Editorial de Allaiter aujourd'hui n° 23
Quand on pense allaitement, on pense bonheur, joie, plaisir partagé. Pour beaucoup de femmes, cette vision des choses est un mensonge. Leurs souvenirs à elles, ce sont douleur, crevasses, engorgements, lymphangites, sang et larmes.
Comment cela se peut-il ? Comment l'allaitement, fonction naturelle du corps féminin, peut-il faire mal à ce point ?
Il faut dire d'abord que l'allaitement est aussi culturel, et que beaucoup des difficultés et des douleurs des débuts d'allaitement viennent du fait que, bien souvent, les nouvelles mères ne savent pas "comment s'y prendre", parce qu'elles n'ont jamais vu faire et qu'il n'y a personne de compétent à leur côté pour les aider.
En second lieu, rappelons tout de même qu'une fonction naturelle du corps peut, dans certaines circonstances, faire souffrir. Uriner fait mal si l'on a une cystite. Déglutir fait mal si l'on a une angine. Faire l'amour fait mal si l'on vient d'avoir une épisiotomie. L'allaitement lui aussi peut être rendu douloureux par des pathologies, voire par des blocages psychologiques.
Enfin, on l'oublie trop souvent, l'allaitement est une relation entre deux personnes. Quand il pose problème, il faut voir du côté de la mère, du côté du bébé, et aussi dans la manière dont se déroule la tétée.
Il faut en tout cas se garder à la fois de la vision bêtifiante ("mais non, mais non, vous n'avez pas mal !") et des injonctions pseudo-stoïciennes ("c'est normal d'avoir mal, attendez que ça passe..."). Allaiter ne devrait pas faire mal. Si douleur il y a, donnons-nous les moyens d'en découvrir la cause et de la soigner, afin que le plaisir puisse advenir.
Claude Didierjean-Jouveau
Consultez les dossiers et pages suivants :
- Candidose mammaire
- Crevasses, mamelons douloureux
- Engorgement
- Freins de langue, freins de lèvre
- Canal lactifère bouché, mastite, abcès
- Comment se positionner pour allaiter
- Problèmes de succion, prise du sein
- Le réflexe d'éjection dysphorique
- Vasospasme du mamelon
- DA 140 : Douleurs mammaires persistantes : un test
- Les glandes (ou tubercules) de Montgomery peuvent-ils se boucher et/ou s'infecter ?
- Audrey (cloque sur le mamelon)
Vous pouvez également consulter les dossiers relatifs aux maladies et soins de la mère allaitante (traitement de la douleur pendant l'allaitement).
Ainsi que le protocole #26 de l'Academy of Breastfeeding Medicine : Douleur persistante pendant l'allaitement.
Question/réponse
Q d'une pharmacienne – J'ai vu une de mes patientes hier qui vient d'accoucher d'une petite fille en pleine forme (son deuxième enfant). Grossesse RAS, accouchement RAS. Tétée d'accueil en salle de naissance OK. Mise au sein dans les heures/jours suivant(e)s RAS. Elle est sortie à J+2 avec le PRADO.
Lors de la mise au sein, elle se plaint de douleurs vives, qui irradient, à lui donner les larmes aux yeux, à gémir. Ces douleurs apparaissent au moment où le lait sort, s'exprime. Les douleurs durent pendant 3/4 succions, après elles s'estompent. Pour son premier enfant, c'était déjà le cas, elle avait arrêté l'allaitement au bout d'un mois et demi à cause de cela.
L'enfant prend très bien le sein, bouche bien ouverte, bien positionnée, elle trouve facilement le sein, elle déglutit bien. Les mamelons de ma patiente sont très "beaux", ils ressortent bien, pas de crevasses.
Ma patiente décrit très bien le fait que ses deux enfants avaient des manières de téter bien différentes, mais les douleurs sont IDENTIQUES !
R de Françoise Railhet, rédactrice en chef des Dossiers de l'allaitement – Chez certaines femmes, le premier réflexe d'éjection peut être intense et douloureux, peut-être que c'est ça ?
Les douleurs sont juste dans les seins ? Est-ce que ça le fait quelle que soit la position de mise au sein (couchée par exemple) ? Regarder si elle n'a pas un problème au niveau des vertèbres dorsales, on ne sait jamais ? Faire une cure de magnésium ?
