Conservation du lait maternel

Pour obtenir des informations sur l'expression du lait, les tire-lait, etc., vous pouvez consulter les dossiers suivants : Travail et allaitement, Tirer son lait

Documentation LLL

Allaiter Aujourd'hui

Extrait de Allaiter Aujourd'hui n° 53

Trois questions principales se posent : comment conserver le lait ? Dans quoi ? Combien de temps ?

En fait, les trois questions sont liées, car le mode de conservation et les récipients à utiliser dépendent en grande partie du temps pendant lequel on veut/doit le conserver.
Le lait simplement réfrigéré est toujours préférable au lait congelé, car la congélation détruit certains de ses facteurs anti-infectieux. Or le lait se conserve au réfrigérateur beaucoup plus longtemps qu’on ne le croit habituellement : sa propriété de limiter la prolifération des bactéries pathogènes ne s’exerce pas seulement dans les intestins du bébé, mais aussi dans le récipient où on le stocke !
Dans l’état actuel des recherches, on peut dire que le lait se conserve :
- à température ambiante (19 à 22°), pendant 4 à 6 heures (max 8 heures),
- à 15°, pendant 24 heures,
- au réfrigérateur (0 à 4°), jusqu'à 8 jours,
- dans le compartiment pour surgelés d’un réfrigérateur, pendant deux semaines,
- dans le compartiment 3 étoiles d’un combiné réfrigérateur-congélateur, pendant trois à quatre mois,
- dans un congélateur séparé (-18°), pendant plus de six mois.
(Attention, ces durées ne sont pas cumulables : on ne peut pas par exemple laisser du lait 10 heures à température ambiante, puis trois jours au réfrigérateur et ensuite le congeler pour six mois).
Ces données sont valables pour un usage domestique (les hôpitaux et les lactariums peuvent avoir des règles différentes), la mère ayant soigneusement lavé au préalable ses mains et les récipients utilisés.

Pour ce qui est maintenant des récipients, on peut dire que le seul qui soit parfait, c’est l’emballage d’origine, à savoir le sein, mais que tout récipient bien lavé et rincé, et pouvant fermer hermétiquement, peut convenir.
Au cours des dernières années, les écoles se sont affrontées pour savoir quel matériau, du verre ou du plastique, était préférable. Les études donnent des résultats contradictoires. Pour la congélation, il semble actuellement que le verre (de préférence teinté) soit le meilleur choix, suivi du plastique transparent (polycarbonate) et du plastique opaque (polypropylène). Les sacs de congélation prévus pour le lait maternel sont également un bon choix, apprécié pour sa commodité.

Dossiers de l'allaitement

• DA 191 : Impact du stockage au froid sur les bactéries du lait humain
• DA 154 : Peut-on donner à un lactarium du lait maternel congelé refusé par l’enfant ?
• DA n° 70 : Impact des conditions envi­ronnementales sur le lait hu­main non pasteurisé

Autres textes

• Tableau comparatif des durées de conservation du lait recommandées par différentes autorités
• Plusieurs études concernant la conservation du lait humain et de ses propriétés

Sur le forum LLL

Conservation du lait

Questions/réponses

Q – J'ai un petit stock de lait au congélateur (un peu plus de 4 litres) que j'ai commencé à constituer il y a peu de temps parce que je reprends mon travail dans 2 mois. Aujourd'hui, par inattention, le congélateur est resté ouvert, et du coup, les sachets de lait ont commencé à fondre. Qu'est-ce que je peux faire ?
R – S'il reste des cristaux de glace, on peut recongeler le lait.
Si tout est décongelé mais qu'on s'en aperçoit rapidement, on peut porter le lait à ébullition, le refroidir et le recongeler. Ce lait pourra toujours nourrir le bébé. Il le protégera moins des infections que s’il n’avait pas été porté à ébullition. Néanmoins, il reste 1 000 fois meilleur que du lait industriel qui, lui, se contente de nourrir le bébé. 
Si tout est complètement décongelé et qu'on ne sait pas depuis combien de temps c'est comme ça, il faut soit jeter le lait, soit l'utiliser immédiatement dans une préparation (pâte à crêpes ou autre) ou l'ajouter à l'eau du bain du bébé (comme Cléopâtre qui prenait des bains de lait d'ânesse pour avoir une belle peau !).

