quelques petits signes permettant de lui proposer le sein (pratique adaptée à ses besoins) ; mère avec un problème plus ou moins important lié aux hormones (diabète, hémorragie du post-partum, rétention placentaire, problème de thyroïde, etc.) ou à une intervention sur les seins ; multiples avis contradictoires venant des professionnels de santé, de la famille, des connaissances…
Et le stress, la fatigue n’arrangent rien, car ce dont la maman a besoin à ce moment-là, c’est d’un bain d’ocytocine. Elle a besoin d’être maternée, encouragée, valorisée, écoutée, chouchoutée, pour faciliter la relation avec son nouveau-né et l’éjection de son lait. Dans ces situations, il est impératif de se faire aider à la maternité et de s’entourer de personnes connaissant l’allaitement après le retour à la maison. Là aussi, on voit que toutes les informations engrangées avant la naissance se révéleront capitales pour la suite. Les réunions LLL sont là pour ça dès la grossesse.
Le bébé tète au sein mais il lui faut plus de lait
Le bébé déglutit peu, il somnole, n’ayant pas d’énergie pour se réveiller ; le poids continue de chuter après H72 ou on a atteint une perte de 8-10 % du poids de naissance ; l’aspect du méconium n’évolue pas.
Le bébé doit être plus efficace, pour recevoir plus de lait lorsqu’il est au sein. Tout d’abord, il faut revoir la position au sein, avec donc des tétées qui ne soient pas douloureuses. À cela on peut ajouter la compression du sein, c’est-à-dire que, dès que le bébé ralentit son rythme de déglutition, alors qu’il est encore en train de téter, la maman prend son sein dans sa main, comme si elle prenait une éponge, et presse. Cela suffit pour pousser du lait dans la bouche du bébé et augmente le transfert de lait. C'est la compression du sein qui, en général, amène le bébé à déglutir à nouveau. La maman peut alors relâcher la compression, puis la reprendre si besoin. Quand la compression est inefficace, à ce moment-là, on peut changer de sein et, par la suite, pour une même tétée, le bébé peut être à 3-4-5-6 seins avec un change de couche au milieu pour le réveiller. C’est ce que l’on appelle la super-alternance des seins.
Si, malgré tout, les tétées s’éternisent sans déglutitions audibles, que le poids au mieux stagne, au pire continue à chuter de 10-12 % par rapport au poids de naissance, les professionnels de santé peuvent être amenés à recommander le don de compléments de lait après la tétée. L'idéal est alors que ce complément soit le lait de la propre mère, exprimé à la main après la tétée et recueilli dans un petit tube (plutôt en verre) ou une petite cuillère à colostrum ou une seringue, et donné à l'enfant. Quand un complément de colostrum est donné, il est intéressant que ce qui a été recueilli après une tétée soit proposé à la tétée suivante pour ne pas faire attendre l'enfant. On a ainsi une tétée d’avance. Avec un tout petit peu d'entraînement, les mères peuvent arriver à exprimer tout le colostrum nécessaire pour le bébé.
À ce moment précis des premiers jours, utiliser, après la tétée, le tire-lait peut répondre à l'objectif de stimulation, mais le peu de colostrum qui sera recueilli va se perdre dans le fond du tire-lait, donc mieux vaut tirer à la main, systématiquement après chaque tétée, plus si possible.
Si la mère n’est pas à l’aise avec l’expression manuelle, et si l’on pense que le tire-lait sera plus efficace pour stimuler les seins, il faut que celui-ci soit moderne, en double pompage, car plus efficace sur moins de temps, qu’il ne fasse pas mal, avec des téterelles dont la taille soit adaptée aux mamelons (qui auront donc été mesurés pour voir si la taille standard convient ou pas). Un bustier fabriqué avec un jersey coupé et donné à la maternité permettra à la mère d’avoir les mains libres pour faire de la compression du sein pour obtenir plus de lait et faire autre chose pendant ces séances d’expression qui, dans la mesure du possible, termineront chaque repas, au moins durant la journée.
Il est important que les parents comprennent d’où viennent les difficultés afin d'y remédier. En parallèle, pour éviter toutes les pertes caloriques inutiles, l’enfant ne sera baigné qu’une ou deux fois par semaine, car c’est source de déperdition thermique. Et s’il n’est pas en peau à peau avec le dos couvert, il portera des vêtements en laine "à tous les étages" (bonnet, brassière, chaussons sous le pyjama).
