Article de Marie Courdent, animatrice LLLF, IDE, PDE, IBCLC, DIULHAM
et Julie Hamdan, médecin généraliste, animatrice LLLF, DIULHAM, IBCLC
août 2024.
Dès le début de la grossesse, parfois même avant le retard de règles, les seins se préparent à allaiter : glandes et canaux se développant, ils deviennent plus gros, plus lourds, le réseau veineux est plus visible, aréoles et mamelons deviennent plus foncés, ils seront un repère visuel pour le nouveau-né. Du colostrum est fabriqué par la glande mammaire à partir du 4ème mois de grossesse. Certaines femmes voient sourdre des gouttes de ce liquide qui a la couleur de l'or, et aura la valeur de l'or, et d'autres non. Cela n'a pas de conséquence sur la lactation future, même si souvent cela permet aux futurs parents de réaliser que oui, le corps est en train de se préparer pour nourrir le bébé. C’est la lactogénèse 1 aussi appelée différenciation sécrétoire.
Engorgement
Avec la naissance, et donc l'expulsion du placenta, qui doit être totale, un grand chahut hormonal s’installe : chute des hormones spécifiques de la grossesse et activation des hormones qui entrent en jeu pour la fabrication du lait. Se met en route la lactogenèse 2, aussi appelée activation sécrétoire, plus connue sous le nom de "montée de lait". Les seins vivent une réaction inflammatoire qui peut générer un œdème plus ou moins important. Parfois s’installe un "engorgement", qui peut toucher les deux seins dans leur ensemble. On peut le comparer à une "entorse du sein", pour faire le parallèle avec la réaction inflammatoire (œdème, chaleur) qu’on peut observer suite à une entorse de cheville par exemple. Ainsi, l’engorgement particulier qui peut survenir au moment de la montée de lait n’est pas lié à une stase lactée (la quantité de lait produite est encore faible), mais principalement à un œdème vasculaire. Avec une prise en charge adaptée, tout se résout en quelques jours. Dossier sur le site : Engorgement
Sous la peau, la structure anatomique du sein ressemble un peu à un arbre magnifique, avec de nombreuses branches. Et quand une branche, un lobe du sein, est mal drainé, par un canal lactifère bouché, faisant suite à une compression du sein par exemple, ou par un pore bouché au niveau du mamelon, on peut avoir un engorgement localisé d'une zone du sein. Apparaissent alors des signes locaux d’inflammation : chaleur, rougeur, douleur, zone indurée. Intervenir immédiatement est la meilleure des choses à faire. Dossier sur le site : La vie des seins lactants et ses péripéties : pore et canal lactifère bouchés
Mastite
Si l'inflammation persiste et que des signes généraux correspondant à ceux de la grippe s’installent, le niveau suivant est atteint, on parle alors de mastite. Fièvre, fatigue, courbatures, céphalées... signent que le corps se défend. C’est la "grippe du sein" ! Le stade "engorgement localisé" peut parfois avoir été très court, à peine remarqué dans le tourbillon de la vie. Au début, la mastite peut donc être uniquement inflammatoire, et dans la majorité des situations, elle se résout sans antibiothérapie. Avec une prise en charge adéquate, la mastite doit se résoudre en 24 à 48 h, la fièvre tomber, la douleur diminuer. Dans le cas contraire, un avis médical est requis pour discuter d'une antibiothérapie. Le terme de mastite remplace dorénavant les termes de lymphangite et de galactophorite, qui sont obsolètes. Sur le site : La mastite du sein lactant
Quand la mastite n’évolue pas rapidement dans le bon sens, une composante infectieuse est à évoquer. Elle peut provenir soit "de l'extérieur" (par exemple suite à une crevasse, porte d’entrée pour des germes présents sur la peau) soit "de l’intérieur". En effet, le lait maternel n’est pas stérile, il contient quantités de "bonnes bactéries" regroupées sous le nom de flore lactée, et cette flore lactée peut se déséquilibrer, des bactéries pathogènes venant prendre la place des "bonnes bactéries".
La maman peut parfois observer du pus dans son lait. Le pus se compose de leucocytes (globules blancs) altérés ; si le bébé en boit beaucoup, il peut parfois vomir sa tétée, ce qui, en soi, n'est pas grave. De nombreux bébés ont probablement bu du pus sans que la mère s'en aperçoive. Le pus était autrefois recherché par le signe de Budin, en exprimant du lait sur un coton ou une compresse. Si le lait traverse le coton sans laisser de dépôt, le signe de Budin est négatif ; s’il existe un dépôt verdâtre, alors le signe de Budin est positif, il y a du pus dans le lait. Mais ce test n’est pas fiable : le lait qui sort par un pore du mamelon ne vient pas forcément de la zone engorgée, douloureuse où le pus est contenu (faux négatif) ; à l’inverse, des globules graisseux sur le coton sont souvent pris à tort pour du pus (faux positif). Cette pratique est donc à oublier.
De toute façon, pus ou non, la conduite à tenir est toujours la même : allaiter des deux côtés fréquemment.
Abcès du sein
Lorsqu’une mastite est insuffisamment prise en charge, soit parce qu’il n’y a pas eu un drainage adéquat, qu’il n’y a pas eu d’antibiotique alors que cela aurait été nécessaire, ou que l’antibiotique n’était pas adapté, la zone inflammatoire de la mastite se remanie et l’ensemble des leucocytes présents "sur place" continuent à s’altérer, augmentant la quantité de pus qui finit par former une "poche". Le pus est alors collecté, enkysté, enfermé dans une coque : cela constitue un abcès. À ce stade, il n’y a en général plus de fièvre, ou une fièvre assez peu intense. On peut souvent sentir une masse bien délimitée sous les doigts, mais c’est l’imagerie (échographie) qui permet de faire le diagnostic. Le traitement repose sur la poursuite de l’allaitement (qui participe au drainage du sein et évite l’aggravation de la stase lactée), l’évacuation de l’abcès et l’antibiothérapie. Sur le site : Abcès du sein, questions/réponses et : Abcès du sein : cas cliniques
En conclusion
Poursuivre l’allaitement est toujours recommandé, avec parfois des antibiotiques quand la mastite infectieuse ne s’améliore pas franchement en 24 à 48 h ou qu’un abcès s'est constitué.
N’hésitez pas à lire les témoignages de cette page pour mieux comprendre ces pathologies : https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/surmonter-les-obstacles/1475-canal-lactifere-bouche-mastite-abces
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