Q –  Est-ce que la recommandation de ne pas conserver au congélateur du lait tiré pendant un épisode de candidose des mamelons est fondée sur des preuves scientifiques ?
R de FR – Je n'ai trouvé aucune étude sur le sujet (mais je ne sais pas tout ce qu'il est possible de savoir sur le sujet...). Mais dans la mesure où le Candida albicans est un habitant normal de notre peau et de nos muqueuses et qu'il ne devient pathogène que dans certaines conditions, et dans la mesure où les prélèvements n'ont pas beaucoup plus souvent retrouvé de Candida chez les mères souffrant de "candidose" que chez les mères des groupes témoin (voir DA 134), cela semble en fait globalement parfaitement inutile.
Voir aussi le protocole #8 de l'Academy of Breastfeeding Medicine Conservation du lait humain destiné à un usage domestique pour un bébé né à terme : "Le lait humain non contaminé contient naturellement des bactéries non pathogènes, et il est important pour l’établissement de la flore digestive néonatale. Ces bactéries sont des probiotiques, et elles créent des conditions dans le tube digestif qui limitent la croissance de micro-organismes pathogènes. Si une mère souffre d’un problème de mamelons douloureux qui semble lié à une infection bactérienne ou mycosique, rien ne permet de penser que le lait exprimé et stocké à ce moment doit être jeté."

Q – Est-il recommandé de conserver le lait tiré d’un sein qui vient d'être ponctionné à deux reprises pour cause d’abcès ?
R de MC – Jusqu’à présent, la question ne se posait pas : les abcès du sein étant le plus souvent incisés à la limite de l'aréole avec pose d’une lame, les mères avaient déjà bien du mal à exprimer du lait, juste pour éviter l’engorgement.
Maintenant que les ponctions sont préférées aux incisions et permettent la poursuite de l’allaitement, la question peut se poser de la conservation du lait exprimé au décours d’un abcès.
À notre connaissance, il n’y a pas d’études sur le sujet, et elles seraient difficiles à réaliser vu la multiplicité des situations pathologiques.
En l’occurrence, le bon sens doit primer : autant l’allaitement en direct du bébé sur le sein malade est à encourager pour faciliter la guérison, autant le fait de conserver le lait tiré du sein ponctionné pose question. Dans le protocole #8 de l'Academy of Breastfeeding Medicine Conservation du lait humain destiné à un usage domestique pour un bébé né à terme, il est question de "problème de mamelons douloureux qui semble lié à une infection bactérienne ou mycosique", mais il n’est pas question d’une infection à l’intérieur d’un sein (mastite) ou d’un abcès, même en cours de résolution.
Le lait non bu "à la source" est toujours plus à risque de contamination. En cas d’infection, mastite ou abcès, il est raisonnable d’attendre que la situation se soit normalisée pour envisager de conserver le lait tiré.
Il est par contre toujours possible de tirer et conserver le lait du sein non atteint.
Les durées de conservation du lait maternel exprimé se basent sur des études, et un consensus international basé sur ces recherches recommande une durée maximale de 8 jours dans un réfrigérateur entre 0 et 4° nettoyé régulièrement.

Q – Que faire si l'on découvre dans son réfrigérateur un flacon de lait maternel datant de plus de 8 jours ?
R –  Soit la maman a du lait maternel en stock et le lait peut être versé dans l’eau du bain du bébé ou transformé en savon. Soit elle est "en flux tendu", et le bon sens suggère alors de le renifler, et s'il n'a aucune odeur suspecte, de l'amener à ébullition pendant 10 minutes pour le stériliser, avant de le refroidir rapidement et de le donner au bébé.

Q –  Que faire si un bébé a reçu par inadvertance un biberon de lait maternel oublié depuis plus de 8 jours dans le réfrigérateur ?
R –  Un témoignage anecdotique intéressant : une mère nous a rapporté que son bébé avait bu du lait resté un mois au réfrigérateur. L’enfant n’a eu ni diarrhée, ni vomissement, ni fièvre, ni perte d’appétit, ni éruption cutanée, son comportement est resté normal. C'est UN témoignage, rien ne dit qu'un autre biberon de lait de la même maman tiré à une autre occasion se serait aussi bien conservé. Et encore moins des biberons de lait tiré par d'autres mères.
Si cela vous arrive, la seule chose à faire est d'observer l'enfant pour voir s'il va bien.
LLL France n’encourage pas le don de lait gardé aussi longtemps.