Peu à peu, le bébé reprenant de l’énergie, la mère produisant plus de lait, l’allaitement deviendra exclusif au sein.
Le bébé tète au sein, mais a besoin d’un complément de lait industriel
Si les professionnels de santé estiment que des volumes plus importants de compléments que ce que la mère peut exprimer doivent être apportés à l'enfant, on rêverait que cela soit du lait de lactarium, pour rester avec du lait humain.
Dans les faits, un certain nombre d'enfants vont se voir proposer, en plus des compléments de lait maternel exprimé, une Préparation Pour Nourrisson industrielle (PPN). Cette prescription peut être dévastatrice pour la mère, pour les parents, et générer tristesse, colère, culpabilité, déception, amertume, pour eux qui rêvaient d'un allaitement exclusif parce qu'ils en connaissent les bénéfices. Avoir été entendus dans cette souffrance, dans ce deuil à faire, peut les aider à accepter que, momentanément, puisque l'enfant a besoin d'être nourri (c'est la priorité n° 1), il reçoive un substitut du lait maternel.
La Société Française de Pédiatrie a pris position en disant que les "laits relais de l’allaitement maternel" n’ont aucun avantage et même plutôt des inconvénients. Actuellement, on voit plutôt proposer non pas des laits "hypoallergéniques", mais des "hydrolysats de protéines", pour être sûr que ce don de compléments ne génère pas une allergie aux protéines du lait de vache ultérieurement.
Quand des compléments d’une PPN sont donnés, il est alors impératif de mettre en route en même temps, dans la mesure du possible après chaque tétée, un tire-lait, pour indiquer aux seins qu'ils doivent faire plus de lait, car sinon la production lactée ne sera pas boostée. La mère a en effet besoin d’augmenter sa production lactée, et pour ce faire, l’utilisation du tire-lait doit être optimale. Cela veut dire fréquente, si possible à chaque repas du bébé, soit environ 8 fois par jour, sans un intervalle de plus de 5 heures entre les tirages la nuit. Après la phase de tire-lait, la maman peut terminer de drainer ses seins grâce à l’expression manuelle.
Les tisanes galactagogues sont souvent plébiscitées par les mamans, mais elles n’ont aucune efficacité sans la stimulation fréquente des seins, tétées ou/et tire-lait.
Comment gérer les compléments ?
"Compléter" une tétée, ce n’est pas la "remplacer", donc le volume de lait proposé ne sera pas le même que si l’enfant ne recevait rien du sein, comme s’il était au biberon de lait industriel, sauf si la production lactée maternelle est vraiment très faible et que la courbe de poids l’exige. Compléter, c’est apporter un petit plus, un "petit dessert" ou un "fromage et dessert", ce n’est pas, sauf exception, apporter tout le repas. L’enfant est majoritairement nourri au lait maternel ; le goinfrer ensuite de lait industriel beaucoup plus long à digérer réduira le nombre de tétées et espacera les stimulations apportées au sein. Digérer, ce n’est pas faire des rots d’air, c’est un processus qui permet au lait de cheminer tout le long du tube digestif pour être assimilé par l’enfant et lui apporter les calories et nutriments dont il a besoin et, quand c’est du lait maternel, des anticorps et de nombreux autres nutriments irremplaçables. Digérer le lait maternel est plus rapide, donc les tétées reviennent plus vite.
Avant toute chose, il faut tout faire pour que les tétées fréquentes (8-10-12 par 24 heures) soient efficaces, avec une très bonne position du bébé au sein associée à la compression et la super-alternance des seins.
Donner les compléments avec un DAL
Pour le pédiatre canadien Jack Newman, "les bébés apprennent à téter en tétant, et les mères à allaiter en allaitant". Si le bébé a besoin de compléments de lait maternel ou de lait industriel, le système du DAL (Dispositif d’Aide à la Lactation) n’a que des avantages. Il s’agit d’un flacon duquel sort une fine sonde qui sera fixée sur le sein. Le bébé prend en bouche le mamelon et le tuyau, et par le système des vases communicants, il reçoit durant la tétée le lait du sein et le lait du flacon. Le système peut être "fait maison" avec une sonde à nutrition gastrique, donnée à la maternité ou achetée en pharmacie, qui plonge dans un biberon via le trou agrandi d’une tétine et est glissée dans la bouche du bébé. Si la situation risque de perdurer plus de deux semaines, il semble plus judicieux d’utiliser le DAL de la société Medela avec ses sondes fines. Grâce au DAL, le bébé est là où il doit être, c’est-à-dire collé à sa mère, c’est elle seule qui le nourrit comme dans le mode d’emploi d’origine de l’allaitement. Grâce à la sonde du DAL, l’enfant reçoit les laits, maternel et industriel, au sein plus rapidement que quand on donne le sein puis le biberon. En même temps qu’il tète efficacement, puisqu’il reçoit du lait du sein et du flacon, il stimule la production lactée, et quand il n’a plus faim, il s’arrête, repu.