R de Julie Hamdan, animatrice LLLF – Certaines femmes ressentent le premier réflexe d'éjection de manière très vive, voire douloureuse, un peu comme une sensation de pelote d'aiguilles qui passerait. Cela dure quelques secondes et s'estompe ensuite. La plupart du temps, les réflexes d'éjection suivants ne sont pas ressentis (une tétée est composée de plusieurs réflexes d'éjection successifs). Ce phénomène peut s'accentuer d'un allaitement à l'autre. Il n'y a pas de prise en charge particulière.
Parfois, juste savoir que ça arrive et que c'est normal permet aux mamans de mieux le vivre.
Bien sûr, avant d'évoquer ce phénomène, les autres causes de douleurs doivent avoir été vérifiées : positionnement du bébé, infection du sein, vasospasme, etc.
R de Marie Courdent, animatrice LLLF – Je vous rejoins, j'explique souvent aux mamans qu'au repos, les canaux lactifères sont des ruelles qui, lors du réflexe d'éjection du lait, se transforment, pour certaines mères en routes, et pour d'autres en autoroutes, pour faire arriver le lait, et là, c'est peut-être une autoroute à 4 voies ! Les canaux sont distendus, mis sous tension brusquement sous l'action de l'hormone ocytocine, et cela donne des coups de poignard en début de tétée. Y a t-il derrière un Réflexe d'Ejection Fort ? Pas forcément. Peut-être n'y a-t-il pas de jets puissants qui sortent du sein en début de tétée ou la maman ne les a pas observés parce que ça se passe dans la bouche du bébé ou ils n'existent que pour les premiers flux de lait ?
Faire de l'expression manuelle pour évacuer les premiers jets de lait avant de mettre le bébé au sein ?
Q – J’allaite ma fille de 20 mois et j’ai eu mon retour de couches il y a deux mois et demi. Je souffre horriblement, à en pleurer, quand ma fille tète, lors de l'ovulation et pendant mes règles abondantes.
Je n’ai pas de candidose, ne pense pas être enceinte, mais je vais vérifier. J'ai connu ces douleurs pour mes deux précédents allaitements. Cette fois-ci, cela a l'air encore plus intense.
Avez-vous rencontré des mamans ayant eu ces problèmes, et quelles solutions ont été trouvées ?
R de Frances – Je l'ai vécu aussi lors de mon dernier allaitement, pendant au moins six mois. C'était vraiment horrible, avec une énorme baisse de lactation et aussi une aversion aux tétées qui s'est installée. J'avais une carence en magnésium et en B12, mais il n'y a pas eu de lien clair entre démarrer les compléments alimentaires et la disparition de cette sensibilité.
R de Mathilde – À partir du retour de couches qui a suivi ma première grossesse, mes tétons sont devenus ultrasensibles au moment de l'ovulation, comme s'ils étaient congestionnés. Depuis, j'ai toujours ça, c'était revenu après mon deuxième retour de couches et jusqu'à maintenant. Pendant mes deux allaitements, les tétées durant ces périodes étaient vraiment très douloureuses, et je n'ai jamais trouvé de solution en dehors de serrer les dents et d'écourter au maximum la durée des tétées durant les quelques jours difficiles, surtout quand mes enfants étaient grands. Hors allaitement, je trouve que c'est pratique, car je sais exactement où j'en suis dans mon cycle !
R de Joy – J’ai et je suis toujours dans la même situation (même si c’est plus simple avec l'allaitement d’un enfant de presque 6 ans qu’avec un nourrisson accroché au sein H24). J’ai mis du temps à comprendre que c’était lié à mon cycle, mais c’est apparu aussi après mon retour de couches, vers les 6 mois de mon fils.
Nous avions enchaîné bébé préma, candidoses, frein de langue restrictif… donc j’avais du mal à trouver ce qui était responsable de ces douleurs.
J’ai passé beaucoup de temps à serrer les dents et les fesses, ça a été plus simple à certaines périodes, à d’autres très compliqué. Toujours au moment de mon ovulation. Ces derniers temps, c’est assez marqué, mais je n’allaite plus que pour le coucher, donc ça va…
Désolée, au final, pas de solutions à apporter. Mais je pense que les témoignages pourront toujours faire du bien à cette maman; c’était très frustrant pour moi de ne trouver aucune information !
R de Claire – J’ai remarqué pour ma part que ma sensibilité devenait plus importante à mesure que je prenais de l’âge. Je ne sais pas si c’est un facteur qui se retrouve chez d’autres mères.
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