Q –  J'ai repris le travail hier. J'avais acheté un tire-lait d’occasion. Je l'ai nettoyé à l'eau chaude savonneuse. Il y a une partie que je n'ai pas réussi à enlever, mais vu qu'en forçant, cela ne donnait rien, je me suis dit que ce n'était pas démontable. Hier, après avoir tiré mon lait au travail, j'ai vu qu'il y avait une trace de moisi, alors j'ai forcé plus fort sur la petite pièce, et j'ai réussi à l'enlever. Il y avait effectivement de la moisissure dedans. Le lait a donc été en contact avec cette pièce au moment du passage, mais la valve empêche que cela aille dans le lait. J'ai tiré 200 ml hier, dois-je jeter ce lait ? Je n'ai pas envie de prendre un quelconque risque, mais pas envie non plus de le jeter pour rien...
R –  On peut faire bouillir ces 200 ml comme on faisait autrefois avec le lait de vache sortant du pis. Nos grands-mères faisaient bouillir le lait acheté à la ferme durant 10 minutes, dans des récipients hauts, avec un anti-monte-lait. Dans un livre datant de 1965, La puériculture, il est écrit : "Nous savons la malpropreté du lait (de vache). On pratique la stérilisation du lait par ébullition... Un lait qui monte n’est qu’à 85°. Crever la peau et laisser bouillir doucement 10 mn. Une ébullition de 10 mn fait perdre au lait 1/10 de son volume en eau, donc il faut ajouter 1/10 d’eau minérale.”
Le lait sera stérilisé, il nourrira sans apporter tous les anticorps... ce sera de toute façon mieux que du lait de vache en poudre. Le nourrisson peut le boire ou il peut servir pour des préparations culinaires : riz au lait maternel, semoule au lait maternel, crêpes au lait maternel etc. (voir Les desserts de Célestine au bon lait de maman de Pauline Steiner). 