Si ce n’est pas avec un DAL au sein, comment donner le lait ?
Pour de petites doses, la cuillère à café, la cuillère à colostrum, la cuillère à médicament dont le manche est creux ou le gobelet sont respectueux de la succion ; le biberon-cuillère ou la soft-cup permettent de donner des volumes plus conséquents ; l’embout de la seringue positionné à côté d’un doigt amène l’adulte à pousser sur le piston, et il ne faut pas être à contretemps des moments de déglutition. Si l’on observe que les joues du bébé se creusent, comme si l’enfant mangeait un spaghetti, cela signifie qu’il aspire et ne tète pas. Une autre solution est alors peut-être préférable.
Le DAL au doigt, qui consiste à ce que la sonde à nutrition gastrique soit fixée sur un doigt donné à téter, n’est pas forcément la panacée. Quel doigt va pénétrer dans la bouche de ce nouveau-né ? Celui de Maman ? de Papa ? Sûrement pas en tout cas celui de tous les visiteurs ! Doigt lavé, avec un ongle coupé court, reposant sur la langue pour ne pas blesser le palais. La sonde est plongée dans un biberon plutôt que reliée à une seringue, le système des vases communicants permettant plus facilement au bébé de boire toute la quantité dont il a besoin. Doigt dont il faudra que l’enfant se sèvre ensuite, car la stimulation d’un doigt ferme est différente de celle d’un mamelon qu’il faut cueillir pour l’attirer vers le fond de la bouche. C’est pour cela que le pédiatre Jack Newman, dans sa grande expérience, n’utilise cette technique que pour calmer un bébé qui pleure avant de le remettre au sein. Il n’empêche que pour un certain nombre de parents, cela a été la solution avant que le bébé ne tète vraiment.
Le biberon est une option quand on le donne quasi à l’horizontale pour qu’il ne coule pas trop facilement. Cela oblige le bébé à téter comme il le ferait au sein.
En allaitement, on ne peut jamais dire "jamais", "toujours", et des bébés ont su passer du sein au biberon sans souci, alors que d’autres ont été très vite perturbés. Aux parents à ne pas tomber dans le piège de faire donner ces biberons par tous les membres de la famille, au risque de sauter des tétées, puisque "Mamie est là et elle pourra donner un biberon". Avantages et inconvénients ont besoin d’être expliqués aux parents pour qu’ils choisissent ce qui leur convient, et chacun fait ensuite de son mieux.
Ce qui respectera le mieux l’allaitement, c’est donc le schéma des tétées en trois temps : premier temps, le bébé est au sein, avec une prise en bouche profonde ; deuxième temps, le complément est donné pendant la tétée, parfois dès le début de celle-ci pour encourager le bébé à téter (si la maman utilise un DAL, elle peut le mettre en route aux premières succions si le bébé n’a pas beaucoup d’énergie, ou en milieu de tétée une fois les premiers réflexes d’éjection du lait passés ; si c’est un autre système qui est choisi, ce sera alors après la tétée, quand le bébé ne déglutit presque plus (inutile d’éterniser la tétée puisqu’elle n’est plus efficace), avant qu’il ne commence à somnoler ; troisième temps, la mère stimule la production lactée avec un tire-lait ; si elle obtient des gouttes de lait, c’est bonus ; ensuite, elle arrivera à recueillir du lait qui sera donné à la place du lait industriel.
Quelle quantité de compléments donner ?
Durant le séjour en maternité, des compléments de 5, 10, 15 ml par repas sont la plupart du temps suffisants, car le nouveau-né boit peu mais souvent, son estomac est tout petit.
Après le retour à la maison, en accord avec le professionnel de santé (si possible spécialisé en allaitement) qui suit l’enfant, on proposera le lait maternel exprimé, et s’il faut plus souvent, ce sera 30 ml de lait industriel, soit une mesure de poudre de lait dans 30 ml d’eau ; et si le bébé reste sur sa faim après les 30 ml, on préparera 60 ml de lait industriel (60 ml d'eau et 2 mesures de poudre de lait).