Q – Je suis Éducatrice de Jeunes Enfants, et je travaille en multi-accueil. Avec ma collègue infirmière, nous venons de mettre à jour notre "protocole" allaitement à la crèche. Nous voudrions y inscrire la possibilité pour les familles de récupérer le soir le lait réchauffé et non bu, pour un usage autre qu’alimentaire, au lieu qu'on le jette. Nous voudrions trouver une source disant que c'est possible au niveau de la réglementation, vu que nous sommes dans un cadre collectif. De la même façon que nous justifions les temps de conservation en mentionnant les études à ce sujet. Pour celles qui travaillent en crèche, comment faites-vous ? Donnez-vous cette possibilité aux parents ? Est-ce inscrit quelque part ?
R d’Anaïs Galinier, animatrice LLLF – Je travaille en crèche, et nous redonnons le lait non consommé aux parents qui le souhaitent le soir. Il n'y a pas de protocole sur ce point. Nous essayons, dans un premier temps d'éviter au maximum de réchauffer trop de lait. Pour le lait congelé, on demande aux parents de congeler des petites quantités (30 ml, voire moins), ce qui est pratique pour les débuts de l'enfant à la crèche, quand les quantités ne sont pas régulières. S'il y a des restes, nous les redonnons aux parents qui le souhaitent, pour le bain par exemple. Il faut être clair sur ce point avec eux : il s'agit de lait qui n'est plus consommable. En effet, le lait a été durant la journée réchauffé deux fois pour du lait frais, une fois pour du lait congelé, et le lait que le bébé n'a pas consommé n'est pas remis au frigo pour qu'il n'y ait pas de contact entre denrées consommables et denrées non consommables. Le lait peut donc passer plusieurs heures en dehors du frigo avant qu'on le redonne aux parents. Lorsqu'on redonne le lait aux parents, même si on leur a dit que le lait n'était plus consommable, nous ne savons pas ce qu'ils vont en faire, d'où un écrit qui stipule qu'ils ont bien eu l'information. Il ne s'agit pas d'une question de peur mais de responsabilité de la structure.
Suite à ces échanges, nous allons réfléchir pour établir un protocole pour conserver le lait non consommé au frigo dans un contenant étiqueté dans une boîte. Cela permettrait à la mère de cuisiner son lait, en le portant de préférence à ébullition.
R d’Annaïck Gautrin-Delepaut, animatrice LLLF – Je ne pense pas qu'il existe une réglementation sur le sujet. Je me servirais de cette faille pour pouvoir redonner le lait aux parents.
R d’Isabelle Steffan, animatrice LLLF – Si le lait a été conservé au réfrigérateur à la crèche, cela me semble tout à fait possible de l'utiliser en le faisant chauffer pour en faire des flans, des crèmes dessert ou des crêpes. Si le lait contenait des germes, ceux-ci seront détruits par la cuisson.
Je connais une maman qui faisait des crêpes avec son lait pour toute la famille chaque samedi, car son fils refusait de boire le lait qu'elle tirait.
Je trouve vraiment très étonnant cette crainte autour du lait maternel (comme si c'était un produit "sale"), et cette respectabilité attribuée au lait en poudre pour nourrissons, comme s'il était plus sûr. Il y a pourtant eu plusieurs scandales sanitaires qui ont rendu les bébés très très malades (salmonelles dans le lait Lactalis en 2017, Cronobacter sakazakii en 2022 aux USA). Les crèches qui ont si peur du lait maternel respectent-elles les recommandations de l'OMS* d'utiliser de l'eau à 70 degrés pour reconstituer le lait artificiel et ainsi éviter une contamination qui peut s'avérer très grave pour des nourrissons ?
* En 2007, l’OMS et la FAO ont publié de "nouveaux conseils de sécurité" contenant un message clair et direct : "Les préparations en poudre pour nourrissons ne sont pas stériles. Elles peuvent contenir des bactéries susceptibles de provoquer des maladies graves chez les nourrissons. En préparant et en conservant correctement les préparations en poudre pour nourrissons, vous pouvez réduire le risque de maladie."
Ces lignes directrices sur la préparation, la conservation et la manipulation sûres des préparations en poudre pour nourrissons publiées la même année recommandent une phase de préparation de décontamination pour tuer les bactéries nocives : l’eau doit d’abord être bouillie puis refroidie à une température d’au moins 70° Celsius avant d’être mélangée à la poudre et laissée refroidir avant de donner le biberon au bébé. L’eau en bouteille doit également être bouillie et laissée refroidir à une température d’au moins 70°. Le reste de la préparation dans le biberon doit être jeté et non réutilisé.
Cette étape de décontamination ou d’élimination est essentielle, car les espèces Cronobacter et Salmonella sont toutes deux résistantes à la chaleur, ce qu'on appelle thermotolérance. Après avoir été introduites en usine lors de l’ultratransformation, ces bactéries peuvent survivre à l’état sec dans les emballages de formules non ouverts. C’est ce qu’on appelle la contamination intrinsèque. Ensuite, lorsque la préparation en poudre est reconstituée avec de l’eau tiède, ces bactéries se multiplient de manière exponentielle et atteignent rapidement des niveaux dangereux pour la santé des nourrissons. 
Voir Directives de l'OMS pour la préparation des biberons, GIFA
R Marie Courdent, animatrice LLLF – Le lait appartient aux parents, et plus particulièrement à la mère. C'est un produit qui vient de la mère, produit par elle, il n'y a donc pas de raison de ne pas le lui rendre le soir s'il n'a pas été bu par le bébé. En fonction de la façon dont il aura été conservé, elle prendra ses responsabilités pour l’utiliser comme cela lui semble le plus pertinent. Le lait maternel, cela vaut de l’or, il ne devrait jamais être jeté !

Autres documents

• Comité scientifique de la CoFAM, Recueil, transport et conservation du lait maternel, 2024
• Fiche pratique sur les recommandations de l'AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire de Aliments) : ce sont les recommandations pour les hôpitaux, les collectivités, les crèches... (texte intégral des recommandations)
• Recommandations de l'ANAES Allaitement maternel – Mise en œuvre et poursuite dans les 6 premiers mois de vie de l’enfant, à voir sur le site de la Haute Autorité en Santé du ministère de la Santé français : elles diffèrent légèrement de celles ci-dessus (plus spécifiquement destinées aux collectivités).
• Pour avoir une idée de ce qui se fait ailleurs : Recommandations des CDC (Centers for Disease Control and Prevention) aux USA.
• Protocole de l'Academy of Breastfeeding Medicine sur la conservation du lait humain destiné à un bébé né à terme en bonne santé : un texte riche en références d'études.
• Nancy Mohrbacher, Pourquoi les recommandations en matière de conservation du lait maternel diffèrent-elles selon les sources ?, 2016

Vidéos

• Vidéo de Global Health Media, Comment conserver le lait maternel en toute sécurité