Chaque situation est unique, et il ne peut y avoir un protocole unique. La maman a besoin d‘être accompagnée, car les compléments peuvent être proposés pendant ou après chaque tétée. Ou bien, par exemple on peut envisager que, le matin, les tétées au sein soient rapprochées, le bébé déglutit bien, ne semble pas avoir faim et fait des petits sommes, mais, au fur et à mesure que la journée avance, les tétées ne suffisent plus, se prolongent sans déglutition, et là, on peut commencer par des compléments de 30 ml et finir par des compléments de 60 ml, sans oublier que, souvent, le soir, les bébés sont au sein quasi non-stop.
S’il est indispensable de donner 90 ml par repas pour un enfant de moins d’un mois, c’est plus un biberon "de remplacement" que "de complément". Mais il faut se dire que le peu de lait maternel qu’il reçoit lui est toujours bénéfique, que l’allaitement durera tant que l’enfant tète, et qu’il peut repartir.
La surveillance est capitale durant cette période : urines, selles, poids, état général du bébé. Il peut être aussi judicieux de noter les tétées et le volume des compléments, lait maternel, lait industriel, pour voir comment évolue la situation.
Bien souvent, dès que le bébé tète efficacement au sein, la production lactée augmente grâce aux multiples tétées et aux séances de tire-lait. Une période de transition durant laquelle les compléments diminuent et les séances de tire-lait se poursuivent est souvent nécessaire.
Comment diminuer les compléments ?
C’est le bébé qui va guider le sevrage des compléments, et là aussi, il n’y a aucune règle générale. Tant que l’enfant n’a pas rattrapé le poids qu’il aurait dû avoir s’il n’avait pas eu de difficultés, il ne faut pas chercher à vouloir à tout prix baisser les compléments.
Ce n'est que si l’enfant ne finit pas systématiquement ses compléments, s’il espace ses tétées de plus de 2 h – 2 h 30 (en comptant à partir du début de la tétée), si les compléments au départ sont de 60 ml quasi à chaque tétée, qu'alors la mère peut tenter de diminuer un complément de 30 ml par 24 h – 48 h, puis deux, puis trois, voir comment l’enfant réagit et poursuivre si elle est bien sûre que son enfant n’a pas faim. Si elle complète avec un biberon, elle peut le remettre au sein après pour qu’il s’y endorme. Si les compléments sont de 30 ml, elle peut progressivement en supprimer un, puis deux, puis trois. Il faut prendre son temps parce que le plus dur pour le moral serait de devoir faire machine arrière et ré-augmenter les compléments.
En parallèle de cette baisse des compléments, le rythme de l’enfant peut changer, le nombre de tétées peut augmenter, le temps passé aux seins également. Tous les critères de surveillance déjà cités sont à surveiller.
Le tire-allaitement exclusif
Pour faciliter le retour d’un bébé au sein, il faut qu’il y trouve facilement du lait pour être immédiatement encouragé à poursuivre sa succion dès qu’il arrive à téter au sein. La plupart des mères ont besoin de tirer à chaque repas du bébé, soit environ 8 fois par jour, pour maintenir leur production lactée. Il ne faut pas s’arrêter au volume bu par le bébé quand il a quelques jours, mais stimuler pour arriver à 500 ml de lait exprimé par 24 heures à 2 semaines de vie, et 750-1000 ml de lait par 24 heures à l’âge d’un mois.
Les quantités de lait à proposer au nouveau-né qui ne tète pas au sein sont à définir avec le professionnel de santé qui suit l’enfant, selon son terme, son poids de naissance, sa courbe de poids et son appétit, souvent autour de 40-60 ml par repas la première semaine, puis entre 60 et 80 ml par repas, et ce environ 8 fois par 24 heures ou plus. On peut aussi prendre 150 ml /kg/24 h comme repère, mais certains bébés ont besoin de plus et d’autres d’un peu moins.
Le but étant de venir ou revenir au sein, le lait sera donné en essayant de copier au mieux les tétées, c’est-à-dire par la mère et occasionnellement par l’autre parent, mais pas par toute la parentèle porteuse d’odeurs inconnues, de microbes, de virus dont le bébé n’a pas besoin. La mère pourra être dénudée, pour que le bébé sente sa chaleur, son odeur, les bruits de son cœur.
Si l’enfant ne tète pas au sein, ne tète pas avec un "bout de sein" ou membrane, les premiers jours, le lait sera donné de préférence avec un gobelet ou une cuillère, pour éviter de perturber la succion par un biberon ou un doigt. Cette décision sera prise avec les parents. Par la suite, les différents systèmes exposés ci-dessus leur seront proposés pour qu’ils choisissent ce qui leur convient le mieux.
De nombreuses raisons peuvent empêcher un bébé de téter au sein, d’où la nécessité de se faire aider (animatrice LLL, consultante en lactation certifiée IBCLC, professionnel de santé avec un DIULHAM) pour comprendre ce qui se passe : difficultés à ouvrir grand la bouche suite à des conditions de naissance particulières, tensions au niveau des cervicales, torticolis… qui pourraient se résoudre avec des séances d’ostéopathie ou de chiropractie pédiatriques ; nouveau-né qui a vécu des tétées musclées durant lesquelles on a voulu emboîter sa tête en la poussant sur le sein comme un lego ; frein de langue restrictif qui l’empêche de mettre sa langue en gouttière pour cueillir le sein, etc.
Proposer des tétées au sein avant, pendant, après les repas, sans forcer, en essayant plusieurs positions, continuer du peau à peau, des câlins, expliquer à l’enfant que les parents voudraient vraiment qu’il soit au sein, lui apprendre par imitation à ouvrir grand la bouche et à tirer la langue (bébé assis verticalement, tête soutenue et non maintenue, à 30 cm de distance du parent, un des membres de la maisonnée lui disant comme une ritournelle : "Pour téter, tu dois ouvrir grand ta bouche et tirer la langue" et le lui montrant pendant 30 secondes ou plus), tout cela va, dans la plupart des cas, permettre au bébé de finir par prendre le sein.
Les critiques là où on ne les attendait pas
L’arrivée d’un bébé bouscule plus qu'on ne le pense, et d'autres difficultés peuvent survenir que nous ne détaillerons pas en détail, mais que nous avons quand même envie de citer pour que les parents sachent qu’ils ne sont pas les seuls à les vivre. C’est d'abord la place de l'entourage (famille, amis, collègues), souvent de bonne volonté, mais dont l’intrusion peut tout à fait semer le doute chez de jeunes parents : "Est-ce que ton lait est bon ? suffisant ? pourquoi le remets-tu déjà au sein ? laisse-le pleurer, tu vas en faire un capricieux ! est-ce que tu es sûre qu'il a assez mangé ? il serait peut-être temps d’arrêter ce cirque, pense à toi, à vous, etc." Toutes ces remarques qui glissent dans la journée, reviennent en boucle la nuit, au moment où l'on est le plus fragile, et peuvent vraiment déstabiliser une jeune mère. C'est là où l'autre parent a toute sa place pour la protéger des influences négatives, lui créer une bulle d’ocytocine.
Devenir parents, un chamboulement
S'occuper H24 d'un nouveau-né est un don de soi qu'un certain nombre de jeunes parents n'avaient pas réalisé au moment où ils ont décidé d’avoir un enfant. Quand on n'a pas été entouré d'enfants durant sa jeunesse, son adolescence, quand on est les premiers dans son groupe d'amis à devenir parents, ce grand saut peut se révéler très difficile, déstabilisant. Porter la responsabilité d’un nouveau-né livré sans mode d’emploi peut donner le vertige, et on peut même en arriver à se demander si l'on a bien fait de donner la vie, et si on l’aime, cet enfant. Pouvoir en parler à l'animatrice LLL au bout du fil, à la sage-femme qu'on rencontre régulièrement, à la puéricultrice de la PMI, à la psychologue si besoin, à son médecin… est indispensable pour se libérer de ce qui pourrait devenir un sac à dos bien lourd à porter, et ainsi pouvoir être des parents non pas parfaits mais suffisamment bons.
Un bébé pleure, ce n’est pas normal
Et puis, il y a les pleurs que, trop souvent, l'entourage, même médical, considère comme normaux alors que non, un bébé qui va bien n’a pas de raison de pleurer. Dans notre expérience d'animatrices, nous les relions bien souvent à une intolérance, une allergie à un aliment consommé par la mère qui passe dans son lait, bien souvent une protéine du lait de vache. Quand le bébé non seulement pleure mais régurgite, quand on sent qu'il est ennuyé par un reflux interne, on peut développer une hypervigilance permanente qui est épuisante. Chercher de l’aide est à faire au plus vite pour comprendre la cause des pleurs et y remédier.
Être parents le jour, et la nuit aussi
Ce qui va aussi surprendre les parents, même s’ils le savaient en théorie, c’est que s’occuper d’un bébé, c’est H24, sans bouton marche /arrêt. Il faut absolument trouver des trucs et astuces pour se reposer le plus possible, considérer le cododo en sécurité, éventuellement même le "surdodo" en sécurité, les siestes, les grasses matinées sont précieuses. Et surtout, demander à toutes les visites de remplir le frigo, d’aller faire les courses, de conduire les aînés à l’école, d’emmener le bambin en promenade, de nourrir la mère plutôt que d’apporter un énième petit pyjama.
Les jours, les semaines vont passer et, tout doucement, les soucis des premiers temps seront derrière vous, et vous découvrirez les vraies joies et les satisfactions, non pas de nourrir au sein mais de materner par l’allaitement.
Marie Courdent, animatrice LLLF, PDE, IBCLC, DIULHAM
Novembre 2021
Bibliographie
- Protocole clinique de l’Academy of Breastfeeding Medecine #2 : Protocole du retour au domicile
- Protocole clinique de l’Academy of Breastfeeding Medecine #3 : Recommandations pour le don de compléments en maternité chez le nouveau-né à terme et en bonne santé allaité
- Protocole clinique de l’Academy of Breastfeeding Medecine #5 : Gestion en péripartum de l'allaitement chez la mère en bonne santé et son enfant né à terme
- Débuts de l’allaitement, https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/les-debuts
- Mamelons douloureux – vidéos, https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/videos/1873-mamelons-douloureux
- Se sevrer d’un bout de sein, https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/surmonter-les-obstacles/2079-se-sevrer-d-un-bout-de-sein
- Le matériel autour de l'allaitement : utiliser un DAL, des bouts de sein... – vidéos, https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/videos/1255-le-materiel-autour-de-l-allaitement-utiliser-un-dal-des-bouts-de-sein
- Positions d'allaitement, mise au sein, prise du sein, https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/les-debuts/1417-positions-d-allaitement
- Efficacité du Biological Nurturing pour la prévention des problèmes de démarrage de l’allaitement, Dossiers de l’Allaitement n° 163, octobre 2020, p. 30, https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/dossiers-de-l-allaitement/2210-da-163-efficacite-du-biological-nurturing-pour-la-prevention-des-problemes-de-demarrage-de-l-allaitement
- Plus de lait ! Réussir son projet d’allaitement, Diana West et Lisa Marasco, éditions l’Instant Présent.
- Comité scientifique de la CoFAM, Poids de naissance, perte de poids et don de compléments en maternité aux nouveau-nés allaités : revue de la littérature et étude critique, juin 2021, https://cofam-allaitement.org/2021/06/29/poids-de-naissance-perte-de-poids-et-don-de-complements-en-maternite-aux-nouveau-nes-allaites-revue-de-la-litterature-et-etude-critique/
Bonjour Hamdouchi,
Merci de votre témoignage et c’est super que vous ayez pu mener à bien l’allaitement de votre enfant le temps que vous le souhaitiez
Un point a attiré mon attention, vous écrivez : « la science prouve aussi que la durée maximal où le bébé bénéficient de l'allaitement est jusqu'à 2ans ».
Il s’agit d’une notion que nous n’avons pas puisque l’Organisation Mondiale de la Santé recommande un allaitement de 2 ans ou plus. Pourriez vous satisfaire ma curiosité et m’envoyer les articles scientifiques qui appuient vos propos car nous nous efforçons de nous tenir au courant de toutes les nouvelles recherches, de toutes les nouvelles études sur le sujet ? Merci.
Bien cordialement
Marie Courdent animatrice LLL France
Je vous remercie pour ces conseils, si j'aurais su plein de trucs sur l'allaitement mais pas grave je me suis rattrapé et j'ai allaiter 2ans. j'ai donné que le lait maternel jusqu'à 6 mois et mon enfant est bien grâce à dieu et aux conseils de la sage femme ici à Villeurbanne et de la pédiatre au Maroc. qui m'ont encouragé à et m'ont donné des astuces pour la remontée d lait. qui était faible au début. l'allaitement c'est une très belle expérience. et pour info j'allaitais sur demande même les nuits. après on s'habitue et les 2 ans passent, dans notre religion pour celles qui veulent, le mieux c'est d'allaiter 2ans. Et la science prouve aussi que la durée maximal où le bébé bénéficient de l'allaitement est jusqu'à 2ans.
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